Is
11,1-10 ; Ps 71 ; Rm 15,4-9 ; Mt 3,1-12
Chers
frères et sœurs,
Bienvenue
dans le monde des prophètes ! Un prophète, dans notre tradition
judéo-chrétienne, est un homme ou une femme, qui est habité par l’Esprit de
Dieu et par qui la Parole de Dieu s’adresse aux hommes. Il en est institué
témoin et messager.
Dans
la première lecture, le prophète Isaïe rapporte la vision qu’il a du monde
nouveau, que nous appelons le ciel, ou le Royaume des Cieux. Dans ce ciel se
trouve le rejeton de David, le juste juge. Il est également dit fidèle,
c’est-à-dire qu’il est Dieu. Il n’y a que Dieu qui soit vraiment juste et
fidèle. Isaïe dit de lui : « Ce jour-là, la racine de Jessé sera
dressée comme un étendard pour les peuples, les nations la chercheront, et la
gloire sera sa demeure. » Bien sûr nous savons qu’il s’agit de Jésus,
dressé sur l’étendard de la croix, appelant au baptême les hommes de toutes les
nations, et demeurant dans la Gloire de Dieu, au ciel.
Dans
l’évangile, nous sommes mis en présence de Jean-Baptiste. Ce n’est pas pour lui
donner une petite touche d’exotisme que saint Matthieu nous dit qu’il est
habillé d’un « vêtement de poil de chameau, avec une ceinture de cuir
autour des reins ». Le 2ème livre des Rois nous apprend que
le prophète Élie était habillé exactement de la même manière. Le message est
très clair, et saint Matthieu le dit explicitement au chapitre 17 de son
évangile : saint Jean-Baptiste, c’est Élie de retour. Non pas sa
réincarnation, mais avec le même esprit.
En
quoi cela est-il important ? Parce que selon le prophète Malachie, Élie
doit revenir « avant que vienne le jour du Seigneur, jour grand et
redoutable ». Nous comprenons pourquoi Jean-Baptiste proclame avec
insistance : « Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout
proche. » Elie-Jean-Baptiste annonce la venue de Jésus, le juste juge et
fidèle, qui, sous le signe de la croix, va rassembler toutes les nations dans
la demeure de sa Gloire, au Ciel.
Pour
les juifs de Judée et de Jérusalem, à l’époque, il s’agit donc de se convertir
et, pour en manifester l’intention sincère, de se faire baptiser dans l’eau du
Jourdain par Jean. Par nature, si je puis dire, les Juifs sont déjà convertis :
en vertu de l’Alliance du Dieu fidèle, ils appartiennent au Peuple de Dieu. En
quoi doivent-ils se convertir ? Il en est du temps de Jean-Baptiste comme
du temps d’Élie, comme de tous les temps ici-bas : il faut renoncer à
l’idolâtrie pour revenir à l’amour exclusif de Dieu et du prochain. Quand
Jean-Baptiste dit, reprenant une parole prononcée par le prophète Isaïe,
« Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers »,
nous voyons l’image mais n’en comprenons pas vraiment le sens. Pour un juif, il
s’agit clairement de l’étude de la Loi de Moïse et de sa mise en pratique.
Donc, la conversion attendue pour la venue du Messie, c’est l’abandon des
idoles et le retour à la pratique de la Loi de Moïse, et le signe de cette
démarche en est le baptême dans le Jourdain. De fait, pour entrer en Terre
Promise et monter à Jérusalem, au temps de Josué, il faut d’abord franchir les
eaux du Jourdain.
Aujourd’hui,
les Juifs attendent toujours le retour d’Élie et les plus pieux sont évidemment
très attachés à l’étude de la Loi et à sa mise en pratique, comme à de nombreux
bains de purification rituelles.
Cependant,
Jean-Baptiste a ajouté à son appel à la conversion : « Celui qui
vient derrière moi est plus fort que moi, et je ne suis pas digne de lui
retirer ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. »
« Celui qui vient » est Jésus, nous le savons. Il est « plus
fort » que Jean, c’est-à-dire que si Jean est humain, Jésus est divin.
Car Celui qui est « fort », c’est Dieu. On comprend pourquoi
Jean n’est pas digne de lui retirer ses sandales : Jésus est le Dieu fort.
Et c’est lui qui baptisera « dans l’Esprit Saint et le feu ».
Par
rapport au judaïsme traditionnel, Jean-Baptiste fait ici une « percée
conceptuelle » : le vrai baptême n’est pas dans l’eau du Jourdain,
mais « dans l’Esprit Saint et le feu ». Cela veut dire que la
Terre Promise et Jérusalem ne sont plus la Terre Sainte matérielle et la ville actuelle
de Jérusalem, mais il s’agit du Ciel, du Royaume des Cieux, de la Gloire de
Dieu. Josué et Jésus portent exactement le même nom, mais si l’un fait entrer
dans une terre, l’autre fait entrer dans le ciel. Le juste Juge, qui est Dieu
fidèle, n’est pas un roi de la terre, mais son Trône est dans les cieux. Le
baptême n’est plus d’eau seulement, mais il est au « Nom du Père et du
Fils et du Saint-Esprit ». Et le feu, c’est celui du Don de l’Esprit,
l’Esprit de Pentecôte qui fait l’Église par la communion de tous. C’est ainsi,
d’ailleurs, que les baptisés deviennent eux-mêmes prophètes, par l’Esprit Saint
qui habite en eux.
La
conversion attendue demeure la même qu’au temps d’Élie, d’Isaïe, de Malachie et
de Jean-Baptiste : renoncer aux idoles, aimer Dieu seul et son prochain
comme soi-même, et le mettre en pratique. Et, lorsqu’on est baptisé, vivre déjà
sur la terre de la vie du ciel, par la communion au Corps et au Sang de Jésus,
lui qui est Dieu fort, Dieu juste, Dieu fidèle, hier, aujourd’hui et demain, en
attendant son retour, comme il nous l’a promis. Amen.