1S
26,2.7-9.12-13.22-23 ; Ps 102 ; 1Co 15,45-49 ; Lc 6,27-28
Chers frères et sœurs,
On ne peut pas comprendre cet évangile ni le mettre en pratique, si
l’on n’aime pas Dieu d’abord, de tout son cœur, de toute son âme, et de tout
son esprit. Celui qui aime Dieu plus que tout – comme le demande Jésus et comme
il peut en donner la grâce – a la capacité d’aimer son prochain, et dans son
prochain jusqu’à son ennemi. Si l’on veut vraiment être disciples de Jésus, il
faut donc d’abord mettre la locomotive avant les wagons, et placer l’amour de
Dieu en premier, avant tout autre chose. Sinon, on ne peut pas s’en sortir.
Quand on porte son regard vers Dieu d’abord, on s’aperçoit de deux
choses.
La première est que Dieu a fait le premier ce qu’il nous demande de
faire. Écoutez ces paroles et pensez à Jésus en sa Passion : « Aimez
vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. Souhaitez du bien à ceux
qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient. A celui qui te frappe
sur une joue, présente l’autre joue. A celui qui te prend ton manteau, ne
refuse pas ta tunique. Donne à quiconque te demande, et à qui prend ton bien,
ne le réclame pas ». Jésus lui-même a vécu ces paroles, qu’il a scellées
sur la croix en disant « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce
qu’ils font », et il a ajouté, en accomplissant le commandement de
l’amour de Dieu par-dessus tout : « Père, entre tes mains, je
remets mon esprit ».
N’oublions donc pas que Dieu, qui nous demande de l’aimer et
d’aimer notre prochain jusqu’à notre ennemi, nous a lui-même d’abord aimé,
jusqu’à donner sa vie pour nous, sans qu’il y ait eu aucun mérite préalable de
notre part. C’est l’expérience bouleversante qu’a faite saint Paul sur le
chemin de Damas : lui qui était persécuteur de Jésus, a été aimé et
pardonné par lui, jusqu’à être appelé par lui à devenir Apôtre ! Dieu est
bon pour les ingrats et les méchants, car il ne désespère jamais de l’homme,
quel qu’il soit. Et c’est ainsi que Jésus a donné sa vie pour le salut de tous
en accomplissant jusqu’au bout son propre commandement.
La seconde chose à observer, quand on porte son regard vers Dieu
d’abord, c’est que l’acte d’aimer son prochain jusqu’à son ennemi, est un acte
proprement divin. Je veux dire que, de nous-mêmes, nous les hommes, nous n’en
sommes pas capables. Comme dit saint Paul, nous sommes « faits d’argile ».
Mais si nous en recevons la grâce – grâce que nous sommes appelés à demander à
Dieu sans cesse – alors nous pouvons aimer comme lui nous a aimé. Avec la
grâce, dit saint Paul, « nous serons à l’image de celui qui vient du
ciel ». Comprenons-bien, chers frères et sœurs, l’amour est grâce
divine : il est totalement gratuit, surabondant et recréateur.
L’amour de Dieu est totalement gratuit : il ne s’achète pas,
ne se marchande pas, c’est pourquoi il n’y a aucune condition préalable à
l’amour. L’amour de Dieu est surabondant, car il est la vie même. Les fleurs
des champs, les étoiles du ciel, les grains de sable au bord des mers, sont
innombrables : l’amour de Dieu est de cette mesure-là, illimité, aussi
stupéfiant que beau. Enfin, l’amour de Dieu est recréateur. C’est le point le
plus étonnant. Là où il y a la mort, là où il y a l’impasse, là où il y a les
ténèbres, l’amour de Dieu fait éclater le tombeau et il libère la vie ; tout
en est illuminé. L’amour de Dieu est vie. Aimer son prochain jusqu’à son
ennemi, c’est lui donner la vie, la vie que nous-mêmes avons reçue de Dieu.
Aimer c’est faire des miracles et ressusciter des morts.
Enfin, chers frères et sœurs, pour terminer, l’histoire de Saül et David
illustre un dernier point à souligner concernant l’amour de Dieu et du
prochain. David est persécuté par Saül qui le jalouse et veut l’éliminer. Mais
David refuse de tuer le roi, son ennemi, alors que par deux fois – ici c’est la
seconde – il a eu la possibilité de le faire de ses propres mains. Et à chaque
fois, Saül accuse le coup et renonce temporairement à poursuivre David, alors
que la force armée est de son côté.
Il y a une puissance dans l’amour qui va jusqu’à faire reculer les
ennemis, pourvu qu’ils aient une âme. David le dit très bien : s’il ne tue
pas Saül, c’est par amour du Seigneur. Il ne veut pas porter la main sur le
roi, qui a été consacré par Dieu. En raison de son amour du Seigneur, David
fait miséricorde à Saül, et ce dernier, parce qu’il craint Dieu lui aussi, en
est ébranlé. Le pardon que l’on offre à ses ennemis par amour pour Dieu, est
une force puissante qui les fragilise et leur offre la possibilité de demander
pardon à leur tour et de revivre.
Chers frères et sœurs, le secret de l’amour réside dans le fait
qu’il faut aimer Dieu d’abord plus que tout et qu’en raison de cet amour, on
reçoit par grâce la capacité d’aimer notre prochain jusqu’à notre ennemi, et –
sinon de le convertir – du moins de le faire reculer, s’il a une âme.