Is
9, 1-6 ; Ps 95 ; Tt 2, 11-14 ; Lc 2, 1-14
Chers
frères et sœurs,
Dans
notre tradition chrétienne, nous avons deux très grandes fêtes : Pâques,
d’abord, et Noël, ensuite. Pâques est la fête de la résurrection de Jésus et
Noël celle de sa naissance. Ces deux fêtes, vous l’aurez remarqué, sont
célébrées de nuit. À Pâques, dans la nuit nous allumons un feu, puis le grand
cierge pascal qui représente Jésus ressuscité et vivant, puis toutes nos petites
lumières et enfin celles de l’église entière, au moment du « Gloire à Dieu ».
La résurrection est contagieuse comme l’annonce de la joie de Noël ! À
Noël, justement, nous sommes au plus profond de l’hiver, quand les nuits sont
longues, et nous fêtons la naissance de Jésus, lumière d’espérance et de joie
dans les ténèbres de vies humaines parfois très sombres ou très douloureuses. Elle
annonce leur inconcevable renouveau : leur résurrection.
En
effet, pour comprendre vraiment la nuit de Pâques, il faut penser à la nuit de
Noël ; et pour comprendre la nuit de Noël, il faut penser à celle de
Pâques.
Ainsi,
à Pâques, il faut comprendre la résurrection de Jésus comme une nouvelle
naissance. Jésus qui était Dieu s’est fait homme, et comme homme, il est mort
sur la croix. Mais par sa résurrection, il a rendu possible que l’homme mortel
puisse renaître comme Dieu, immortel. Et notre Dieu réalise cela par le don de
l’Esprit Saint, l’Esprit de Pentecôte. Donc Pâques, c’est une naissance de
l’homme de la terre, au ciel.
Et
à Noël, c’est l’inverse : la naissance de Dieu sur la terre est une
nouvelle étape de la création : la vie du ciel vient ensemencer la terre. Chose
impensable pour le philosophe, mais réalité aussi extraordinaire que celle de
la résurrection, par la même puissance créatrice de Dieu, par l’Esprit Saint
qui a recouvert Marie de son ombre, comme il a recouvert les Apôtres de son feu,
lors de la Pentecôte.
Noël
et Pâques sont le côté pile et le côté face d’un même événement extraordinaire,
qu’on appellera un miracle, mais qui est d’abord une nouvelle création.
Pourquoi interdirait-on à Dieu de créer du neuf, s’il le veut ? Que Dieu
se fasse homme pour que l’homme devienne Dieu : c’est ce qu’il a fait à
Noël et à Pâques, par la puissance de son Esprit.
Maintenant,
regardez bien comment saint Luc joue entre le mystère de Noël et le mystère de
Pâques : dans les deux cas, la naissance ou la résurrection ont lieu dans
une grotte, dans la nuit. Dans les deux cas, Jésus repose dans des langes ou
dans des linges. Ici il vient de naître, et là, il ne reste plus que les
linges, car il est ressuscité. Dans les deux cas, l’ange du Seigneur apparaît
aux premiers témoins de la naissance ou de la résurrection. Ici, il dit :
« Ne craignez pas, car voici que je vous annonce une bonne
nouvelle ! », et là il dit : « Pourquoi
cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici, il est ressuscité. »
Dans,
les deux cas, les bergers ou les femmes sont éblouis, saisis de crainte. Car la
gloire de Dieu est éblouissante et ce que leurs yeux voient est en même temps
très ordinaire et très extraordinaire, pour celui qui croit. Ici : un
enfant dans une mangeoire, là des draps qui reposent à plat dans un tombeau
vide – voilà pour l’ordinaire. Et ici Dieu qui s’est fait homme – Emmanuel –
Dieu avec nous, et là l’homme-Dieu Jésus qui était mort et qui maintenant est
ressuscité et vivant dans une vie nouvelle, éternelle – voilà pour
l’extraordinaire.
À
Bethléem, nous avons Marie et Joseph, la famille de Jésus, puis les bergers qui
font paître les brebis ; à Jérusalem, nous avons Marie et les saintes
femmes – qui sont de la famille de Jésus – puis les Apôtres, les bergers des
brebis que nous sommes. Finalement, ce sont les mêmes. D’abord le petit cercle
familial des intimes de Jésus – et notamment des femmes – puis le cercle des
Apôtres et des disciples, et tout d’un coup « il y eut avec l’ange
une troupe céleste innombrable, qui louait Dieu en disant : « Gloire à Dieu au
plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime. »
Voilà que le Ciel s’est approché de la terre et qu’il chante la bonne nouvelle
de Noël pour tous les hommes de toute la terre et de tous les temps, les hommes
que Dieu a créés par amour et qu’il est venu sauver par amour.
Mais
il s’est passé la même chose en miroir, lors de la résurrection de Jésus,
lorsque la terre s’est approchée du ciel, dans l’ascension de Jésus au-dessus
des anges, et que les Apôtres redescendaient à Jérusalem en grande joie, dans
l’attente de la Pentecôte, signal de l’annonce de la bonne nouvelle de la
résurrection et de la vie nouvelle à tous les hommes de toute la terre et de
tous les temps, ces hommes que Dieu a créé par amour, a sauvé par amour et veut
retrouver dans sa communion d’amour, pour toujours.
Voilà
chers frères et sœurs le mystère de Noël. C’est le mystère de l’amour de Dieu
pour nous. Sommes-nous dans les ténèbres ? Voilà la lumière qui brille.
Elle annonce que bientôt nous allons nous aussi devenir lumière. Sommes-nous
malades, épuisés, fatigués ? Voilà Dieu qui se fait homme, prenant notre
chair mortelle, pour que celle-ci ressuscite avec la sienne, et que nous soyons
transfigurés, plus vivants et plus jeunes que jamais. Sommes-nous seuls ?
Voilà un enfant qui naît, entre sa mère et son père adoptif, bientôt entouré
par des bergers, puis des mages étrangers, puis par tout le peuple d’Israël. Il
annonce que si nous demeurons avec lui, bientôt, nous serons en communion avec
tous les anges et tous les saints du monde entier et de tous les temps, immense
communion d’amour qui, pour notre plus grand bonheur, ne finira jamais. Joyeux
Noël !