Is
6,1-2a.3-8 ; Ps 137 ; 1Co 15,1-11 ; Lc 5,1-11
Chers frères et sœurs,
Ce qui vient d’arriver sur le lac de Génésareth à Simon, à son
frère André, et à leurs associés Jacques et Jean, est comparable à ce qu’ont
vécu le prophète Isaïe dans le Temple et saint Paul sur le chemin de Damas. Ils
ont été les bienheureux bénéficiaires de la grâce de Dieu.
Le don de la grâce se reconnaît à trois caractéristiques.
La première est la surprise. Ni les apôtres qui avaient pêché
inutilement toute la nuit, ni Isaïe qui allait au Temple comme aujourd’hui
n’importe qui entre dans une église, et encore moins saint Paul alors
persécuteur de chrétiens, aucun d’entre eux ne s’attendait à vivre un pareil
événement ou à faire la rencontre du Dieu vivant. Ils ne s’y attendaient pas,
ou en tous cas pas à ce point.
La seconde caractéristique est justement la démesure du don de la
grâce.
Pour Isaïe, la rencontre avec Dieu prend des proportions
incroyables : même le Temple tremble ; il est rempli de fumée. Ce
n’est pas seulement le prophète qui fait une expérience spirituelle, mais tout
autour de lui est bouleversé, même la matière.
Pour saint Paul, il faut bien prendre en compte qui il était :
un persécuteur, un chasseur officiel de chrétiens. Le simple fait de se trouver
devant Jésus ressuscité aurait dû le réduire à l’état de neutron. Mais non,
c’est le pardon qui l’attend, et même mieux, la mission d’annoncer la
résurrection de Jésus. Pour saint Paul, la grâce a pris la forme d’un pardon infini.
Comment pourrait-il l’oublier ?
Et pour les pécheurs du lac de Génésareth, le don de Dieu s’est
révélé par cette pêche miraculeuse, qui, au-delà de l’immense tas de poissons
ramenés à terre, a également fait leur fortune. Une fortune totalement inespérée.
Quand Dieu donne, il ne compte pas.
La troisième caractéristique du don de la grâce est le miroir de la
précédente, dans le sens où, face à l’immensité de la grâce de Dieu, l’homme
qui en bénéficie se sent minuscule et indigne. Isaïe s’écrie : « Malheur
à moi ! Je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures ! » ;
Saint Paul se qualifie lui-même d’« avorton » et
explique : « Je suis le plus petit des Apôtres, je ne suis pas
digne d’être appelé Apôtre, puisque j’ai persécuté l’Église de Dieu » ;
et saint Pierre, tombé à genoux, s’exclame avec effroi : « Éloigne-toi
de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur ». Vous
comprenez : la grâce de Dieu, c’est trop grand, trop fort, trop beau pour
nous. Quand elle survient, c’est à en pleurer.
Chers frères et sœurs, croyez-vous que le don de la grâce n’est
réservé qu’aux prophètes, aux Apôtres et aux saints ? Réfléchissez bien et
demandez-vous si ce n’est pas plutôt l’inverse. Ils étaient en effet des hommes
normaux comme nous quand la grâce de Dieu les a surpris. Leur vie en a été
bouleversée et, c’est parce qu’ils ont répondu à l’appel de cette grâce qu’ils
sont devenus prophètes, Apôtres et saints. La grâce de Dieu est première, et
c’est quand on lui répond qu’on devient saint.
Maintenant, réfléchissons encore et voyons si dans notre vie, il
n’y a pas eu un jour des événements semblables, où l’on a été surpris, où l’on
s’est senti tout petit, dépassés par l’immensité du cadeau qui nous a été fait,
qui changeait complètement notre vie du jour au lendemain. N’avez-vous donc pas
connu des événements semblables ? Je suis sûr que chacun d’entre nous a
reçu un jour une grâce, à commencer par celle de notre baptême. Eh bien, qu’en
faisons-nous ?