dimanche 29 septembre 2024

29 septembre 2024 - GRAY - 26ème dimanche TO - Année B

Nb 11, 25-29 ; Ps 18 ; Jc 5, 1-6 ; Mc 9, 38-43.45.47-48
 
Chers frères et sœurs,
 
L’évangile nous donne aujourd’hui un enseignement qui convient parfaitement aux jeunes églises naissantes, quand la Bonne Nouvelle se répand de manière un peu anarchique et que se constituent des traditions diverses, qui – par manque de charité entre chrétiens – conduisent parfois à de graves antagonismes.
Nous voyons cela par exemple, dans l’Église de Corinthe, quand Paul doit éteindre le conflit entre les partisans d’Apollos et ses propres partisans. Apollos, qui venait d’Alexandrie, connaissait bien l’Évangile mais ne pratiquait que le baptême de Jean : il ignorait apparemment le baptême au Nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit. Il avait fallu que Priscille et Aquilas le lui expliquent.
On voit, dans les premières Églises, des communautés judéo-chrétiennes directement issues des Apôtres, composées pour certaines de juifs d’origine palestinienne ou orientale, et pour d’autres de juifs hellénisés, comme à Alexandrie justement, où s’est opéré un premier mélange avec la philosophie et la culture grecque ; et enfin des communautés pagano-chrétiennes, composées de romains ou de grecs directement devenus chrétiens, sans rien connaître au judaïsme malheureusement, ou si peu. Évidemment, tous ces courants ont des difficultés à se comprendre et lisent les évangiles de manière différente. Mais on voit quelle actualité cette situation a toujours aujourd’hui, entre chrétiens de différentes cultures, ou de différentes générations. L’enseignement de Jésus est toujours pertinent.
 
Jésus parle en deux temps. En premier lieu, il jette un regard positif sur la diversité des œuvres inspirées par l’Esprit Saint : « Celui qui fait un miracle en mon nom ne peut pas aussitôt après mal parler contre moi ; celui qui n’est pas contre nous est pour nous. » Faire un miracle au nom de Jésus doit se comprendre originellement comme « faire quelque chose » au nom de Jésus, c’est-à-dire notamment célébrer un sacrement comme celui du baptême. Cet enseignement a été défendu par saint Augustin : le baptême, célébré par qui que ce soit, pourvu que ce soit « au Nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit » est toujours valide. C’est la pierre angulaire de l’œcuménisme entre les chrétiens.
C’est aussi ainsi que Jésus encourage l’hospitalité entre chrétiens, et même reconnaît que toute personne qui accueille un chrétien – parce qu’il est chrétien – recevra une récompense. Car, « celui qui vous accueille, m’accueille. Et qui m’accueille accueille celui qui m’a envoyé », c’est-à-dire le Père.
Donc Jésus, comme Moïse en son temps, porte un regard positif sur les fruits de l’Esprit Saint répandu dans le monde, et même parfois dans le cœur de non-chrétiens.
 
En revanche – et c’est le second temps – il est extrêmement dur pour celui qui provoque le scandale, qui devient un piège pour « ces petits qui croient en moi », c’est-à-dire les fidèles innocents qui placent naturellement leur confiance dans leurs frères, surtout ceux qui exercent sur eux un magistère spirituel, intellectuel et moral, et qui les trahissent d’une manière ou d’une autre.
L’expression « qu’on le jette à la mer » renvoie directement à la mort des Égyptiens dans la Mer Rouge, au moment de la sortie d’Égypte. C’est donc un rejet total. C’est encore plus vrai pour la suite, quand Jésus évoque la main, le pied et l’œil ? qui peuvent devenir pour chacun une occasion de chute (ou de faire chuter les autres) : plutôt que la vie éternelle, c’est la Géhenne qui est promise, « là où le ver ne meurt pas et où le feu ne s’éteint pas ».
Cet enseignement mérite quelques explications. D’abord, concernant la Géhenne. C’est une abréviation de l’hébreu « Guei ben Hinnom », qui signifie « Vallée des Fils de Hinnom », laquelle est connue dans l’Ancien Testament pour être le lieu des sacrifices d’enfants au Moloch. C’est le lieu de l’idolâtrie et en même temps de la condamnation de l’idolâtrie : « là où le ver ne meurt pas, et où le feu ne s’éteint pas ». Il s’agit ici de la citation du tout dernier verset du livre d’Isaïe. Par le prophète Isaïe Dieu annonce d’un côté le Ciel nouveau et la Terre nouvelle, pour tous ceux qui aiment le Seigneur et le servent, et de l’autre, je cite : « au-dehors, on verra les dépouilles des hommes qui se sont révoltés contre moi : leur vermine ne mourra pas, leur feu ne s’éteindra pas : ils n’inspireront que répulsion à tout être de chair. » C’est l’enfer… Les damnés sont dévorés intérieurement par leur péché, et éternelle est la culpabilité qui les consume.

Pour les premiers chrétiens, ceux qui chutent par la main, le pied et l’œil, sont les injustes, les idolâtres et les fornicateurs, ceux qui font le mal et corrompent les familles, ceux qui ne pratiquent pas les œuvres de justice, ceux qui pervertissent la doctrine de la foi, pour laquelle Jésus a été crucifié, et qui ne gardent pas le sceau du baptême – c’est-à-dire la confession de foi. L’éventail est large, mais il est cohérent.
Plus simplement peut-être pouvons-nous comprendre que la main représente les actions, bonnes ou mauvaises ; le pied représente le désir des choses bonnes ou des choses mauvaises ; et les yeux – qui sont l’expression de l’âme – les pensées bonnes ou mauvaises. Ainsi, par ma pensée je me représente, je vois une plaque de chocolat. Si je n’y résiste pas, je m’empresse, je cours pour en chercher une dans la cuisine. Et si je me laisse emporter par ce désir, finalement je la prends… et je la mange ! On voit ici combien l’œil est plus important que la main ou le pied. Il initie et accompagne tout le mouvement. C’est pourquoi Jésus évoque à propos des yeux « le Royaume de Dieu », tandis qu’il dit seulement « la vie éternelle » pour le pied et la main. La racine du mal est dans le cœur de l’homme, dans ses pensées.
 
Alors, chers frères et sœurs, pour finir, devant la diversité des manières d’être chrétien, Jésus nous renvoie à la pureté de notre cœur, à la qualité de notre foi en lui, à notre disponibilité à l’œuvre de son Esprit Saint en nous. Être bienveillant avec les autres et exigeant pour soi-même, c’est peut-être ce qui est le plus difficile. Un repère universel cependant nous est donné : celui de la confession de foi de notre baptême. Elle est la clé du royaume des cieux : ne l’égarons pas, et surtout, qu’elle guide nos pensées !

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