Ac
13, 14.43-52 ; Ps 99 ; Ap 7, 9.14b-17 ; Jn 10, 27-30
Chers
frères et sœurs,
Toute
l’humanité a été créée pour la vie éternelle ; elle a vocation à entrer
dans la gloire de Dieu. Dans cette humanité, par élection et par alliance, les
Juifs ont reçu la révélation et la Loi de Dieu – la Parole de Dieu : les
Juifs sont dépositaires de la promesse et de l’espérance du Messie, du Sauveur.
Non pas seulement pour eux, mais aussi pour toute l’humanité.
Cependant,
ils n’avaient pas prévu, pas compris dans cette Parole, dans les Écritures, que
ce Messie ne serait pas seulement un homme, mais Dieu lui-même ; et qu’il
ne viendrait pas pour une cause terrestre – la libération de la Terre Sainte de
toute ingérence étrangère par exemple – mais qu’il vient pour une cause
céleste : la libération de tous les peuples, juifs et païens, du péché et
de la mort, pour les faire entrer ensemble dans la véritable Terre Sainte
qu’est la vie éternelle.
Le
vrai problème, pour les Juifs, est que Jésus s’affirme comme Fils de Dieu,
comme Dieu lui-même : « Le Père et moi, nous sommes un »
dit Jésus. Mais soyons francs, cette question, celle de la Trinité, nous pose
aussi problème à nous qui sommes culturellement des enfants des philosophes
grecs, des légistes romains, et qui plus est fils de Descartes : le
mystère de la Trinité pose problème à la raison humaine. Nous ne comprenons pas
qui est Dieu. La divinité nous éblouit ; elle nous dépasse. C’est
pourquoi Jésus – de même que Paul et Barnabé ensuite – disent qu’il est
nécessaire pour en avoir la connaissance d’avoir préalablement reçu la grâce de
la foi.
Dans
son enseignement Jésus explique que c’est le Père qui lui donne ses brebis :
la foi est d’abord un don de Dieu. On peut la demander pour soi-même, mais
aussi pour les autres. Quiconque reçoit la foi du Père est dans sa main,
c’est-à-dire est dans son Esprit Saint.
Dès
lors, la personne qui a reçu la foi écoute la voix de Jésus. On devrait
peut-être dire plus exactement qu’elle reconnaît cette voix intérieurement,
parce qu’elle lui réjouit le cœur. C’est tellement vrai que Jésus dit des
personnes qui écoutent sa voix qu’il les « connaît ». Dans le langage
de saint Jean, cela veut dire qu’il y a une union spirituelle intime directe
entre eux, comparable à l’amour entre un homme et une femme. Alors, poursuit
Jésus, la personne qui a foi en lui, qui écoute sa voix, qui est en communion
avec lui, se met à le suivre.
Suivre
Jésus, c’est se préparer activement par l’amour de Dieu et du prochain, à
recevoir la plénitude du Saint Esprit : « Je leur donne la vie
éternelle » dit Jésus ; et il ajoute aussitôt : « personne
ne les arrachera de ma main. » Nous avons déjà entendu cette
expression qui évoque le don de l’Esprit. Vous allez me dire :
« Encore ? L’Esprit n’a-t-il pas déjà été donné par le Père, en même
temps que la foi ? » Eh bien oui : quand on a la foi, qu’on
écoute la voix de Jésus, qu’on entre en communion avec lui, et qu’on se met à
le suivre, on reçoit toujours plus l’Esprit Saint, qui nous encourage à aller encore
plus loin, plus profond ou plus haut, dans l’amour de Dieu, dans sa communion,
dans sa gloire. Saint Paul disait aux Corinthiens : « Et nous tous
qui n’avons pas de voile sur le visage – qui avons la foi – nous
reflétons la gloire du Seigneur, et nous sommes transformés en son image avec
une gloire de plus en plus grande, par l’action du Seigneur qui est Esprit. »
Les personnes qui écoutent Jésus et qui le suivent sur son chemin, qui ont reçu
l’Esprit Saint et reçoivent toujours plus l’Esprit Saint, bénéficient en même
temps d’une promesse : « Jamais elles ne périront. »
C’est-à-dire que le Mal et la mort ne prévaudront jamais sur elles. Car elles
appartiennent à Dieu.
Nous
avons vu qu’il y a tout un mouvement depuis le Père qui donne l’Esprit ; puis
la personne qui reçoit l’Esprit se met à écouter et à suivre Jésus,
c’est-à-dire lui offre sa vie ; et enfin le Fils qui reçoit cette vie et
lui donne à son tour l’Esprit. C’est sans fin, comme une valse infinie. Dans ce
mouvement, on s’aperçoit que l’homme est partie prenante. Cela signifie qu’on
ne peut pas comprendre le mystère du Dieu unique en trois personnes, la Sainte
Trinité, si on n’entre pas dedans, dans sa vie intérieure.
Je
vais terminer par une image, celle que je trouve pour le moment la plus
appropriée pour comprendre ce mystère : Considérez un compositeur : c’est
Dieu le Père. Invisible, inaccessible, séparé par la distance ou par le temps,
du chef d’orchestre et des musiciens, il leur fait don de sa partition. Le chef
d’orchestre, c’est Dieu le Fils. Il est homme – il fait partie de l’orchestre –
mais il est aussi Dieu : il n’y a que lui qui sait interpréter
correctement la partition écrite par son Père. Les musiciens, ce sont les
hommes – tous différents, avec des vocations différentes, des histoires
différentes – qui sont autant que possible accordés dans la charité mutuelle,
qui écoutent les instructions du chef d’orchestre et suivent le chemin de sa
baguette de bois, de sa croix, le rythme. Et l’Esprit Saint… c’est la musique !
Plus l’orchestre est accordé, plus il écoute et suit le chef d’orchestre, plus
la musique devient puissante, symphonique, angélique, intensément divine, répondant,
magnifique, à la volonté du Père. Alors de tous, transportés, transfigurés,
elle est l’expression de la joie éternelle.