1Co
1,26-31 ; Ps 32 ; Mt 25,14-30
Chers frères et sœurs,
Lorsque nous écoutons l’Évangile, il convient dans un premier temps
d’essayer de nous replacer dans le contexte de l’époque de Jésus. Cela nous
donne des clés pour comprendre ce qu’il veut nous dire.
Aujourd’hui, il est question de talents. De quoi s’agit-il ?
Un talent est une unité de mesure de poids, d’environ 20 kilos. Jésus parle ici
de talents en argent. Un talent d’argent représente, à l’époque, une somme de
20.000 € actuellement. Donc le serviteur qui reçoit cinq talents reçoit 100.000
€, celui qui en a deux 40.000 € et celui qui en a un, 20.000 €. Ce sont des
estimations.
Il est important de noter que les serviteurs qui ont reçu les
talents ne les risquent pas : ils ne les dépensent pas, ne les
investissent pas, mais ils les font valoir. En quelque sorte ils leur servent
de fond de garantie, par exemple pour faire des emprunts, et avec ces emprunts,
faires des affaires sans gros risque.
C’est donc ce qu’ont fait les deux premiers serviteurs, ils ont
fait valoir leur fond et l’ont fait fructifier à bon escient. Mais le troisième
serviteur, qualifié par le maître de « mauvais et paresseux », lui, a
caché le talent, pour le rendre sans l’avoir valorisé. Parce qu’il avait peur,
dit-il. Peur de quoi ? La seule peur rationnelle possible aurait été celle
d’avoir fait savoir autour de lui qu’il avait reçu 20.000 € : peur de se
faire voler, peur du regard des autres... Cela apparaît incongru au maître :
si le serviteur avait mis l’argent en sécurité à la banque, il aurait au moins retrouvé
les intérêts. Mais le serviteur a eu peur.
Pourquoi Jésus a-t-il raconté cette parabole et qu’a-t-il donc
voulu nous dire à travers elle ? Il faut bien voir que Jésus parle de
lui-même et de ses disciples quand il évoque le maître et ses serviteurs. Il
leur confie des talents, c’est-à-dire des biens de valeur, qui lui
appartiennent, et dont il demandera des comptes à la fin des temps, au moment
de son retour.
Qu’avons-nous donc reçu directement de la part du Seigneur qui ait
vraiment de la valeur ? Habituellement, dans les Églises d’Orient, l’homme
qui a reçu cinq talents est l’évêque, celui qui en a reçu deux est le prêtre,
et celui qui en a reçu un est le diacre. Les talents sont compris comme des
sacrements. Et c’est bien ainsi qu’il faut comprendre la parabole de Jésus.
Nous avons tous reçu des sacrements de la part du Seigneur. Nous en
avons tous au moins un : le baptême, qui nous a fait enfants de Dieu,
prêtres, prophètes et rois, et saints. Ce talent – qui est le don de Dieu en
nous – nous sommes appelés à faire fond sur lui, en menant une belle vie
chrétienne, qui soit capable de susciter par exemple un autre baptême dans
notre entourage. Quel est le risque à faire valoir son baptême ? Ou bien,
serions-nous comme le mauvais serviteur qui, par peur – mais par peur de
quoi ? des autres ? – cache son talent, ou son baptême, et se croit
quitte avec Dieu ? Nous voyons bien que les sacrements que nous avons
reçus sont en même temps des missions à remplir. Il suffit à un baptisé, pour
entrer dans la joie du ciel, de n’avoir pas mis son baptême dans sa poche et
d’avoir décidé quelqu’un à se faire baptiser, ou à faire baptiser son enfant,
ou à se réconcilier avec Dieu, s’il est fâché avec lui, pour redonner vie à son
baptême. Ce n’est pas compliqué ; il suffit de ne pas céder à la peur d’être
chrétien. L’Esprit saint fait le reste.
Chers frères et sœurs, le diable utilise deux moyens pour nous
empêcher d’atteindre le but de notre vie, qui est d’entrer dans la lumière et
la joie du ciel. Le premier moyen est la peur : le diable suscite en nous
la peur d’être chrétiens. Alors nous enterrons nos talents et nous devenons
stériles. Le second moyen est de détourner notre regard de notre objectif
permanent : l’amour de Dieu, qui nous donne la force d’aimer notre
prochain. Le diable cherche à détourner notre regard en nous faisant miroiter
des choses qui paraissent appétissantes, mais qui sont empoisonnées, ou bien en
agitant sous nos yeux des choses scandaleuses, qui génèrent en nous de la
passion, nous font douter, et finalement nous détournent de l’essentiel.
Au contraire, n’oublions pas le talent que nous avons reçu, la
puissance spirituelle qui est en lui, la joie qui nous est promise, la force
que le Seigneur donne à tout moment à ceux qui l’aiment, sans peur du regard
des autres et sans nous laisser déstabiliser par les tentations ou les épreuves.
Soyons courageux ; soyons chrétiens.