Jos
24,1-2a.15-17.18b ; Ps 33 ; Ep 5,21-32 ; Jn 6,60-69
Chers frères et sœurs,
A la synagogue de Capharnaüm, Jésus vient de terminer son
enseignement sur le pain de vie : « Celui qui mange ma chair et
boit mon sang a la vie éternelle ». Or, les auditeurs, qui ne
connaissent pas encore le sacrement de l’Eucharistie, et qui se demandent qui
est ce Jésus pour donner un tel enseignement, se retirent.
Sans la foi, la Parole de Dieu, la présence de Dieu, les actions de
Dieu ne sont pas comprises dans le monde des hommes. Et malheureusement, beaucoup
n’ont pas la foi. Tout Dieu qu’il est, Jésus se retrouve donc confronté à
l’échec de sa prédication, qui annonce déjà sa Passion. Beaucoup rejettent son
enseignement.
C’est un moment de crise, et comme dans tous les moments de crise,
c’est aussi un moment de vérité, où se vérifie la fidélité et se manifeste la
foi.
Pour Jésus, il n’est possible de lui être fidèle que si son Père en
a préalablement donné la grâce. La foi est d’abord et avant tout un don de
Dieu, que l’on peut lui demander dans la prière. Souvenez-vous de cette parole
du père de l’enfant épileptique : « Seigneur je crois, viens au
secours de mon manque de foi ». Il demandait à Jésus d’augmenter sa
foi, et il fut exaucé.
Devant l’abandon de nombreux disciples, Jésus demande aux douze
Apôtres ce qu’ils comptent faire : « Voulez-vous partir vous
aussi ? ». Sans savoir qu’il bénéficie déjà de la grâce de Dieu,
Saint Pierre fait face à la crise par une confession de foi qui tient en deux
arguments. Le premier est que Jésus a les paroles de la vie éternelle. En
regard, cela signifie que tous les autres discours sont vides. Le second
argument est que Pierre pu observer, dans les paroles et les actes de Jésus,
qu’il est le Saint de Dieu : c’est pour lui un constat.
La voix de Dieu est unique, comme sa manière d’être dans le
monde : une telle rencontre est inoubliable. Il faudrait être
déraisonnable pour ne pas lui être fidèle. Et plus encore, être fidèle au Dieu
de notre vie, c’est aussi être fidèle à soi-même.
A Sichem, Josué et le peuple d’Israël sont confrontés à une crise
semblable : « S’il ne vous plaît pas de servir le Seigneur,
choisissez aujourd’hui qui vous voulez servir ; Moi et les miens, nous
voulons servir le Seigneur », déclare Josué. La réponse du peuple est
intéressante : il fonde sa fidélité sur l’histoire qu’il a vécu avec le
Seigneur : « C’est le Seigneur notre Dieu qui nous a fait monter,
nous et nos pères du pays d’Égypte, cette maison d’esclavage ; c’est lui
qui sous nos yeux a accompli tous ces signes et nous a protégé tout le long du
chemin que nous avons parcouru… ».
La fidélité du peuple d’Israël repose sur la mémoire entretenue et
transmise des actions libératrices et protectrices de Dieu à son égard, malgré ses
chutes et ses faiblesses. La foi du peuple d’Israël est une action de grâce
pour ce qui s’est passé, et une espérance que le Seigneur continuera toujours de
lui être fidèle, lui-aussi.
En effet, la fidélité du peuple repose sur la fidélité de Dieu, qui
est la première. C’est parce que Dieu est fidèle à Israël, qu’Israël peut être
fidèle à Dieu. C’est ce que dit le psaume : « Malheur sur malheur
pour le juste, mais le Seigneur chaque fois le délivre. Il veille sur chacun de
ses os ; pas un ne sera brisé ; le Seigneur rachètera ses
serviteurs : pas de châtiment pour qui trouve en lui son refuge ».
Du coup, le psalmiste peut chanter avec raison : « Je bénirai le
Seigneur en tout temps, sa louange sans cesse à mes lèvres ».
La fidélité de Dieu aux hommes donne à ces derniers matière à
louange, parce qu’elle donne un fondement à leur propre fidélité à Dieu.
C’est à bon droit que Saint Paul essaye de nous faire comprendre
que la fidélité dans le mariage est la plus belle image de la fidélité mutuelle
entre le Christ et son Église, entre Dieu et son peuple. Et comme la fidélité
de Dieu à l’égard de son peuple est totale, de même, pour Jésus, la fidélité
dans le mariage doit l’être également.
En rassemblant en une gerbe la moisson que nous venons de faire à
propos de la fidélité de l’homme à Dieu en temps de crise, nous pouvons dire
que cette fidélité, cette foi, est d’abord un don de Dieu, une grâce de Dieu,
qui le premier est fidèle à l’homme. Cette grâce se demande et s’enrichit par
la prière. Elle s’entretient et se développe encore en faisant sans cesse
mémoire des actions libératrices et protectrices de Dieu, et de la rencontre
inoubliable de sa Parole et de sa présence, du visage de Jésus, dans notre vie.
Alors, comme effet de cette foi, peut monter du cœur de l’homme un profond
chant d’action de grâce, qui exprime sa joie d’avoir la foi dans le Seigneur.
Et c’est exactement ce que nous faisons quand nous célébrons la liturgie.