dimanche 8 décembre 2024

08 décembre 2024 - CHAMPLITTE - 2ème dimanche de l'Avent - Année C

 Ba 5, 1-9 ; Ps 125 ; Ph 1, 4-6.8-11 ; Lc 3, 1-6

[en présence de l'Harmonie de Champlitte, venue fêter sainte Cécile] 

Chers frères et sœurs,
 
L’évangile que nous avons entendu s’ouvre comme un livre, où deux pages se trouvent face à face.
 
Sur la première, nous avons la terre. La terre, c’est-à-dire l’espace et le temps où vivent les hommes. L’espace, c’est l’Empire romain, la Judée, la Galilée, l’Iturée, la Traconitide, Abilène, et par défaut Jérusalem où se trouve le Temple de Dieu. Mais la Parole de Dieu est adressée à Jean, dans le désert.  Et le temps, c’est le calendrier déterminé par le règne de l’Empereur de Rome, le temps des hommes. Mais aujourd’hui est un jour nouveau puisque – arrêtant le cours du temps – aujourd’hui, la Parole de Dieu fut sur Jean.
Vous savez bien que sur la ligne du temps, il suffit d’une date pour identifier un événement. Vous savez aussi que sur un plan, il faut deux coordonnées : l’abscisse et l’ordonnée. Et dans l’espace, il en faut trois : trois dimensions. Mais aujourd’hui, dans le désert, pour préciser que la Parole de Dieu s’est fait entendre, saint Luc a donné sept coordonnées. La parole de Dieu est à sept dimensions – la perfection. Et pour cela il a donné sept noms : Tibère, Pilate, Hérode, Philippe, Lysanias, Hanne et Caïphe. Telle est la première page : la réalité spatiale et temporelle du monde des hommes dans laquelle – tout à coup – aujourd’hui, Dieu parle.
 
Sur la seconde page, qui fait face à la première, c’est le ciel. Ou plus exactement le ciel qui prend possession de la terre et la transfigure : l’Esprit de Dieu qui transforme tout en harmonie lumineuse, en communion d’amour. À écouter la prophétie d’Isaïe, on a l’impression qu’il s’agit surtout de travaux titanesques de tractopelles et de bulldozers : « toute montagne et toute colline seront abaissées […] les chemins rocailleux seront aplanis. » Mais, nos pères les Hébreux ne parlaient pas comme nous, avec des concepts, comme les philosophes grecs, mais ils utilisaient des images pour parler des réalités de Dieu. Il faut donc traduire leur langage, pour les comprendre.
Pour ce faire, je vais moi aussi utiliser une image. Prenez… la musique. La musique se donne à voir d’abord dans une partition, feuille couverte de notes et de signes, qui seuls ne donnent aucun son. C’est le désert : tout est en attente. On n’entend que le silence. Il faut « préparer le chemin du Seigneur » : il faut que la musique s’entende.
Pour cela on appelle des musiciens, avec leurs instruments. Les musiciens représentent tous les hommes, des plus pécheurs aux plus souffrants : les plaines, dans la Bible sont aussi bien le lieu de Babel et de Sodome et Gomorrhe que le lieu où Jésus prononça les Béatitudes. Les instruments sont comme les ravins, le lit des rivières qui, asséchés attendent qu’en eux coule une eau vive : les instruments attendent de servir, ils attendent le souffle, ils attendent le mouvement, la vie.
Mais si chaque musicien joue sa propre partition, sans direction, sans rythme, c’est la dissonance, la cacophonie. Ce sont les montagnes, les collines, qui doivent être abaissées, dirigées par la seule véritable montagne légitime, la montagne de Sion, où se tient la présence de Dieu : Jérusalem ; c’est-à-dire le chef d’orchestre, pour rythmer, pour diriger, pour donner l’harmonie à l’ensemble.
Mais cela ne suffit pas. Vous le savez bien : il ne suffit pas qu’un musicien soit bon, qu’il soit bien dirigé et dispose d’un bon instrument pour jouer de la musique. Je veux dire, pas des notes, mais de la musique, dans laquelle passe un esprit : quand le musicien lui-même, et tout l’auditoire avec lui, est emporté par la Musique dans la beauté qui élève l’âme et qui, parfois fait remonter du plus profond de soi des larmes. C’est quand les « passages tortueux deviennent droits » ; quand les rigidités, les froideurs, sont évincées par la souplesse et la chaleur de la Musique, quand ce n’est plus le corps qui dirige l’instrument, mais l’âme à travers le corps. Quand l’âme, le corps et l’instrument ne font plus qu’un.
Alors « tout être vivant verra le salut de Dieu ». C’est quand on est au sommet de la Musique ; quand grâce à Esprit qui l’anime, la communion s’est faite entre tous ; que les musiciens et les instruments lui obéissent, et les notes sur les partitions ne sont plus des commandements, mais des empreintes, des signes, faible témoignage d’un instant de beauté tout aussi éternel au ciel, que fugitif sur la terre.
 
Voilà chers frères et sœurs, les deux pages de l’évangile de ce jour : d’un côté, le monde des hommes, de tous les hommes, est en attente de la Musique qui vient de Dieu, la musique de l’âme habitée par l’Esprit, qui conduit à la communion, de l’autre. Et voilà qu’aujourd’hui, dans le désert, Jean le Baptiste, le fils de Zacharie, vient briser le grand silence et commence à battre la mesure, « en proclamant un baptême de conversion pour le pardon des péchés », en appelant les musiciens de toute la terre, de tous les temps, de tout l’univers, à préparer leur instrument, leur vie, et leur âme, à se laisser guider par l’Esprit, à entrer dans la Musique, la Musique de Dieu.
L’exercice de cette Musique, chers frères et sœurs, dans une Église qui en est comme l’instrument, c’est la liturgie. À nous de jouer maintenant, sous la conduite de l’Esprit Saint, pour qu’Il nous conduise au point d’orgue : la sainte communion.

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