Ez 37,12-14 ; Ps
129 ; Rm 8,8-11 ; Jn 11,1-45
Chers
frères et sœurs,
Il
y a plusieurs façons de lire l’évangile de la résurrection de Lazare. La
première est la plus évidente : il s’agit d’assister au miracle réalisé
par Jésus, en communion avec son Père et le Saint Esprit. Ce qui se passe à
Béthanie nous apprend que nous n’avons pas à redouter la mort – Jésus l’appelle
un « sommeil » – car en Dieu réside la puissance de la résurrection.
Non pas seulement au dernier jour, comme le pensait Marthe, mais déjà
maintenant par la foi. D’ailleurs, saint Paul nous rappelle que tous ceux qui
sont baptisés et sont habités par l’Esprit Saint ont déjà en eux le germe de la
Vie éternelle.
La
deuxième manière de lire l’évangile, est de le comparer avec le récit de la
résurrection de Jésus. Ici, c’est Jésus qui vient au tombeau et qui se trouve
devant la pierre fermée. Tandis qu’au jour de sa résurrection, ce sont les
femmes qui vont au tombeau et s’interrogent : « Qui nous roulera la
pierre ? » Marie – qui a répandu le parfum précieux sur ses pieds et
qui une fois encore aujourd’hui se prosterne à ses pieds – ne pourra pas,
bientôt, retenir Jésus ressuscité. Thomas, qui est ici tout feu tout flamme
pour aller mourir avec Jésus en Judée, non seulement s’enfuira comme les autres
apôtres à Gethsémani, mais aura bien du mal à accepter la résurrection de
Jésus. Lazare, qui est déjà depuis quatre jours dans le tombeau, en sort avec
ses bandelettes et le visage recouvert d’un suaire. Voilà des signes que
reconnaîtra saint Jean au tombeau de Jésus. On dit à Jésus : « Viens
et vois » tandis que saint Jean, lorsqu’il fut venu, dit de lui-même
qu’« il vit et il crut ». Toutes les pièces du puzzle sont là, mais
elles sont encore en désordre. Pour autant, nous pressentons bien qu’à travers
la résurrection de Lazare, c’est déjà la résurrection de Jésus qui s’annonce.
Justement,
la troisième manière de lire l’évangile nous montre ce qu’il se passe dans le
mystère de Dieu lors de la résurrection de Jésus. Car tout en étant homme, Jésus
est Dieu. Il est homme et son humanité nous rend visible ce qui est caché dans
le mystère de Dieu.
Or
que se passe-t-il lorsque Dieu vient constater la mort d’un homme ? Alors
que lui-même sait que la mort, au fond, n’est qu’un sommeil. Devant les larmes
de Marthe et de Marie ; devant les larmes des Juifs, saisi d’émotion,
bouleversé, il ne peut pas s’empêcher de pleurer à son tour. Devant la mort de
l’homme, Dieu pleure. Devant la mort de son Fils Jésus, le Père pleure.
Ils
feraient erreur ceux qui crieraient à l’anthropomorphisme, c’est-à-dire à la
tentation facile de prêter à Dieu des sentiments humains, de projeter indûment sur
Dieu des conceptions humaines. Car notre Dieu n’est pas le dieu de Platon ou
d’Aristote, qui n’a pas de cœur ni de personnalité. Au contraire, la réaction
de Jésus, dont saint Jean fut témoin, m’apprend – comme d’ailleurs déjà toutes
les Écritures (= l’Ancien Testament) – que Dieu a un cœur, des
« entrailles ». Ce n’est pas lui qui est à notre image, c’est nous
qui sommes créés par lui à son image. Nous avons un cœur, comme lui.
Ainsi
aucune de nos larmes n’est jamais perdue : chacune vient toucher le cœur
de notre Dieu, qui nous les rend au centuple par ses grâces. A commencer par
celle de la résurrection de ceux que nous aimons. Car dans ces moments, peut-être
plus que jamais, nous lui ressemblons.
Grâce
à cet évangile de la résurrection de Lazare, nous sommes prévenus et
réconfortés face au drame de la mort. Nous savons que notre Dieu a la puissance
de la dominer et, par son amour pour nous, par sa capacité à être ému par
l’amour que nous nous portons les uns pour les autres, nous savons aussi qu’il
a la volonté que nous vivions. Jésus s’est fait homme et a donné sa vie pour
que l’homme, qui était mort, ressuscite et entre avec lui dans la Vie.