Is 60,1-6 ; Ps 71 ; Ep 3,2-3a.5-6 ; Mt 2,1-12
Chers frères et sœurs,
Beaucoup d’hommes savants et même des prêtres nous ont habitué à lire
la visite des Mages comme une histoire légendaire.
Il y a cette étoile merveilleuse, ces trois rois mages Gaspard, Balthasar,
et Melchior, qui représentent les différents peuples du monde, de tous les
âges, venant adorer le Christ : le premier, encore jeune, de couleur
rouge, offre l’encens à Jésus en signe de sa divinité ; le second, d’âge
moyen, noir de peau, porte la myrrhe pour embaumer le corps de Jésus après sa
mort ; et le troisième, d’âge mur avec sa grande barbe blanche, offre de
l’or, signe de la royauté du Christ. En fait, ces noms et ces traditions
remontent au VIème siècle après Jésus-Christ. Elles apparaissent en même temps
en Occident et en Orient, en Arménie.
Ainsi, beaucoup d’hommes croient encore aujourd’hui que cette histoire
des mages est un conte inventé par saint Matthieu pour nous faire comprendre la
divinité de Jésus, Dieu fait homme, l’annonce de sa mort et de sa résurrection,
et l’universalité de son règne. Tout cela est vrai, sauf une chose : ce
n’est pas un conte. Saint Matthieu a écrit ce qui s’est réellement passé. Et
cela, c’est une bonne nouvelle pour nous, parce que cela veut dire qu’on peut
prendre les Evangiles vraiment au sérieux.
Qui sont les mages ? Ce sont des savants d’origine babylonienne
qui cherchent à comprendre l’univers, avec leur intelligence et avec droiture,
comme les savants d’aujourd’hui, mais toujours dans l’esprit d’une
sagesse : la science, pour eux, concerne la vie des hommes.
Ainsi travaillent-ils, entre autres domaines, l’astronomie. Dans leur
compréhension des astres, ces mages savants identifiaient à la planète Jupiter
le Dieu Mardouk, la plus puissante divinité de leur pays, et à Saturne le pays
des Juifs. Pour eux, le mouvement de ces astres était en corrélation immédiate
avec la vie des peuples qui leur correspondaient.
Or en l’an -7, voilà que Jupiter et Saturne se croisent par trois fois
dans la constellation des poissons, au mois d’août, au mois d’octobre et au
mois de décembre. Leur conjonction dans le ciel se présente comme une étoile
extrêmement brillante, que tout l’orient méditerranéen peut observer. Tout cela
est prouvé scientifiquement. Kepler l’avait déjà calculé en 1603. Mais pour ces
mages, l’interprétation est évidente : un Grand Roi, qui concerne aussi
leur peuple, est né au pays des juifs. Alors ils se mettent en route vers
Jérusalem.
A Jérusalem, se trouve le roi Hérode. Qui est-il ? C’est un roi
qui a peur de perdre le maigre pouvoir qu’il tient des romains. Cette peur est
telle qu’il va faire assassiner ceux et celles qui représentent pour lui un
danger : sa femme Mariamne et ses trois fils. Il finira ses jours tout
seul, complètement paranoïaque, en l’an -4.
Or voici qu’arrivent les mages au palais d’Hérode. Ils annoncent la
naissance du Grand Roi indiquée par la conjonction des étoiles. Déjà partout
dans le monde romain, on savait que de Judée viendrait le dominateur du monde.
C’est ce que rapportent les historiens latins Tacite et Suétone. Panique au
Palais d’Hérode, qui réunit immédiatement les prêtres et les scribes
d’Israël ! D’où peut naitre un Grand Roi ? La prophétie de Michée
donne la réponse : c’est de Bethléem que vient le chef, le berger
d’Israël.
Ainsi, les mages dont la science était finalement limitée,
reconnaissent-ils la prophétie de l’Ecriture comme valable et ils se dirigent
vers Bethléem. D’ailleurs, la conjonction des étoiles, qui s’opère encore une
fois, vient confirmer cette nouvelle découverte. Ils sont remplis de joie.
Et voilà les mages, ces savants païens venus d’Orient, ayant suivi les
indications de leur science puis celles des saintes Ecritures, qui se trouvent
maintenant devant un petit enfant, emmailloté dans un linge, et ils l’adorent
car – pour eux – il s’agit du Grand Roi. Or cet enfant, c’est Jésus, entouré de
la vierge Marie et de Joseph, descendant du roi David.
Voilà ce qui s’est passé réellement dans notre histoire en l’an -7 et
que nous a rapporté saint Matthieu dans son Evangile.
Cette naissance ne concernait-elle que les Juifs et le peuple
babylonien ? Non : Saint Paul nous apprend à la lumière de la
prophétie d’Isaïe, dans sa Lettre aux
Ephésiens, que cet événement est l’inauguration de l’unité de tous les
peuples de la terre. Car Jésus n’est pas seulement le roi des Juifs, mais le
roi de tous. La promesse du Grand Roi, du Messie, n’est pas réservée à
quelques-uns mais doit être annoncée à tous.
Jamais saint Paul n’oubliera ce message : toute sa vie, après sa
conversion, il cherchera à provoquer ce mouvement de convergence de tous les
hommes vers Jérusalem, pour hâter la réalisation de la promesse du
rassemblement final de tous les peuples en Jésus-Christ, dans la gloire de Dieu.
Ce mouvement, initié par ces mages venus d’Orient pour adorer le Grand
Roi dans ce petit enfant Jésus, nous le vivons à chaque messe, lorsque nous
convergeons tous vers l’Eglise pour y trouver, cachée à l’intérieur de l’apparence
fragile d’une hostie, la présence réelle de notre Dieu.
Comme Marie, méditons tout cela dans notre cœur et rendons grâce à
Dieu.