Ac
5, 27b-32.40b-41 ; Ps 29 ; Ap 5, 11-14 ; Jn 21, 1-19
Chers
frères et sœurs,
Il
était de tradition, dans les premiers siècles de l’Église en Gaule, de lire le
livre de l’Apocalypse durant le temps de Pâques. Une des raisons est que
ce livre donne une des clés les plus importantes pour comprendre la liturgie
eucharistique. Dans son langage original, l’Apocalypse enseigne que les
rites que nous accomplissons sur terre lors d’une messe, correspondent
exactement à ceux qui se déroulent éternellement dans le ciel.
De
même que le Temple et ses rites avaient été établis par Moïse à partir de la
vision qu’il avait eue au Mont Sinaï, de même, l’architecture des églises et la
liturgie qu’on y célèbre proviennent non pas seulement du dernier repas de
Jésus avant la Pâque, mais aussi de la vision que les Apôtres ont eu de sa
glorification, de son ascension dans le ciel. Ainsi, les anges acclamaient
Jésus, l’Agneau immolé, lorsqu’il montait s’asseoir à la droite du Père pour
inaugurer un règne de Paix ; de même, les chrétiens assemblés chantent
l’Agneau de Dieu, qui enlève les péchés du monde, en le priant de lui donner sa
Paix.
J’ai
dit « les chrétiens assemblés » : « assemblés »,
c’est-à-dire « en Église ». Nous retrouvons justement cette mention
dans l’évangile d’aujourd’hui, où il est dit : « Il y avait là ensemble,
Simon-Pierre, avec Thomas appelé Didyme, Nathanaël de Cana de Galilée, les fils
de Zébédée, et deux autres de ses disciples. » Notons qu’ils sont
sept, comme le livre de l’Apocalypse cite sept Églises pour évoquer
l’ensemble de toutes les Églises. Il est donc question ici de l’universalité de
l’Église, de son ouverture à toutes les nations, de sa mission.
On
voit alors Pierre partir pêcher ou prêcher, proclamer l’évangile dans le monde.
Volontaires, les autres désirent l’accompagner. Mais ils ne prennent rien. Leur
travail est stérile parce qu’il se fait au mauvais moment et sans l’ordre de
Jésus. Pour que la pêche soit fructueuse, il faut attendre le « lever
du jour », c’est-à-dire celui de la résurrection de Jésus, le
dimanche, et son ordre : « Jetez le filet à droite de la barque. »
« À droite de la barque », c’est-à-dire au nord, en direction
d’Antioche et de la Syrie, en direction des nations païennes. Les disciples
tireront bientôt de l’eau 153 poissons, nombre qui correspond à celui du total
des nations répertoriées traditionnellement par Pline le géographe. La première
partie de l’évangile correspond donc à la prédication des Apôtres, à l’annonce
de l’Évangile. C’est la première partie de la messe, pour nous le temps des
lectures.
Quand
Pierre eut compris que Jésus était présent, il se ceignit de son vêtement,
comme Jésus s’était ceint d’un linge pour le lavement des pieds. Il peut s’agir
d’un vêtement de lin ou d’une tunique. Dans les deux cas, pour un hébreu, la
référence au vêtement des prêtres est immédiate. Pierre change de lieu : il
était sur la mer ; le voilà maintenant sur la terre. Avant il était à
l’extérieur du Temple ; maintenant il est dans le sanctuaire. Là se
trouvent le feu de braises et du poisson posé dessus, comme dans le Temple se
trouvent le feu pour l’encens et l’offrande présentée à Dieu. Il y a un jeu de
mots en grec, « offrande » se dit « θύος » et
« poisson » se dit « ιχθύς ». Vous savez bien que ιχθύς
pour les premiers chrétiens se comprenait : « Ièsous Christos Theou
Uios Sôter » : Jésus Christ Fils de Dieu Sauveur. Donc, Pierre, revêtu
de sa tunique, se trouve symboliquement ou rituellement dans le sanctuaire
parfumé d’encens, où l’offrande eucharistique est présentée à Dieu par Jésus
lui-même.
Alors
Jésus demande à ce que soient apportés les 153 poissons, c’est-à-dire toutes
les églises, tous les saints des églises, tous les baptisés, pour qu’ils
participent eux aussi à l’offrande du repas, celui des noces de l’Agneau, à la
communion des saints. Il n’y a qu’une seule Église du Christ, qu’une seule
communion des saints, qu’un seul repas ; c’est pourquoi le filet ne s’est
pas déchiré.
Avant
que commence le repas, saint Jean précise que les disciples savaient qu’ils
étaient en présence de Jésus : « Ils savaient que c’était le
Seigneur. » Le Syriaque dit : « Ils croyaient que
c’était lui. » En effet, la foi est la condition nécessaire pour pouvoir
participer à l’Eucharistie. Nous aussi, nous faisons notre profession de foi,
avant la prière eucharistique. Alors Jésus peut prendre le pain, le syriaque
dit qu’il prononça la bénédiction, et il leur donne, ainsi que le poisson :
c’est la prière eucharistique et la communion.
Voilà
chers frères et sœurs comment anous pouvons lire l’Évangile de ce dimanche, où
la messe des premiers temps apostoliques est la même que celle de notre temps
et celle des temps à venir, parce que la liturgie de la terre, en tout temps et
en tous lieux, correspond exactement à celle qui est éternelle, celle du ciel.