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1,4-5.17-19 ; Ps 70 ; 1Co 12,31-13,13 ; Lc 4,21-30.
Chers
frères et sœurs,
Avez-vous remarqué quelque chose d’étonnant
dans les lectures que nous venons d’entendre? Que ce soit pour Jérémie,
pour saint Paul ou pour Jésus, tous les trois porteurs de la parole de Dieu,
tous se retrouvent confrontés à une forte opposition.
Pour Jérémie
l’opposition prend la forme de la puissance publique : tout le pays, les
rois de Juda et ses princes, ses prêtres et finalement tout le peuple. C’est
tout le « système » – dirait-on aujourd’hui – qui s’oppose à lui. En
effet, Jérémie dénonçait le manque de foi des élites et du peuple, avec pour
conséquence la conquête d’Israël par les Chaldéens, la destruction de Jérusalem
et l’exil à Babylone. C’était insupportable.
Pour Jésus, c’est
plus désolant : ce sont les gens de son clan familial de Nazareth, les
descendants du roi David, qui s’opposent à lui. Ils attendaient un Messie
sauveur, qui serait roi d’Israël et qui rétablirait leurs prérogatives royales.
Et voilà que le fils du charpentier ose se prétendre Messie, tout en leur refusant
les miracles attendus ; miracles que, par réaction à leur orgueil et à leur
jalousie, il promet aujourd’hui aux étrangers. C’est insupportable.
J’ai fait exprès de
parler de saint Paul en dernier. Lui aussi est confronté à une opposition
redoutable : la sienne. Son propre orgueil, son propre péché :
« J’aurai beau être prophète, avoir
toute la science des mystères et toute la connaissance de Dieu, j’aurai beau
avoir toute la foi jusqu’à transporter les montagnes, s’il me manque l’amour je
ne suis rien. J’aurai beau distribuer toute ma fortune aux affamés, j’aurai
beau me faire brûler vif, s’il me manque l’amour, cela ne me sert à rien ».
Tout est dit : La vérité de l’amour me dévoile que, sans lui, je suis un
hypocrite et un menteur. L’amour me manifeste que je suis, d’une certaine façon, mon pire ennemi. C’est insupportable.
Ainsi donc, le
prophète, l’apôtre, Jésus lui-même, tous sont confrontés à une opposition qui de
la société traverse la famille pour aller jusqu’à la sienne propre. Cette
opposition se manifeste à tous ceux qui sont porteurs de la Parole de Dieu, et a fortiori à la Parole de Dieu elle-même
c’est-à-dire Jésus lui-même. Dieu n’est pas le bienvenu dans notre monde :
il dérange trop.
Et pourtant, saint
Paul met le doigt sur le terrible malentendu : « s’il me manque l’amour, je ne suis rien » ; « s’il me manque l’amour, cela ne me sert à
rien ». Ce qui permet à Paul d’être vraiment Apôtre et non pas rien,
qui permet aussi à Jérémie d’être prophète à temps et à contretemps, et à Jésus
d’être le vrai Messie d’Israël et Sauveur du monde par sa mort et sa
résurrection, c’est l’Amour qui est en eux. Saint Paul dit comme saint Jean :
« Dieu est Amour » :
« l’amour ne passera jamais ».
L’amour est l’origine du monde et sa seule possibilité d’exister réellement et
éternellement. On le sait bien intuitivement : un enfant qui n’est pas
aimé par ses parents est un enfant qui meurt.
Voilà le drame du
monde qui s’oppose à Dieu : il s’oppose à l’Amour. Et pourtant sans cet
amour, il n’est rien.
Nous sommes maintenant
placés face au choix suivant. Ou bien, nous choisissons le monde et son
néant ; ou bien nous choisissons Dieu qui est Amour.
Jérémie, saint Paul
et Jésus ne se sont pas couchés devant la difficulté. Au contraire, ils se sont
levés : ils ont choisi l’Amour ou l’adhésion à la volonté du Père. Aussitôt
le monde s’est violemment opposé à eux. Mais parce qu’ils sont demeurés fidèles
à l’Amour, ils ont vaincu le monde.
Ne soyons pas
idéalistes. Choisir l’Amour de Dieu et lui demeurer fidèle dans un combat
quotidien contre soi-même, quelquefois contre l’incompréhension de ses proches,
et dans l’opposition, parfois sourde, parfois violente, de la société, cela
n’est pas possible avec les seules forces humaines. Il faut le secours de
l’Esprit Saint.
Choisir l’Amour de
Dieu, vivre de l’Amour de Dieu, c’est une grâce qu’il faut lui demander à
chaque instant dans la prière. Pour l’obtenir, il n’y a pas de prière plus
efficace que celle d’offrir en toutes circonstances, à Dieu et à son prochain,
tout l’amour dont on est capable. En entrant dans le cercle vertueux de
l’amour, où la grâce suscite l’offrande, et l’offrande appelle la grâce, nous
sommes élevés de grâce en grâce, et d’offrande en offrande, jusqu’au sommet de
l’Amour qui est la sainteté.
Chers frères et
sœurs, la volonté de Dieu et la raison pour laquelle nous existons, c’est Dieu
qui veut nous faire entrer en lui, dans son Amour. Et pour nous montrer que
cela est possible, il se donne lui-même à nous, en Jésus, dans l’Eucharistie,
pour être en nous. Ainsi, lui en nous et nous en lui, nous sommes en communion
d’Amour déjà aujourd’hui et pour toujours. Car, dit saint Paul, « L’amour ne passera jamais ».