dimanche 21 décembre 2025

20-21 décembre 2025 - SEVEUX - LAVONCOURT - 4ème dimanche de l'Avent - Année A

 Is 7, 10-16 ; Ps 23 ; Rm 1, 1-7 ; Mt 1, 18-24
 
Chers frères et sœurs,
 
Au Ier siècle comme aujourd’hui, on s’interroge sur l’identité réelle de Jésus. Pour certains, il est un homme exceptionnel que ses disciples ont indûment élevé au rang de Dieu. Dans ce cas, Marie sa mère l’a enfanté comme le font toutes les femmes. Elle l’a naturellement conçu de Joseph, son époux, ou bien elle l’a eu d’un autre homme, avec toutes les insinuations malveillantes possibles. Pour d’autres, Jésus est Dieu et, à ce titre, il est impossible qu’il ait été en contact d’une manière ou d’une autre avec la chair humaine, nécessairement mauvaise. Ainsi, certains en ont conclu que l’humanité de Jésus n’était qu’apparente, qu’il n’était pas réellement homme. Par conséquent, Marie n’était au mieux qu’une couveuse, et certainement pas sa mère charnelle.
Nous voyons, dans ces deux conceptions extrêmes – Jésus entièrement homme et non pas Dieu, ou Jésus entièrement Dieu et non pas homme – des positions soit rationalistes, soit gnostiques, qui toutes deux ne correspondent pas à la réalité du mystère annoncé par les prophètes et dont témoignent les Apôtres et les évangélistes. Il aurait été plus facile pour eux d’adopter une des deux positions précédentes, mais non, ils ont annoncé et témoigné de l’extraordinaire naissance de Jésus, fils de l’homme et fils de Dieu.
 
Le mystère a d’abord été annoncé par le prophète Isaïe qui, comme nous l’avons entendu en première lecture, répond au roi Acaz en disant : « Voici que la vierge est enceinte, elle enfantera un fils, qu’elle appellera Emmanuel (c’est-à-dire : Dieu-avec-nous). » Dans cette prophétie, l’enfant est appelé « Dieu avec nous », c’est-à-dire qu’il est Dieu – Dieu est son père. Pour garantir et authentifier cette paternité divine, la mère de l’enfant est vierge. Pour autant, l’enfant qui naît d’elle naturellement, de sa chair, est aussi entièrement humain. Nous avons dans cette prophétie qui date du VIIIe siècle avant Jésus toutes les indications correspondant exactement à son cas particulier.
C’est ainsi que l’Ange du Seigneur qui se manifeste à Joseph reprend exactement cette prophétie d’Isaïe. Il explique à Joseph que son épouse demeurée vierge porte en son sein l’enfant qui vient de Dieu, qui est Dieu. L’impensable – la réalisation de la prophétie – lui est tombé dessus. Humainement, Joseph se plaçait dans la première conception qui consistait à penser que Marie avait forcément conçu d’un homme inconnu. Mais en même temps – parce qu’il était juste – il savait que ce n’était pas la vérité : il savait Marie innocente. Ce pourquoi il avait voulu la renvoyer dans sa famille. Mais l’ange l’oblige à assumer la vérité et la réalité : il doit – pour que les prophéties s’accomplissent entièrement – reconnaître la paternité de l’enfant afin qu’il soit reconnu par tous comme « fils de David ». La maternité de Marie, également de la lignée de David, n’aurait pas suffi aux yeux des légistes.
 
Que peut-on en conclure au XXIe siècle, à l’heure de la physique quantique et de la biochimie ? Pas plus qu’au Ier siècle, on n’aura l’explication scientifique de la réalisation physique de ce mystère. Nous sommes obligés de considérer le phénomène comme appartenant à celui de la création : il s’agit d’un acte créateur de Dieu. De la même manière que la résurrection de Jésus d’entre les morts est aussi un acte créateur. Et que le pain et le vin deviennent le Corps et le Sang de Jésus dans la célébration eucharistique est encore un acte créateur.
Ne serait-il pas incohérent, pour un croyant, d’interdire au Dieu créateur du Ciel et de la Terre d’exercer son pouvoir créateur où, quand, et comment il le veut ? Si au contraire nous croyons en Dieu tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, alors ne pouvons-nous pas lui accorder cet espace mystérieux où, tout en demeurant Dieu, il agit dans l’univers que lui-même a créé ? Et qui peut lui interdire de s’y manifester lui-même, en réalisant le signe donné au roi Acaz ? Cette reconnaissance de la toute-puissance de Dieu correspond exactement à la réponse de la Vierge Marie faite à l’archange Gabriel : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. »
Le rationaliste nie la réalité de Dieu et le gnostique nie la réalité de l’homme. Le signe donné à Acaz réconcilie Dieu et l’homme, grandit Dieu dans son abaissement jusqu’à l’homme pour sa rédemption, et grandit l’homme dans son élévation à la dignité de Dieu, par son humble accueil de la grâce.
 
Ceci signifie, chers frères et sœurs, que non seulement le chemin entre terre et ciel ouvert par Dieu en la Vierge Marie, ne l’est pas uniquement pour Jésus mais aussi pour nous tous, et encore que ce chemin est actuel : dans nos vies – qui que nous soyons – Dieu peut intervenir réellement contre toute logique humaine, en vertu de sa toute-puissance divine, lui qui est créateur du ciel et de la terre. La naissance de Jésus ouvre une brèche dans l’impossible qui enferme trop souvent nos vies, nos conceptions, nos représentations, nos mentalités, qui ressemblent parfois à des prisons ou à des tombeaux. Dans les ténèbres diverses qui sont les nôtres, la naissance de Jésus est la lumière qui change tout. Puissions-nous la reconnaître avec joie en nous exclamant avec saint Thomas touchant de ses doigts le corps de Jésus vivant : « Mon Seigneur et mon Dieu ! »

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