Ex
17,3-7 ; Ps 94 ; Rm 5,1-2.5-8 ; Jn 4,5-42
Chers
frères et sœurs,
Il est toujours possible de se rendre à
Naplouse, en Palestine, pour boire de l’eau vive au Puit de Jacob. Là, depuis
des siècles, dans ces montagnes semi-désertiques de Samarie, l’eau coule et
rafraichit hommes et troupeaux. Sans cette eau, il ne serait pas possible de
vivre dans cet endroit. Comme partout et toujours, l’eau est un élément
nécessaire à la vie.
La rencontre entre Jésus et la Samaritaine est
tout sauf anodine. D’abord parce qu’elle se passe à midi, en plein
« cagnard », ce qui est inhabituel ; ensuite, parce que les
juifs et les samaritains ne se parlent pas. Et surtout, parce qu’il est
interdit à un homme, surtout un rabbi, de parler avec une femme en public. Mais
pour quelqu’un qui est familier des Ecritures, de l’Ancien Testament, cette
rencontre fait ressortir des histoires anciennes qui lui donnent un goût
particulier.
C’est au bord d’un puit que Jacob a rencontré
Rachel, un puit qui servait à abreuver tous les troupeaux. D’ailleurs, Rachel
est un nom qui signifie « brebis ». Et Jacob aimait tendrement
Rachel.
C’est aussi au bord d’un puit que Moïse
rencontra Séphora sa femme, un puit vers lequel les sept filles de Jéthro
conduisaient le troupeau de leur père. Il avait fallu que Moïse chasse des
mauvais bergers qui les en empêchaient, pour que leur troupeau puisse enfin être
abreuvé.
Et c’est encore au bord d’un puit qu’Eliezer,
le serviteur d’Abraham, découvrit la très jolie Rébecca, qui sera donnée en
épouse à Isaac. Cela vaut le coup de relire la rencontre d’Eliezer et de
Rébecca, et de la comparer à celle de Jésus avec la Samaritaine. Rébecca
est jeune et vierge, quand la Samaritaine est une femme qui a connu plusieurs
hommes dans sa vie, Eliezer est le serviteur d’Abraham, quand Jésus est le Fils
du Père ; et Rébecca s’empresse de donner à boire à Eliezer et à ses
chameaux, quand les Apôtres de Jésus se scandalisent de le voir parler avec une
femme… les chameaux ! J
Mais comprenons qu’à travers toutes ces
rencontres, il se joue quelque chose de très important, qui nous concerne nous
aussi. Le puit est le lieu de la rencontre entre un homme et une femme, qui va
devenir une épouse et qui va donner la vie. Dans la tradition spirituelle des
juifs, la femme est liée à l’eau. En elle, se trouve la source de la vie.
Or voilà que Jésus trouve près d’un puit, une
femme qui est comme une brebis perdue, autour de laquelle tournent des hommes
qui l’empêchent d’être réellement une épouse pour donner la vie. Ces maris
successifs, cet homme qui n’est pas son mari, ces apôtres qui n’aiment pas trop
voir Jésus discuter avec elle. Or Jésus lui annonce la venue de l’époux
véritable qui fera couler en elle une source d’eau vive, jaillissant pour la
vie éternelle. La Samaritaine a entendu parler du Messie. Elle l’attend. Et
Jésus lui réponds : « Je le
suis, moi qui te parle ».
Là Jésus lui dit en même temps qu’il est Dieu
– il parle comme Dieu parle à Moïse au Buisson ardent : « Je suis celui qui suis » - et en
même temps il lui dit qu’il est son sauveur, ou son époux véritable qui fera
d’elle enfin une femme qui donne la vie. D’ailleurs c’est ce qu’elle fait
immédiatement : elle se précipite à la ville pour annoncer : « Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que
j’ai fait. Ne serait-il pas le Christ ? ». Elle est devenue
disciple et apôtre, remplie de la vraie vie, de la grâce de l’Esprit Saint.
Chers frères et sœurs, ne tournons pas autour
du puit. Ce puit, source de vie, c’est le baptistère, où ceux qui avaient soif
jusqu’à en mourir trouvent l’eau vive pour la vie éternelle. La femme qui
puise, qui est la belle épouse toujours féconde, en laquelle se trouve cette
vie éternelle, c’est l’Eglise.
Lorsque nous allons près d’une cuve
baptismale, nous sommes au bord du puit où Rachel, Séphora et Rébecca venaient
abreuver leurs troupeaux, comme la femme Samaritaine qui va revivre et devenir
disciple, épouse de cœur et apôtre de Jésus auprès des siens, pour les abreuver
de la vie nouvelle.
Au bord du puit, assis sur la margelle, se
trouve Jésus. Jacob avait fait bouger la pierre qui couvrait le puit, pour
faire boire les brebis de Rachel. Moïse avait frappé le rocher pour qu’il
puisse en sortir de l’eau. Il y a une histoire de margelle, de pierre, de
rocher, qui est liée à ce puit, à cette eau vive. Or le rocher frappé au moyen
du bois, c’était le Christ. Jésus est celui qui est attaché au bois planté sur
le rocher du Golgotha, et qui est frappé, et de son côté transpercé sont sortis
du sang et de l’eau, son côté, la véritable source de vie éternelle.
Chers frères et sœurs, vous avez compris.
C’est comme une poupée russe : extérieurement, il y a la rencontre d’un
homme et d’une femme, avec un troupeau, au bord d’un puit. A l’intérieur, il y
a l’amour entre l’homme et la femme féconde qui donne la vie. Et au cœur, il y
a Jésus attaché au bois, sur le rocher, qui donne sa vie ; vie recueillie par
son Eglise, l’épouse aimée, belle et fidèle, qui la transmet à la multitude,
pour que celle-ci communie et vive à son tour de la vie éternelle. Amen.