samedi 19 avril 2025

18 avril 2025 - GY - Vendredi Saint - Célébration de la Passion du Seigneur - Année C

Is 52,13-53,12 ; Ps 30 ; He 4,14-16 ; 5,7-9 ; Jn 18,1-19,42
 
Chers frères et sœurs,
 
Pourquoi lisons-nous chaque année la Passion de Jésus ? Parce que dans l’Église, la liturgie a pour fonction de nous faire vivre les événements de sa vie, comme si nous y étions. C’est le travail de l’Esprit Saint que de supprimer l’espace et le temps, pour que tous les hommes puissent participer à la vie de Jésus. Ainsi, l’Esprit Saint a mis dans la bouche du prophète Isaïe ce que nous avons entendu en première lecture. N’est-ce pas qu’on dirait qu’Isaïe était présent à la Passion de Jésus ? Et pourtant il a vécu 750 ans avant lui ! Et le psalmiste ? L’Esprit Saint lui a inspiré un psaume qui a certainement été dit par Jésus en sa Passion : « En toi, Seigneur, j’ai mon refuge ; garde-moi d’être humilié pour toujours. En tes mains je remets mon esprit ; tu me rachètes, Seigneur, Dieu de vérité. » Et pourtant ce psaume a été écrit 500 ans avant Jésus. Aujourd’hui, l’Esprit Saint nous les fait entendre, en même temps que la Passion de Jésus, pour que nous aussi, 2000 ans après, nous y participions.
 
Si nous sommes présents lors de la Passion, quel personnage sommes-nous ? Jésus, Pierre ou un autre apôtre, Pilate, Caïphe, un soldat, quelqu’un dans la foule, Marie, Marie-Madeleine, Nicodème… ? Ou encore Dieu le Père, lui-même, qui assiste comme impuissant à la mort de son Fils unique, son fils bien-aimé ? En prenant le temps de méditer la Passion de Jésus, nous pouvons chacun nous identifier à l’un ou l’autre personnage, ou même plusieurs, en fonction des différents événements de nos vies. Et on s’aperçoit que la Passion parle aussi de notre propre vie. Je voudrais jeter un bref regard sur Pilate et Caïphe, puis sur Nicodème et Marie, femme de Clophas.
 
Pilate est un homme qui n’a pas de racines en Dieu. Il ne sait pas ce qu’est la Vérité. Il ne croit à rien, même pas à la justice puisqu’il est prêt à condamner à mort un innocent. La seule chose qui le guide est la peur de perdre le pouvoir que lui a délégué l’Empereur romain. On sent que Pilate lutte en lui-même : car il sait que sa conscience le condamne. Mais la peur le conduit à tuer sa conscience comme elle le conduit à tuer Jésus. Combien d’hommes aujourd’hui ressemblent à Pilate ? Il y en a tant qui ont abdiqué leur conscience, pour s’aplatir devant un pouvoir sans vraie justice, et qui finalement en viennent à voter la mort des innocents ?
Caïphe est tout le contraire de Pilate. En tant que Grand prêtre d’Israël, il n’y a pas plus croyant en Dieu que lui. Il baigne dans la Loi de Moïse et les Prophètes depuis son enfance. Sa vie est guidée à la moindre seconde par les observances de la Loi. Mais il ne reconnaît pas Jésus : il ne veut pas le voir. Car Jésus représente pour lui un danger, jusqu’à en vouloir sa mort. Et il en vient à renier l’obéissance qu’il doit à Dieu seul, pour s’inféoder lamentablement à l’Empereur de Rome : « Nous n’avons pas d’autre roi que l’empereur » dit-il. Pourquoi Caïphe en est-il arrivé là ? Lui aussi a peur. Peur que confesser sa foi en Jésus ne lui fasse perdre sa bonne place, voire sa vie. Peur aussi que les Romains détruisent à nouveau Jérusalem, comme au temps de l’Exil à Babylone. Combien de baptisés aujourd’hui ressemblent à Caïphe ? Il y en a tant qui détournent leur regard de Jésus, qui ferment leur oreille à son appel, pour conserver une vie tranquille, un environnement sécurisé, mais qui en réalité étouffent la voix de l’Esprit Saint dans leur cœur ?
Avez-vous remarqué, chers frères et sœurs que dans les deux cas, il y en a un dont l’ombre s’étend à Jérusalem sans qu’il y soit lui-même présent ? Et qui est déterminant dans l’attitude de Pilate et de Caïphe ? C’est l’Empereur de Rome. L’Empereur qui étend son pouvoir jusqu’à Jérusalem, simplement par la peur ! C’est ainsi que domine le Diable dans le monde. Par la peur, il détourne les consciences des hommes et les âmes de Dieu. Pilate est sans doute excusable : il n’a pas la foi. Mais Caïphe ! Voilà que l’ange adorateur de Dieu s’est transformé en démon adorateur du monde ! Quel drame ! Quelle tristesse !
 
Tournons-nous maintenant vers Nicodème et Marie, femme de Cléophas.
Nicodème était un personnage très riche et par là très influent à Jérusalem. Tout le monde savait qu’il n’était pas insensible à l’Évangile. Mais il n’est pas toujours très bon d’être religieusement radical quand on est un personnage public, qui fait des affaires : il faut être bien avec tout le monde... Il était donc resté publiquement sur la réserve. Mais en secret, Nicodème est très ferme : il a la foi. Et c’est une foi qui agit. Et au moment où il pouvait agir, où il devait agir, il a agi. C’est lui qui a financé le linceul de lin fin et les aromates pour l’ensevelissement de Jésus. Un ensevelissement de roi. Combien d’hommes, dans le secret de leur cœur, sont-ils attachés fermement à Jésus. Et quand l’occasion se présente, quand l’appel de Dieu retentit dans leur conscience, répondent immédiatement : « me voici ! » et agissent en conséquence.
Je termine par Marie, femme de Cléophas. Personne ne la connaît à Jérusalem : elle est une inconnue. Elle est comme on dit « une sainte femme ». Elle ne dit rien. Elle n’agit pas. Mais elle est simplement là, au pied de la croix, avec Marie mère de Jésus, Marie-Madeleine et saint Jean. Mystère des saintes femmes qui passent sous les radars de l’Histoire, mais aussi sous les radars de la peur des puissants. Elles ne craignent rien, elles n’ont peur de rien, même pas du démon. Parce qu’elles ont la foi. Comme des petites bougies allumées dans les églises, filles d’Espérance, près de Jésus, elles sont toujours là.
 
Chers frères et sœurs. Et nous ? Qui sommes-nous en la Passion de Jésus ?  

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