Ap
11,19a ; 121-6a.10ab ; Ps 44 ; 1Co 15,20-27a ; Lc 1,39-56
Chers frères et sœurs,
L’Évangile que nous avons entendu recèle de nombreux enseignements.
J’en retiens trois.
Le premier est que nous sommes ici mis en présence de Marie et
Elisabeth, lors de leur rencontre réalisée dans l’intimité familiale, avant la
naissance de Jean-Baptiste et de Jésus. Saint Luc n’aurait pas pu rapporter
cette rencontre avec autant de détails, si l’une des deux femmes ne la lui
avait pas racontée. Il y a tout lieu de penser que c’est Marie elle-même, qui
vivait après Pâques sous la protection de saint Jean, dont saint Luc était
proche. Lorsque saint Luc écrit son Évangile à l’attention du dénommé
Théophile, il a voulu s’enquérir de tout ce qui lui avait été déjà transmis oralement,
et le vérifier de source sûre. Ainsi, saint Luc, pour rédiger son Évangile
est-il allé à la source la plus directe et la plus fiable : la sainte
Vierge Marie elle-même.
Le second enseignement, se trouve dans une phrase que –
malheureusement – la traduction liturgique que nous avons, a affaibli. Nous
avons lu « En ces jours-là, Marie se mit en route et se rendit avec
empressement vers la région montagneuse, dans une ville de Judée ». Or
nous aurions dû lire : « Marie, se levant en ces jours-là, se
rendit dans la montagne, avec hâte, vers une ville de Juda ». L’emploi
du verbe se lever, pour un chrétien, renvoie à une signification très
précise : se lever, c’est ressusciter. Marie donc se lève
pour se rendre dans la montagne en hâte – très rapidement – vers une ville de Juda
et non pas de Judée comme dit la traduction liturgique. Or, la ville
de Juda, c’est Jérusalem. En écrivant que Marie se lève pour
aller en hâte, dans la montagne, vers Jérusalem, saint Luc semble dire de
manière voilée, que Marie, ressuscite et, dans une rapide assomption,
monte au ciel rejoindre la Jérusalem céleste.
Si nous suivons saint Luc dans ces deux niveaux de lecture du texte :
le niveau de la rencontre entre Marie et Elisabeth juste après l’Annonciation, et
le niveau de Marie rejoignant la communion des saints lors de son Assomption,
nous pouvons lire la suite, c’est-à-dire le dialogue qu’il y a entre les deux
femmes puis la louange chantée par Marie, de la même manière. C’est le
troisième enseignement.
L’échange qui a lieu entre Marie et Elisabeth montre qu’à la
salutation de Marie, Jean-Baptiste, qui se trouve dans le sein d’Elisabeth, a tressailli
de joie. Ainsi, nous pouvons croire qu’à l’assomption de Marie au ciel, tous
les saints et tous les anges ont tressailli de joie de la même manière. Comme
s’ils avaient attendu ce moment depuis la fondation du monde. Et de fait, Marie
est comme la fiancée du roi qui a fait son entrée à la cour, comme nous l’avons
entendu dans le psaume. Ce fut un moment particulièrement solennel et joyeux
qu’il nous est facile de nous représenter. C’est comme quand une mariée fait
son entrée dans l’église, au jour de son mariage : quelle joie parmi les
invités !
Marie a entonné, ensuite, son chant de louange : le Magnificat.
Il s’agit d’un chant tissé de versets de l’Ancien Testament. Elle connaissait
d’autant plus parfaitement ce chant qu’elle avait dû le composer elle-même, selon
la tradition, comme toutes les femmes juives qui composaient un chant d’action
de grâce et de bénédiction pour chacun de leurs bébés durant leur grossesse.
Mais si ce chant est aussi celui de la louange de Marie au ciel,
alors non seulement nous savons dans quelle béatitude elle se trouve
aujourd’hui, mais plus encore quelle est la nature de son intercession pour
nous : le Seigneur se penche sur les humbles, il fait pour eux des
merveilles, il fait miséricorde à ceux qui le prient, il écarte les orgueilleux
et les rabaisse tandis qu’il élève les petits. Il nourrit les affamés et laisse
sur leur faim les riches. Fidèle, le Seigneur relève – il ressuscite – Israël
son serviteur, c’est-à-dire tous ceux qui l’aiment. Marie procède ici par
affirmations, sûre qu’elle est d’être exaucée.
Enfin, si la Sainte Vierge Marie est aujourd’hui notre plus puissante
avocate au ciel, elle nous indique aussi, non seulement le chemin à suivre
ici-bas pour y demeurer, mais encore dans quel état d’esprit nous pouvons
communier à sa béatitude dès maintenant. Car ce que fait Marie, c’est aussi ce
que fait l’Église : chanter dans la joie les louanges du Seigneur et
intercéder pour les humbles de la terre. Quelle magnifique vocation pour nous
tous !