Ap
7, 2-4.9-14 ; Ps 23 ; 1 Jn 3, 1-3 ; Mt 5, 1-12a
Chers frères et sœurs,
Nous aimons entendre l’enseignement des Béatitudes. À travers elles, Jésus nous dit qu’il y a une espérance : espérance de dépasser les bassesses et les obscurités de ce monde. Il nous dit qu’il y a une autre vie possible : la vie du ciel, la vie des saints.
Prenons donc au sérieux l’existence de cette vie du ciel, sa réalité. Si elle est telle que Jésus nous le dit, et parce qu’elle est éternelle, alors elle est la seule réalité solide et véritable que nous devons prendre en compte. En regard, la vie de ce monde est non seulement défaillante mais aussi transitoire. Nous le savons bien : autour de nous les hommes meurent, les civilisations meurent, les galaxies elles-mêmes disparaissent, à l’échelle de l’espace. Si la vie du ciel est dans la pleine lumière, la vie de ce monde est au mieux dans le brouillard, oscillant entre ténèbres et éclaircies.
La religion des Juifs et des chrétiens est fondée sur deux révélations fondamentales.
La première est que, par son Esprit Saint, le Dieu qui est a donné à des hommes la grâce de voir, de connaître, de comprendre la réalité de la vie du ciel. Ces hommes sont les Patriarches, Abraham, Isaac et Jacob, et les prophètes : Moïse, Elie, Ézéchiel, Jérémie, Zacharie… et bien d’autres comme eux. Grâce à la vision qu’ils ont eue, ils ont appris non seulement que le ciel existait, mais surtout qu’il leur était promis – qu’il était promis au Peuple de Dieu, pourvu que celui-ci obéisse à ses commandements.
La seconde révélation est que, par l’Esprit Saint ayant couvert la Vierge Marie de son ombre, le Verbe de Dieu, le Fils de Dieu, s’est fait homme en Jésus-Christ, pour que par ses actes et ses enseignements, par son sacrifice sur la croix, sa résurrection et le don de son Esprit à la Pentecôte, le chemin qui mène de la vie du monde à la vie du ciel, soit praticable. Dans un sens et dans l’autre. Cette seconde révélation, non seulement dévoile davantage aux hommes la vie du ciel, mais les y fait également participer, réellement.
Comment cela ? Voir Jésus, c’est voir Dieu – nous en avons la description dans les évangiles. Connaître les apôtres et les disciples de Jésus, les saints et les saintes, qui sont habités et vivifiés par l’Esprit Saint, c’est aussi connaître à travers eux une part de la vie du ciel. Et recevoir les sacrements, les célébrer dans la liturgie, c’est participer mystérieusement, spirituellement mais aussi physiquement à cette vie. Les symboles et les rites si particuliers de la liturgie n’ont de sens que parce qu’il rendent présent ici et maintenant la vie du ciel. Le Corps et le Sang de Jésus dans l’eucharistie, parce qu’ils sont par excellence la vie éternelle, sont donc plus réels et véritables que n’importe quel autre objet périssable dans le monde.
Donc, pour faire bref, la religion des Juifs affirme qu’il existe la terre et le ciel, avec la promesse qu’un jour les portes du ciel seront ouvertes ; et la religion des chrétiens dit qu’en Jésus le Dieu du ciel est venu sur la terre, pour que depuis la terre toute l’humanité puisse être élevée jusqu’au ciel, puisse y entrer : par Jésus, les portes sont ouvertes. Et dans tous les cas, c’est l’œuvre de l’Esprit Saint.
Chers frères et sœurs, l’Esprit Saint n’a jamais cessé et ne cesse jamais son ouvrage. Le simple fait que nous soyons ici réunis ce matin pour célébrer l’eucharistie est aussi son œuvre : parce qu’il nous a inspiré de venir dans cette église et parce que nous y célébrons la liturgie, apparition de la vie du ciel sur la terre, pour que nous puissions communier à cette vie réellement, maintenant.
Ainsi, nous sommes nous-mêmes les gens « vêtus de robes blanches » dont parle le livre de l’Apocalypse : il s’agit du vêtement blanc de notre baptême. L’autel est le trône de Dieu, l’Agneau est l’Hostie, présence réelle de Jésus vivant. De même, les bougies sont le Buisson ardent, lumière de la Gloire de Dieu, perceptible aussi bien au Mont Sinaï, dans le Temple de Jérusalem, à la Transfiguration que lors des apparitions de Jésus ressuscité. Cette même lumière que virent Moïse et Elie, Ézéchiel et tous les prophètes, Pierre, Jacques et Jean, et tous les Apôtres, jusqu’à sainte Marguerite-Marie lorsqu’elle vit le Sacré-Cœur de Jésus à Paray-le-Monial, et saint Séraphim de Sarov lorsqu’il fut lui-même rendu rayonnant. L’Esprit Saint ne cesse pas d’illuminer les saints et les saintes de Dieu. Et c’est pourquoi il nous est donné un cierge de lumière lors de notre baptême.
Doutons-nous de la puissance de l’Esprit Saint qui imprègne les fils et les filles de Dieu, comme il les a imprégnés par l’onction du Saint-Chrême, lors de leur baptême ici encore ? Si l’Esprit de Dieu cessait d’imprégner les hommes et la nature, de les vivifier, tout disparaîtrait immédiatement, comme on éteint une lampe électrique. On est tellement habitués à la présence de l’Esprit Saint qu’on ne le voit même plus – non pas en lui-même, il est invisible – mais dans ses œuvres. Or son œuvre la plus parfaite est de faire de nous des saints. L’Esprit agit particulièrement au baptême, puis ils nous configure à la ressemblance de Jésus : humbles et pauvres, pleurant pour le monde pécheur, doux comme des agneaux, affamés de la sainteté et de la paix de Dieu, généreux en pardon, cœurs purs, hommes et femmes de paix à l’égard de tout prochain.
Voilà pourquoi l’enseignement des Béatitudes nous touche si profondément au cœur : elles nous rappellent que nous avons été faits pour le ciel, que nous avons été baptisés pour en faire partie et en vivre déjà maintenant en ce monde, et que nous sommes appelés à y communier pour l’éternité, configurés à la ressemblance de Jésus, avec tous les saints, pour notre plus grand bonheur.