Ap
11,19a ; 12,1-6a.10ab ; Ps 44 ; 1Co 15,20-27a ; Lc 1,39-56
Chers
frères et sœurs,
Pourquoi
saint Luc a-t-il voulu nous raconter cet épisode de la rencontre entre la
sainte Vierge Marie et sainte Élisabeth ? Ce n’est certainement pas pour
satisfaire notre curiosité. C’est parce qu’il y a un message.
La
clé est dans la première phrase : « En ces jours-là, Marie se mit
en route et se rendit avec empressement vers la région montagneuse, dans une
ville de Judée. » Comme souvent, j’en veux terriblement à ceux qui
nous ont traduit l’Évangile en français. Si nous avions lu la même phrase dans
le grec, nous aurions compris tout de suite. Voilà ce que cela donne :
« En ces jours-là, Marie se lève. Elle va vers le pays-haut, en hâte,
dans une ville de Juda. »
Immédiatement,
dès que nous entendons dans l’Évangile que quelqu’un « se lève », nous
devons comprendre qu’il ressuscite. À sa résurrection Jésus s’est « levé
d’entre les morts ». Ici, en ces jours-là, c’est Marie qui se lève. De
manière cryptée saint Luc nous parle de la résurrection de la Vierge Marie. D’ailleurs,
il poursuit : « elle va vers le Pays-Haut ». C’est bien
clair : elle va au ciel. Elle y va « en hâte » : il
n’y a pas de délai ni d’étapes pour Marie, qui monte directement au ciel.
Saint
Luc nous précise qu’elle va « dans une ville de Juda ». Voilà
qui est bien curieux. D’abord saint Luc ne parle jamais de la région de « Juda »
dans l’Évangile, mais toujours de celle de « Judée ». Il veut
donc ici attirer spécialement notre attention. Or, quelle est la « ville
de Juda » ? Évidemment, c’est Jérusalem. Mais pour qu’on ne confonde
pas la Jérusalem terrestre et la Jérusalem Céleste, saint Luc utilise ce petit
mystère.
Voilà
donc qu’il nous a, en une phrase, annoncé que Marie, ressuscitée, est montée
rapidement au ciel, dans la Jérusalem céleste.
Et
là, que se passe-t-il ? Marie rencontre sa cousine Élisabeth. Élisabeth se
comporte exactement comme les anges quand un homme se présente devant eux, aux
portes du ciel : ils sont surpris et ils interrogent. Voilà ce qu’il s’est
passé lors de l’Ascension de Jésus, selon le Psaume 23 :
Les
anges supérieurs interrogent :
-
« Qui
peut gravir la montagne du Seigneur et se tenir dans le lieu saint ?
et
les anges inférieurs leur répondent :
-
L’homme au cœur pur, aux mains innocentes, qui ne livre pas
son âme aux idoles et ne dit pas de faux serments. Portes, levez vos frontons,
élevez-vous, portes éternelles : qu’il entre, le roi de gloire !
-
Qui est ce roi de gloire ?
-
C’est le Seigneur, le fort, le vaillant, le Seigneur, le
vaillant des combats. Portes, levez vos frontons, levez-les, portes éternelles
: qu’il entre, le roi de gloire !
-
Qui donc est ce roi de gloire ?
-
C’est le Seigneur, Dieu de l’univers ; c’est lui, le roi de
gloire ».
Lors
de la Visitation de la Vierge Marie, c’est Élisabeth, la plus ancienne, qui se
trouve déjà au ciel, qui interroge : « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes
entrailles est béni. D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne
jusqu’à moi ? »
Et
la Bienheureuse Vierge Marie, qui n’a pas besoin d’ange avocat puisqu’elle est
la Mère de Dieu, lui répond elle-même : « Mon
âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur ! Il s’est penché
sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse. Le
Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son Nom ! »
Le
dialogue entre les deux femmes à l’arrivée de Marie dans le Pays-Haut, dans la
ville de Juda, dans la maison de Zacharie, est donc semblable à celui des anges
qui gardent l’entrée du ciel, de la Jérusalem céleste, de la Demeure de Dieu. Ainsi,
celui ou celle qui passe le voile entre dans la félicité, dans la communion de
tous les saints, dans la gloire de Dieu.
Et
l’on pourrait aller plus loin, en montrant que saint Luc utilise, pour dire le tressaillement
de Jean-Baptiste au sein d’Elisabeth, ou plus exactement son
« bondissement de joie », une expression tirée du Cantique des
Cantiques : « La voix de mon bien-aimé ! C’est lui, il vient…
Il bondit sur les montagnes, il court sur les collines, mon bien-aimé,
pareil à la gazelle, au faon de la biche. Le voici, c’est lui qui se tient
derrière notre mur : il regarde aux fenêtres, guette par le treillage. Il
parle, mon bien-aimé, il me dit : « Lève-toi, mon amie, ma
toute belle, et viens… »
Voilà
donc pourquoi saint Luc a tenu à nous raconter cette visitation entre Marie et Élisabeth.
C’est pour nous parler des secrets bien cachés de Dieu : ce qu’il a fait,
dans son grand amour, pour notre bienheureuse et toute sainte Vierge Marie, en
son Assomption.