Is 9,1-6 ;
Ps 95 ; Ti 2,11-14 ; Lc 2,1-14
Chers frères et sœurs,
Il y a trois manières de lire ou d’entendre les textes que nous
avons entendus.
La première est la plus simple, la plus immédiate, la plus
naturelle : nous écoutons cette histoire de la naissance d’un enfant
prophétisée par Isaïe, réalisée en Jésus né à Bethléem, puis annoncée par Saint
Paul à Tite son disciple, et nous la prenons, cette histoire, au pied de la
lettre pour ce qu’elle dit de la réalité. En effet, Jésus, le Fils de Dieu,
annoncé par les prophètes, est venu dans notre monde, pour notre salut, et
c’est ainsi que cela s’est passé. Il est bon d’être un enfant pour entrer dans
le Royaume des cieux, et, dans cet esprit, la foi est quelque chose de tout
simple et de très solide.
La seconde manière de lire les textes est marquée par le doute.
Avec un peu de science, on se dit que cette histoire est belle, qu’elle porte
en elle des valeurs d’amour de la vie, de la famille, des enfants, qu’elle est
animée par une espérance qui dépasse les générations, depuis des centaines
d’années avant Jésus et jusqu’à aujourd’hui. En somme, l’histoire de la
naissance de Jésus est comme un beau conte de Noël, une fable de la Fontaine un
peu pieuse, et puis voilà. Parce que bien sûr, avec la science, on se porte à
douter de l’apparition des anges, qu’une jeune fille vierge puisse réellement
mettre au monde un enfant, de ces problèmes d’hôtellerie et de grotte à
Bethléem, de l’histoire de l’étoile et des mages, etc, etc. Des experts et des
spécialistes nous expliquent que toutes ces choses sont des histoires
reconstruites après-coup pour nous faire passer un message théologique tout
aussi inaccessible qu’obscur. Mais, voilà, ce faisant, l’Évangile devient
incompréhensible aux enfants ; il se complique ; il perd sa saveur.
Sa lumière s’éteint. Et finalement, avec cette science, c’est un peu de la foi
qui meurt. Et les Églises se vident.
Or, voyez-vous, en travaillant ces dernières années, non seulement
sur la Bible, mais aussi dans d’autres domaines, pour mes recherches, j’ai
observé une chose qui ne cesse de me surprendre. Un peu de science ça tue la
foi, mais plus de science, ça la ranime. Depuis quelques dizaines d’années, pas
plus, depuis l’informatique et Internet, avec les connaissances de la nouvelle
physique, les chercheurs disposent aujourd’hui d’outils d’analyses toujours
plus puissants, qui leur permettent de voir et de comprendre des choses que,
même à la fin du XXe siècle, on ne voyait pas.
Justement, concernant la naissance de Jésus, nous savons
aujourd’hui bien plus de choses qu’autrefois. Par exemple, on vous a
certainement expliqué que la date de Noël, de la naissance de Jésus, le 25
décembre, avait été choisie par les chrétiens pour recouvrir la date du
solstice d’hiver, originellement fêtée par les païens. On explique partout que ce
choix est purement symbolique et qu’il est une usurpation historique. Oui, sauf
que c’est faux. C’est l’inverse. Récemment, des historiens ont montré que
c’étaient les païens de l’Antiquité qui, étant en perte de vitesse, avaient
cherché à recouvrir la grande fête des chrétiens en diffusant partout une fête
païenne très locale, célébrée à Homs en Syrie, à la gloire du dieu Sol
invictus. On pourrait dire qu’ils ont réussi ! Aujourd’hui, la méthode
n’a pas changé, sauf que c’est par des fêtes commerciales qu’on essaye de
recouvrir maintenant les fêtes chrétiennes : Halloween pour la Toussaint,
la grande fête gastronomique du réveillon pour Noël. Et pendant ce temps-là,
surtout, il faut cacher les crèches.
Le monde n’a pas changé. Il n’y avait pas de place pour Jésus à
l’époque à Bethléem, il n’en a pas eu davantage durant l’antiquité, et il n’y
en n’a pas non plus aujourd’hui. Heureusement, nous les chrétiens, nous savons
pourquoi nous fêtons Noël à cette date depuis toujours, et « nous ne
lâchons rien », comme on dit.
Il y aurait bien des choses à dire encore sur les origines de la
famille de Jésus à Nazareth, de Jean-Baptiste son cousin, du recensement à
Bethléem, sur l’étoile des Mages. Je n’ai pas assez de temps ici, mais réjouissons-nous
de savoir que des chercheurs (cf. Bruno Bioul, Les Évangiles à l’épreuve de
l’histoire, Artège, 2018) nous apprennent de plus en plus de choses qui
éclairent les Écritures.
Voyez-vous, chers frères et sœurs, quand on lit la Bible avec un
peu plus de science, on dépasse le niveau de lecture intermédiaire où l’on
doute, et il est possible de retrouver la lecture du départ, celle des petits enfants.
Les Évangélistes n’ont pas écrit des contes de Noël, ils n’ont pas non plus cherché
des choses compliquées : ils ont simplement écrit ce qui est arrivé, ce
qu’on leur a raconté, ce qu’ils ont vu et pour certains touché. Ils ont cherché
à dire cela avec leurs mots à eux, en montrant que tout ce qui est arrivé avait
déjà été annoncé dans l’Ancien Testament. Ils en ont tenu compte. Il n’y a donc
aujourd’hui aucune raison de rougir de notre foi, mais bien plutôt, il y a
toutes les raisons pour ouvrir sa Bible et redécouvrir, avec une foi affermie, le
vrai visage de Jésus, notre sauveur et notre Dieu, dont nous fêtons aujourd’hui
l’anniversaire de sa naissance. Amen.