dimanche 28 décembre 2025

27-28 décembre 2025 - FRASNE-LE-CHÂTEAU - CHAMPLITTE - La Sainte Famille - Année A

 Si 3, 2-6.12-14 ; Ps 127 ; Col 3, 12-21 ; Mt 2, 13-15.19-23
 
Chers frères et sœurs,
 
En préparant mon homélie, je m’interroge toujours : « Pourquoi l’évangéliste a-t-il choisi de nous raconter tel épisode, ou tel détail de la vie de Jésus ? Quelle était son intention ? » Aujourd’hui, la fuite en Égypte permet à saint Matthieu de montrer comment la Loi et les prophètes annonçaient Jésus de manière prophétique. Je ne peux pas ici tous les donner, mais les liens sont très nombreux : le texte est comme tissé de références à l’Ancien Testament. Donc le message premier pour saint Matthieu est de nous prouver, prophéties à l’appui, que Jésus est bien le Messie annoncé et attendu.
 
Lorsqu’on creuse un peu le texte, en essayant de s’adapter à la mentalité antique et orientale de l’évangéliste, on découvre encore d’autres détails significatifs. Par exemple, il faut avoir l’œil exercé pour s’apercevoir que le nom d’Hérode est cité à neuf reprises, autant de fois que le mot « enfant » pour parler de Jésus. Autrement dit, saint Matthieu met en concurrence les deux royautés et, bien sûr, c’est la royauté de Jésus qui est la seule légitime. Ceci est d’autant plus vrai que si l’on ajoute la mention des « enfants de Rachel », qui se trouve dans le petit passage supprimé par notre édition liturgique… – on se demande pourquoi. Si donc, on ajoute les « enfants de Rachel », cela monte le nombre de citations à 10, qui est le chiffre de Dieu. Jésus est donc non seulement le roi légitime, mais il est aussi Dieu.
Faisons un pas de plus avec la mention de l’enfant. En araméen, « enfant » se dit « t.àlyâ’ ». Ce que nous se savons pas, ordinairement, c’est que ce mot est aussi employé pour dire « agneau ». Un enfant est un petit agneau : c’est bien connu, tous les parents le savent ! Mais bien sûr, pour nous chrétiens, ce lien entre « enfant Jésus » et « agneau » nous renvoie à la Pâque, où Jésus est l’Agneau de Dieu offert en sacrifice pour le pardon des péchés. Il y a là un jeu mystérieux entre les agneaux – la multitude des saints innocents – sacrifiés par Hérode pour tenter de sauvegarder son pouvoir en voulant en réalité tuer Jésus, qui est Dieu ; et d’autre part Jésus, le véritable Agneau pascal, qui sera sacrifié pour le pardon des péchés de la multitude des hommes. On voit à l’œuvre le mouvement du démon qui veut tuer les innocents pour garantir son pouvoir usurpé et factice, et le mouvement de Dieu qui donne lui-même sa vie, par amour pour ceux qu’il aime.
 
Saint Joseph s’inscrit parfaitement dans le mouvement de Dieu. En définitive, il sacrifie tout ce qu’il a pour l’accueil, la protection et l’éducation de Jésus. Il sacrifie d’abord son bien-être personnel et même son orgueil en reconnaissant comme sien Jésus, fils de Marie et fils de Dieu. Cela n’avait rien d’évident, comme l’intervention de l’ange l’a montré. Mais Joseph qui était juste a obéi à la parole de l’ange. Un ange dit toujours la Parole de Dieu. Ensuite, Joseph, qui devait bien avoir quelques affaires professionnelles en cours, doit s’enfuir en Égypte. Certes, la nécessité d’aller à Bethléem pour le recensement était un contre-temps, mais cela n’a rien à voir avec le devoir de refaire sa vie à l’étranger. Là encore, l’ange intervient pour avertir Joseph du danger et de la nécessité de fuir. Et là encore, Joseph écoute la Parole de Dieu. Enfin, c’est encore l’ange qui dans un songe l’invite à quitter l’Égypte et à remonter en Israël. Il faudra un second songe, pour préciser le lieu, qui sera Nazareth, selon l’antique prophétie d’Isaïe. À chaque fois, Joseph écoute la Parole et la met en pratique. Et pourtant, cela voulait dire qu’il lui fallait tout recommencer... Mais il le fait.
Il y a une particularité dans la version syriaque de l’évangile. Dans notre édition, nous avons : « Averti en songe, il se retira dans la région de Galilée », quand le syriaque dit : « Et il vit en songe qu’il devait aller dans un lieu de Galilée. » La particularité est l’emploi du mot « lieu », qui signifie en fait « sanctuaire ». Il n’y a pas de Temple à Nazareth, mais nous savons qu’il y a une synagogue importante. Le choix de Nazareth est motivé d’une part parce qu’il s’agit d’un village où réside un rameau du clan de David – on est donc en famille – et d’autre part, parce que c’est manifestement un lieu, qui est comme un sanctuaire, où l’on peut faire de bonnes études religieuses. Voilà qui explique les conflits rencontrés ultérieurement par Jésus à Nazareth, tant avec sa parenté qu’avec ses maîtres. Ceci dit, Joseph a choisi de s’installer dans un lieu qui assure aussi bien la sécurité de Jésus que son éducation, sa formation religieuse.
Ainsi nous est donnée à travers ces évocations de Joseph, la figure d’un merveilleux père de famille qui, par obéissance à la Parole de Dieu, a donné sa vie et tout ce qu’il avait pour ceux qu’il aime : Marie et Jésus.
 
Bien sûr, on pourrait continuer notre exploration de l’évangile : il y a tant de choses à dire, notamment sur le fait que Joseph est guidé par les anges. Il est donc lui aussi un prophète. Mais je crois que je vais m’arrêter là, en me souvenant que si Hérode a maintenu son pouvoir en tuant des enfants – y compris les siens à une certaine époque – Joseph au contraire a donné sa vie pour son enfant, qui est aussi son Seigneur et son Dieu.

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