Ac
15, 1-2.22-29 ; Ps 66 ; Ap 21, 10-14.22-23 ; Jn 14, 23-29
Chers frères et sœurs,
Durant ses apparitions, Jésus rappelle aux Apôtres l’enseignement qu’il leur avait donné avant sa mort, enseignement qu’ils ne pouvaient pas comprendre à ce moment, mais seulement après sa résurrection. Voilà pourquoi nous lisons l’Évangile selon Jean maintenant, après Pâques.
Dans son enseignement, Jésus dit : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure. » Aimer Jésus et garder sa parole sont deux choses inséparables. Par « garder sa parole », il faut entendre « écouter ses commandements et les mettre en pratique », c’est-à-dire vivre selon le premier commandement qui est au cœur de tous les autres commandements de la Loi : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit », ceci sans oublier celui qui lui est semblable : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Celui qui vit ainsi, dit Jésus, sera aimé de son Père. De fait, il est comme une terre labourée, bien préparée, pour accueillir la semence que voici : « Nous viendrons vers lui. » Jésus dit « nous » car il parle inséparablement de son Père, de lui-même le Fils, et de l’Esprit Saint. La Trinité Sainte, comme à Abraham au chêne de Mambré, se présente à l’homme juste afin que, dit Jésus : « chez lui, nous nous ferons une demeure. » Comprenez, chers frères et sœurs, que l’homme juste, qui aime Jésus et garde sa Parole, qui est aimé de son Père, est visité par la Sainte Trinité qui vient habiter en lui comme dans le Temple. L’homme juste est le Temple de Dieu : son cœur est devenu comme le Saint des Saints en lequel vient reposer la Présence de Dieu.
C’est pourquoi, Jésus, après avoir parlé du don de l’Esprit Saint qui rappelle aux Apôtres ses paroles, parce qu’en même temps il les réalise, leur parle maintenant de la paix. Il y a deux mots en hébreu pour parler de la paix : soit la paix divine, le repos de Dieu ; soit la tranquillité humaine, les accords signés entre les hommes. Évidemment, ici Jésus parle de la paix – Shalom – qui est le repos de Dieu. On n’a cette paix que lorsque la Sainte Trinité vient habiter dans notre cœur. Et en même temps, avec cette paix de Dieu, on a aussi sa joie, une joie que le monde ne connaît pas.
Maintenant que nous avons compris que Dieu vient habiter en nous, avec la vision du livre de l’Apocalypse, nous comprenons que cette habitation de Dieu en l’homme correspond aussi exactement à l’habitation de l’homme en Dieu. La communion de l’homme avec la Sainte Trinité est une habitation réciproque. Ainsi l’homme vient habiter sur la haute montagne, dans la ville sainte, Jérusalem, dans la gloire de Dieu, illuminée par Jésus. Cette ville a douze portes correspondant aux douze tribus des fils d’Israël et douze fondations correspondant aux douze Apôtres. C’est-à-dire que dans la Jérusalem céleste sont réunis Israël et l’Église, les Juifs et les païens entrés dans la communion de Dieu par la foi. Ensemble, dans la paix et la joie, nous ne formons qu’un seul peuple de Dieu. La communion est en même temps la Sainte Trinité qui habite en l’homme, l’homme qui habite en Dieu, et l’homme en communion avec ses frères et sœurs qui partagent le même amour de Dieu, la même foi. C’est inséparable.
Et nous arrivons au débat survenu entre les chrétiens d’origine juive et les chrétiens d’origine païenne, dans les Actes des Apôtres. Vous avez bien compris que, dans le cœur des Apôtres, l’unité de l’Église est fondamentale puisqu’elle reflète sur terre l’unité de la Jérusalem céleste, qui est l’habitation réciproque entre les justes et la Trinité Sainte. C’est pourquoi il est dit dans les Actes que la décision des Apôtres a été prise à l’unanimité, c’est-à-dire dans l’Esprit Saint. Il ne pourrait en être autrement dans l’Église.
Le fond du débat est : est-ce que les païens, en se convertissant, doivent quitter leur identité pour devenir juifs ? Ou bien inversement, est-ce que les Juifs doivent perdre leur identité pour devenir comme les païens, pour que tous puissent être chrétiens ? La réponse est que personne n’a à perdre son identité ; la foi ne détruit pas l’identité des personnes : elle les transfigure. Ainsi les juifs chrétiens peuvent et doivent vivre selon la Loi et leurs coutumes illuminées par la foi, et les chrétiens d’origine païenne doivent obéir par la foi au cœur de la Loi sans avoir à en suivre les formes coutumières juives. Le cœur de la Loi est rappelé par les commandements qui sont en tête de chacune des deux tables : d’abord contre l’adoration des idoles, l’amour exclusif de Dieu ; puis l’interdiction de verser le sang : « tu ne tueras pas » ; et la pratique d’une vie morale sainte qui en découle : le refus des unions illégitimes. Nous savons que les premiers chrétiens ont suivi scrupuleusement cette décision, jusqu’au témoignage du martyre. Et elle est toujours valable pour nous aujourd’hui, dans notre monde rempli d’idoles variées, qui veut porter atteinte à la vie, et qui fait se fait le promoteur d’une société désordonnée.
Nous sommes toujours, comme chaque chrétien en son temps, à la croisée des chemins : choisissons-nous l’obscurité ou la lumière ? la division ou son miroir, l’unité totalitaire, ou bien l’unité dans la diversité, dans la communion du Père du Fils et de l’Esprit Saint, pour y vivre ensemble la paix et la joie de Dieu ?