dimanche 1 décembre 2024

30 novembre - 01 décembre 2024 - SOING - VAUCONCOURT - 1er dimanche de l'Avent - Année C

Jr 33, 14-16 ; Ps 24 ; 1 Th 3, 12-4, 2 ;  Lc 21, 25-28.34-36
 
Chers frères et sœurs,
 
Il y a deux semaines, nous avons déjà entendu dans l’évangile de Marc cet enseignement donné par Jésus à ses Apôtres. Aujourd’hui, nous sommes dans l’évangile de Luc, qui rapporte les mêmes propos de Jésus, mais en insistant sur des points différents. Saint Luc est le spécialiste des petits cailloux, des mots choisis et placés avec soin dans son texte, pour nous renvoyer à d’autres passages, que ce soit de son évangile ou bien aux Écritures, à l’Ancien Testament. C’est alors, quand on fait le lien avec les autres textes, qu’on peut vraiment comprendre ce qu’il a voulu nous dire. Il faut donc partir à la recherche des petits cailloux.
 
Dans la première partie de notre évangile, j’en ai trouvé au moins deux. Le premier est le mot « flots » : « les nations seront affolées et désemparées par le fracas de la mer et des flots. » Déjà, nous pouvons observer qu’il y a un redoublement de la même image : la mer et les flots. Pourquoi avoir ajouté les « flots » ? Dans l’évangile de Luc, nous retrouvons les « flots » au chapitre 8, lorsqu’il est question de la tempête apaisée. Souvenez-vous : « Les disciples s’approchèrent et le réveillèrent en disant : « Maître, maître ! Nous sommes perdus ! » Et lui, se réveillant, menaça le vent et les flots agités. Ils s’apaisèrent et le calme se fit. » Les deux évangiles de la tempête apaisée et de la fin du monde doivent donc se comprendre ensemble. La tempête apaisée est une annonce de la passion, de la mort et de la résurrection de Jésus ; la fin du monde ressemblera donc aussi à une passion, une mort et une résurrection.
Et cela est tellement vrai que saint Luc nous le précise avec le deuxième caillou : « Quand ces événements commenceront, redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche » Le mot-cailloux est « redressez-vous ». Celui-là est bien caché, il faut le dire ! Mais la traduction française n’est pas si mauvaise. Dans la vieille version syriaque, le verbe employé est très rare ; ce n’est pas « redressez-vous » mais « regardez ». Il n’est employé que dans le Cantique des Cantiques pour la rencontre amoureuse du bien-aimé et de la bien-aimée, et dans l’évangile de Luc, pour la résurrection de Jésus : «  mon bien-aimé, pareil à la gazelle, au faon de la biche. Le voici, c’est lui qui se tient derrière notre mur : il regarde aux fenêtres, guette par le treillage. Il parle, mon bien-aimé, il me dit : Lève-toi, mon amie, ma toute belle, et viens… » ; et dans l’évangile de Luc, au chapitre 24 : « Alors Pierre se leva et courut au tombeau ; mais en se penchant, il regarda les linges, et eux seuls. Il s’en retourna chez lui, tout étonné de ce qui était arrivé. » Ainsi, saint Luc veut nous dire que, si d’un côté tout s’écroule dans le vacarme des flots, par la foi nous sommes invités à porter un regard particulier, un regard amoureux même, sur Jésus ressuscité qui vient, comme le bien-aimé auprès de sa bien-aimée, car notre rédemption, notre libération, est proche. Saint Marc avait dit presque la même chose : il avait aussi fait allusion au Cantique des Cantiques ; il avait fait le lien avec le bien-aimé qui frappait à la porte.
Devant les épreuves, au milieu des épreuves, les chrétiens sont donc invités à poser un regard particulier sur la réalité, un regard marqué par la foi – une foi amoureuse. Comme on discerne les bourgeons sur le figuier pour se réjouir, déjà, de la venue prochaine du printemps.
 
Cependant, Jésus poursuit son enseignement car il sait très bien que l’attente, la veille, sera difficile : l’homme sera partagé entre le désespoir et l’abandon qui conduisent à l’indignité, d’un côté ; et la foi et l’espérance, de l’autre. Jésus met en garde ses disciples contre l’alourdissement du cœur. Celui qui a le « cœur lourd », c’est Pharaon. Il endurcit son cœur, s’enferme sur lui-même et devient aveugle à la réalité de Dieu. Pour les Hébreux, le cœur est le lieu de l’intelligence : celui qui a le « cœur lourd », est un aveugle : il a l’intelligence obscurcie – il ne « regarde » pas, il ne « voit » pas, il ne « comprend » pas. La conséquence de cet athéisme, de ce désespoir, conduit l’homme aux « beuveries » – on devrait plutôt traduire par « orgies », quand on se livre à toutes les passions charnelles ; à « l’ivresse » – les addictions multiples qui font oublier la réalité ; et, pas tant les « soucis de la vie » que les « séductions du monde » – la dispersion dans mille affaires au détriment de l’unique nécessaire. Abandon aux passions, déconnexion du réel, dispersion de soi ; voilà les risques encourus par celui qui perd le regard de la foi.
Inversement, celui qui reste éveillé et qui prie aura la force d’échapper au malheur et de se tenir debout devant le Fils de l’homme, c’est-à-dire devant Jésus ressuscité. Il y a ici deux points à souligner pour bien comprendre Jésus ou saint Luc :
Le premier n’est pas évident pour une question de traduction. Il y a dans l’évangile une opposition entre les habitants de la terre qui ont le « cœur lourd » – ceux-ci sont assis sur la terre – et ceux qui sont éveillés et qui prient : ceux-là pourront se tenir debout devant le Fils de l’homme. Ceux qui se tiennent debout sont les baptisés, les ressuscités. C’est pourquoi par exemple, on prie toujours le Notre-Père debout.
Le second point est aussi lié à une question de traduction : « Priez en tout temps, ainsi vous aurez la force » ; on peut aussi traduire : « priez afin d’être dignes ». Dans les deux cas, ce qui donne la force ou qui rend digne de se trouver debout devant le Fils de l’homme, c’est-à-dire devant Dieu, c’est l’Esprit Saint. L’objectif de la prière est l’acquisition de l’Esprit Saint, qui rend fort et digne de se présenter les mains pures, le cœur pur, le cœur léger, l’intelligence éclairée, debout, devant Dieu, pour recevoir de lui la vie éternelle.
 
Chers frères et sœurs, contre toutes les passions, addictions, ou dispersions mortelles, nous pouvons acquérir l’Esprit Saint qui rend fort et digne, en portant un regard amoureux, un regard de foi, sur Jésus ressuscité et en le priant de jour comme de nuit sans nous lasser. Alors, le jour venu, nous le verrons et nous serons tels que nous le verrons, dans la paix, la joie et la lumière.
 

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