Is
35, 4-7a ; Ps 145 ; Jc 2, 1-5 ; Mc 7, 31-37
Chers
frères et sœurs,
Nous
retrouvons Jésus quittant la région de Tyr et de Sidon – villes qui se situent
au sud de Beyrouth, pour se rendre en Décapole, région située à l’est du
Jourdain peuplée de colonies grecques, aujourd’hui en Syrie. Dans les deux cas,
ce sont des territoires païens, où il guérit, là-bas, la fille d’une Cananéenne,
et ici, un sourd-muet. Le message de saint Marc est assez clair : Jésus
est venu d’abord pour les juifs, mais aussi pour les païens. L’Évangile a une
portée universelle.
Mais
enfin, pour les juifs qui apprennent cette nouveauté du Messie universel, il ne
suffit pas de le dire, il faut aussi le prouver par la seule autorité qui fait
foi : la Loi et les prophètes. Alors, conformément à l’enseignement des
Apôtres dont il est le porte-parole, saint Marc montre comment ces guérisons
accomplissent les Écritures.
Pour
le sourd-muet, il s’appuie sur le Livre d’Isaïe, au chapitre 35, que nous avons
lu en première lecture, justement. Il y a deux références très claires : d’abord,
la mention du sourd-muet lui-même, avec un terme qu’on ne retrouve dans toutes
les Écritures que dans ce chapitre ; et ensuite cette parole :
« il fait entendre les sourds et parler les muets » qui
rappelle ces versets du même chapitre : « Alors se dessilleront
les yeux des aveugles, et s’ouvriront les oreilles des sourds. Alors le boiteux
bondira comme un cerf, et la bouche du muet criera de joie. »
Isaïe
répète : « Alors », c’est-à-dire quand le Seigneur
viendra sauver son Peuple ; qu’une « voie sacrée » sera
tracée, sur laquelle ceux qui sont rachetés et libérés marcheront jusqu’à Sion,
avec des cris de fête, et où ils seront couronnés d’éternelle joie. Pour les
disciples de Jésus, la prophétie est très claire : les païens, sourds à la
Parole de Dieu, incapables de chanter les louanges de Dieu, et d’annoncer sa
Bonne Nouvelle, seront sauvés par Dieu. La « voie sacrée » du
Christ et de ses commandements d’amour, leur sera accessible puisqu’ils auront
été rachetés par sa mort et sa résurrection et libérés de leurs péchés par les
eaux du baptême. Dès lors, ils pourront monter au ciel en chantant les louanges
de Dieu, pour y recevoir la couronne de la sainteté, qui est en même temps la vie
et la joie éternelles.
Voilà
pourquoi, les gens sont « extrêmement frappés » et disent que
Jésus a « bien fait toutes choses », parce qu’ils comprennent
que la sainteté du Peuple de Dieu est offerte aux païens, et que c’est un acte
divin créateur, car seul Dieu peut faire bien ou « de manière bonne »
toute chose nouvelle, car seul Dieu est bon.
Cependant,
il faut bien comprendre que le prophète Isaïe lui-même se faisait commentateur
d’un des cinq livres de la Torah, de la Loi, qui est la référence première, la « constitution »
donnée par Dieu au peuple de Dieu. Quand Isaïe évoque « l’eau qui
jaillira dans le désert, les torrents dans le pays aride. La terre
brûlante qui se changera en lac, et la région de la soif, en eaux
jaillissantes », il fait référence au Livre de l’Exode, plus
particulièrement à l’épisode de Massa et Mériba, quand affamé et assoiffé le
peuple récrimine et se plaint à Dieu de l’avoir mené au désert. Alors Dieu fait
pleuvoir la Manne et Moïse frappe de son bâton le rocher pour y faire sortir de
l’eau vive.
Si
on met bout à bout cet épisode, la prophétie d’Isaïe et la guérison du
sourd-muet, on comprend d’une part que Dieu condamne tous ceux qui récriminent
et se plaignent de leur liberté parce qu’ils manquent de foi en Dieu, et de
l’autre que lui-même Dieu demeure toujours la vraie source de la vie, non
seulement pour son peuple, mais aussi pour toute l’humanité. Et cela, les juifs
attachés à la Torah, pouvaient aussi le comprendre et l’accepter.
Mais
on peut faire un pas de plus. Comment Jésus a-t-il guéri l’homme sourd-muet,
l’homme païen ? Jésus l’emmène d’abord à l’écart. Il lui fait quitter son
monde ancien, renoncer à ses idoles. Puis il met ses doigts dans ses oreilles :
il les débouche ! C’est par son doigt que Dieu a écrit sur les Tables de
la Loi. Ainsi, cet homme conduit au désert, Dieu le « débouche » et écrit
dans son cœur sa Loi. Il lui reste à pouvoir la mettre en pratique. Mais Jésus
lui touche aussi la langue : il libère sa parole, pour le rendre capable
de louer Dieu.
Maintenant
que la mécanique est prête, il ne manque plus qu’à la mettre en
mouvement : Jésus lève les yeux au ciel : il prie son Père. En fait,
à travers ce regard, c’est de sa mort, de sa résurrection et de son ascension
qu’il est question. Car, il se met à soupirer : il donne et envoie son Esprit
saint, la vie qui manquait à cet homme pour être en mouvement. Alors, pour
pouvoir accueillir en lui ce souffle de vie, Jésus lui dit : « ouvre-toi ! »
Alors seulement l’homme peut écouter la Parole de Dieu, la mettre en pratique,
et chanter les louanges de Dieu : il est devenu vivant et membre de la
communion des saints.
Vous
voyez, chers frères et sœurs, comment un événement historique, vécu quelque
part en Décapole par Jésus et ses disciples, peut-être compris à la lumière de
la Loi et des prophètes, mais aussi de la vie de Jésus. Toute la Bible doit se
lire de cette manière. Et c’est merveilleux !