2S
5, 1-3 ; Ps 121 ; Col 1, 12-20 ; Lc 23, 35-43
Chers
frères et sœurs,
La
fête de notre Seigneur Jésus Christ Roi de l’Univers nous donne l’occasion de
méditer sur notre vocation humaine et chrétienne.
Dès
le commencement Jésus est « Roi de l’Univers » parce qu’il est le
Verbe de Dieu, la Parole de Dieu, par qui tout a été fait. « C’est par
lui que tout est venu à l’existence, et rien de ce qui s’est fait ne s’est fait
sans lui » a écrit saint Jean : tout dans l’Univers porte son empreinte. C’est
encore plus vrai pour ce qui nous concerne, dès lors que Dieu nous a créés en
disant : « Faisons l’homme à notre image, selon notre
ressemblance. » C’est ainsi que l’homme et tout l’Univers sont
pleinement eux-mêmes selon leur vocation, selon le plan de Dieu, lorsqu’ils accueillent
le Christ Jésus comme principe existentiel et vital de tout leur être, en reconnaissant
Jésus comme « Roi de l’Univers ».
Cependant
l’homme n’a pas reconnu cette royauté et, dans sa chute, il a entraîné
l’Univers dans les ténèbres. Ainsi l’humanité et la création tout entière ont
été assujetties au péché et à la mort. Mais, comme le Seigneur notre Dieu est
fidèle, il ne nous a pas abandonnés à cet esclavage. En premier lieu, il s’est
suscité un peuple prophétique ayant à sa tête un roi, images de l’humanité
sauvée ayant Dieu lui-même à sa tête comme roi. C’est ainsi et en second lieu
que, réalisant cette promesse, le Verbe de Dieu, la Parole de Dieu, Jésus s’est
fait chair en Marie, descendante du roi David. Jésus, vainqueur en sa Passion et
sa résurrection des tentations et de la mort dans lesquels Adam était tombé, fut
élevé au ciel et reconnu « Seigneur ». En lui l’humanité et la
création ont été, non seulement libérées, mais aussi recréées comme humanité et
création nouvelles. C’est ainsi que le peuple prophétique annonçait l’Église,
peuple nouveau dont la constitution n’est pas terrestre mais céleste et dont le
chef hier, aujourd’hui et demain est toujours l’unique et même Seigneur
Jésus-Christ, le « Roi de l’Univers ».
Cette
royauté, ou plutôt ce règne de Jésus s’applique déjà pour nous, baptisés, qui
sommes encore en pèlerinage dans ce monde, au plan social et au plan individuel.
Au
plan social, nous devons distinguer ce qui est de l’ordre terrestre, ce qui est
« à César », et ce qui est de l’ordre céleste, ce qui est « à
Dieu ». Avez-vous remarqué, dans l’évangile de ce jour, que Jésus est
interpellé par trois fois de la même manière : « Sauve-toi
toi-même ! », d’abord par les chefs d’Israël, ensuite par les
soldats romains, et enfin par le mauvais larron. Ces trois tentations de Jésus
rappellent celles qu’il avait déjà vaincues au désert. Ici, tentations de se
proclamer lui-même Messie, Roi et Christ en désobéissant à la volonté de son
Père, contre tentations de changer les pierres en pains, de régner sur tous les
royaumes de la terre en adorant Satan, et de se jeter au bas du Temple en
mettant Dieu en demeure de le sauver. Jésus a été tenté de régner dans l’ordre
terrestre, au prix de trahir son Père au profit de Satan. Mais il a choisi de
boire la coupe de sa Passion : il a fait la volonté de son Père, et c’est
ainsi qu’il a reçu de lui le règne véritable, dans l’ordre céleste.
De
la même manière que Jésus, nous baptisés, nous sommes tentés de faire du règne
céleste du Christ un règne terrestre. Lorsque nous luttons pour un monde « plus
juste et plus fraternel », un monde « de justice et de paix »,
ou bien pour le « règne du Christ » dans le monde, de quoi
parlons-nous ? Si il s’agit d’une justice et d’une fraternité humaine aux
prix de compromissions morales et du sacrifice de la vérité de
l’Évangile ; si il s’agit d’arrangements diplomatiques et d’une paix
fondée sur des intérêts particuliers ; si il s’agit d’une chrétienté
politique niant toute liberté de conscience, alors nous faisons fausse route.
Car le règne de Dieu n’est juste qu’en sainteté, fraternel qu’en communion dans
l’amour de Dieu ; il n’est règne de paix que de la Paix de l’Esprit Saint qui
vient de Dieu seul. Le Règne du Christ pour nous se manifeste dans l’écoute et
l’obéissance à la Parole de Dieu, dans l’amour de Dieu et du prochain, dans la
célébration des mystères du ciel, les sacrements, surtout l’Eucharistie. L’Église
est donc pour nous ici-bas le règne de Dieu, dans l’attente de sa
transfiguration totale dans la Gloire.
Pour
finir, et j’en viens au plan individuel, le Règne de Dieu n’est pas seulement
extérieur à nous : il nous est aussi intérieur. Il rejoint notre vocation
intime : l’amour que Dieu nous porte, l’amour auquel il nous invite, dans
une vie sainte. Le Seigneur Jésus veut régner en nos cœurs ; il veut
habiter en nous comme Dieu demeure dans son Temple. Pour cela, il a besoin de
nous : que nous soyons comme une petite Église personnelle, nourris par sa
Parole et ses sacrements, adorant Dieu seul et soignant notre prochain ;
et que nous chassions les marchands du Temple, nos gros péchés et nos petites
manies, tout ce qui s’oppose à sa volonté. Ce Règne de Dieu n’est pas
inaccessible, comme dit le Seigneur à ses fils bien-aimés : « Elle
est tout près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur,
afin que tu la mettes en pratique. »