Is 7,10-14 ; 8,10 ;
Ps 39 ; Hb 10,4-10 ; Lc 1,26-38
Marie, Maryam et
Rébecca
Manuscrit Byzantin du
12ème siècle – © Bibliothèque Nationale de France
Dans
les représentations orientales de l’Annonciation, Marie est figurée puisant de
l’eau, tandis que l’Ange du Seigneur s’adresse à elle. Dans les représentations
occidentales, Marie est plutôt chez elle. Mais souvent, pour rappeler la
tradition du puits, on trouve à ses pieds une cruche d’eau. Pourquoi ?
Plusieurs
interprétations sont possibles. La première provient du Protévangile de
Jacques, un texte non reconnu par l’Église, mais qui a beaucoup influencé notre
Tradition. Ce texte rapporte que l’Ange a d’abord rencontré Marie au puits pour
la saluer : « Réjouis-toi, pleine de grâce, le Seigneur est avec
toi, tu es bénie parmi les femmes. » Marie ayant pris peur, s’est réfugiée
chez elle avec sa cruche, puis s’est mise à filer de la pourpre (pour tisser,
dit le texte, le Voile du Temple). C’est là que l’Ange vient à nouveau et lui
annonce : « Ne crains par Marie, car tu as trouvé grâce devant Dieu.
Tu concevras de sa Parole. » Nous retrouvons ici les paroles transmises
par l’Évangile de saint Luc. Les représentations orientales de l’Annonciation
sont donc conformes à ce que rapporte le Protévangile de Jacques.
Une
autre tradition provient des commentaires juifs du livre de l’Exode (chap. 15).
On y lit en effet qu’après avoir été libérés des Égyptiens qui les
poursuivaient, la sœur de Moïse, Maryam, ayant chanté les louanges de Dieu au
son du tambourin, les Hébreux marchèrent trois jours dans le désert. Et ils
eurent soif. Arrivés à la source amère de « Mara » (en hébreu : « amertume »),
il se plaignirent au Seigneur. Moïse intercéda et le Seigneur lui demanda de
frapper l’eau avec son bâton pour la rendre pure. Les Hébreux purent alors
repartir pour Elim, où il y a douze sources et soixante-dix palmiers.
Certains
commentaires juifs très anciens de ce passage de l’Exode attribuent à la
louange de Maryam, le fait que le peuple ait déjà pu rejoindre Mara. Ce qui a
permis ensuite à Moïse d’intercéder pour obtenir le miracle de l’eau amère changée
en eau pure, et permettre enfin au peuple de rejoindre Elim. Pour un chrétien,
l’âme pure de Marie (= Maryam) a permis l’incarnation de Jésus (= l’eau du puits
de Mara) qui par la croix (= le bâton de Moïse) va devenir source de vie et
permettre à l’Église, le peuple de Dieu, de vivre de l’Esprit Saint, guidé par
les douze Apôtres et les soixante-dix anciens (= les douze sources d’Elim, et
les soixante-dix palmiers).
Mais
le livre de la Genèse (Chap. 24) nous réserve un plus beau cadeau encore.
Il s’agit de la rencontre entre le serviteur d’Abraham, envoyé par lui dans sa
parenté, pour y trouver une femme à son fils Isaac. Or ce serviteur rencontra
Rébecca auprès d’un puits. Rébecca « avait très belle apparence, elle
était vierge, aucun homme ne s’était uni à elle ».
Or
ce jour-là « Elle descendit à la source, emplit sa cruche et remonta ».
Le serviteur lui dit : « De grâce, donne-moi à boire une gorgée d’eau
de ta cruche ! ». Rébecca fit tout ce que le serviteur espérait qu’elle
ferait pour qu’il puisse reconnaître par ces signes qu’elle était bien celle
que le Seigneur lui désignait pour être l’épouse d’Isaac. Il lui fit don aussitôt
de bracelets et d’un anneau.
Accueilli
ensuite à la maison de Rébecca, le serviteur put faire officiellement la
demande en mariage à son père Betouël et à son frère Laban, qui acceptèrent,
pourvu que Rébecca donne son accord : « Veux-tu bien partir avec cet
homme ? » ; elle répondit : « Oui, je partirai. »
Le
« oui » de Rébecca annonce déjà le « oui » de Marie, l’une
à un serviteur anonyme, envoyé par Abraham pour son fils Isaac, l’autre à l’Ange
du Seigneur, envoyé par le Père pour l’incarnation de son Fils Jésus. A cette occasion Marie est dite "l'épouse de l'Esprit Saint".
Finalement,
nous retrouvons ici, comme dans le Protévangile de Jacques, une première
étape au puits, et une seconde à la maison. Une rencontre près d’un puits, puis
un « oui » pour un mariage. Ici l’eau amère, là l’eau pure.
Il
y a dans l’Ancien Testament tous les ingrédients pour donner du relief, du goût
et des couleurs à l’Annonciation, mais aussi au miracle de Cana ou à la
rencontre de Jésus avec la Samaritaine. Au fait, pour embellir encore toutes
ces femmes qui attendaient quelqu’un d’important dans leur vie, Rébecca, en hébreu,
se traduit par : « Celle qui a eu ce qu’elle désirait. »