Ac
1,15-17.20a.20c-26 ; Ps 102 ; 1Jn 4,11-16 ; Jn 17,11b-19
Chers
frères et sœurs,
La
prière de Jésus, que nous venons d’entendre, dépasse de beaucoup notre
compréhension. Mais nous pouvons quand même essayer d’expliquer deux-trois
choses.
Au
début, Jésus prie son Père de nous garder unis dans son Nom, pour que nous
soyons Un comme lui et son Père. C’est par le baptême que cette prière est
exaucée : car ils sont Un tous ceux qui sont baptisés « au Nom du
Père et du Fils et du Saint-Esprit ». Être unis dans le Nom de Dieu, à la
prière de Jésus, c’est demeurer en communion les uns avec les autres.
Jésus
explique ensuite qu’il a veillé sur ses disciples et qu’aucun ne s’est perdu,
sauf celui qui s’en va à sa perte. C’est-à-dire Judas. Voilà qui est
mystérieux : comment peut-on échapper ainsi à la prière de Jésus, à la
volonté du Père, qui désire que nous soyons en communion avec lui et les uns
avec les autres ? Le renoncement de Judas apporte la preuve que nous
sommes libres, y compris et surtout devant Dieu. Ils n’ont rien compris à la
foi chrétienne ceux qui croient que nous sommes esclaves de dogmes. Nous sommes
absolument libres. Libres de suivre le Christ et de demeurer unis dans son Nom,
et libres de l’abandonner. Mais alors libres aussi d’aller à notre perte.
Ainsi,
est-ce que la prière de Jésus à son Père pourrait ne pas être exaucée ?
Qu’en est-il de ceux qui ont été unis à Dieu par le baptême et qui sont
partis ? Jésus termine sa phrase : « de sorte que l’Écriture soit
accomplie ». La trahison de Judas avait été prophétisée par les
Écritures : elle est contenue dans les Écritures. Cela peut signifier que
même la brebis perdue ne le serait pas totalement, et qu’il y a toujours un
chemin connu de Dieu, qui permettrait que la brebis puisse retrouver la
communion. Ainsi, un baptisé, même apostat, demeure-t-il toujours sous le
regard du Seigneur et je ne pense pas que le Seigneur puisse l’oublier.
Jésus
prie ainsi pour que ses disciples « aient en eux [sa] joie, et qu’ils
en soient comblés ». La joie dont parle Jésus, c’est l’Esprit Saint.
Il prie pour que nous soyons comblés de l’Esprit Saint, et que notre cœur soit
débordant de joie. Cependant Jésus est conscient que cette joie se heurte à la
haine du monde : « Moi je leur ai donné ta parole, et le monde les
a pris en haine. » La Parole que Jésus a donné à ses disciples, c’est
lui-même, sa vie et son enseignement. Quand on ne fait qu’un avec le Christ par
le baptême, lorsqu’on vit dans la connaissance de Jésus et qu’on est appelé
chrétien, c’est alors que les ennuis commencent.
Jésus
explique que ses disciples n’appartiennent pas au monde : ils sont dans le
monde, mais ils ne lui appartiennent pas. C’est un fait que le baptême ne fait
pas de nous des hommes physiquement différents des autres hommes. En revanche
la joie dont parlait Jésus, l’Esprit Saint, fait de nous des hommes
intérieurement très différents, et libres par rapport aux lois du monde. Or
celui-ci n’aime pas ce qui lui est différent et qui lui résiste. Par
conséquent, le chrétien rendu libre par l’Esprit de Jésus devient pour le monde
un ennemi.
Notre
seul ennemi à nous, les chrétiens, ce ne sont pas les autres hommes, mais le
Mauvais : « Je ne te prie pas pour que tu les retires du monde,
mais pour que tu les gardes du Mauvais ». Le Mauvais, c’est le
Satan : le diviseur, le menteur, celui qui use mal de sa liberté pour
renoncer à la Parole de Dieu, pour s’éloigner de la communion et tâcher
d’entraîner les autres avec lui sur le chemin de la tristesse et des ténèbres.
Lorsque
nous sommes confrontés à la haine du monde et fragilisés par ses attaques, nous
devenons sensibles à la petite musique du Mauvais. Jésus a prié pour nous :
pour que nous gardions l’unité contre la division, la joie contre la tristesse,
la Parole de Dieu contre le mensonge, la liberté des fils de Dieu contre
l’esclavage des idolâtres et de leurs multiples addictions. Jésus a prié pour
que nous gardions la foi, l’espérance et la charité.
Pour
finir, Jésus prie son Père que nous soyons « sanctifiés dans la vérité ».
« Ta parole est vérité » dit Jésus. C’est-à-dire qu’il est
lui-même la vérité. Il est la clé de la compréhension de tout l’univers et de
chacun de nous, jusqu’au plus intime de notre cœur. C’est dans la vérité que
nous sommes rendus saints. Car la communion avec Jésus fonctionne comme un bain
révélateur : sans Jésus, on ne voit pas ou mal, et on ne comprend pas ou
pas bien. Avec Jésus au contraire la réalité apparaît et se donne à comprendre
à l’intelligence. On peut alors parler de vérité. Là aussi, ceux qui croient
que la foi chrétienne et la science s’opposent n’ont rien compris. Lorsque la
science découvre de nouveaux pans de la réalité, elle fait un pas vers le
Christ. Un chrétien n’a rien à craindre de la science lorsqu’elle veut
approfondir la réalité, bien au contraire : il doit s’en réjouir. (La question est de savoir ce qu'on en fait...)
C’est
ainsi, chers frères et sœurs, qu’être uni à Dieu par le baptême en son Nom et
porteur de l’Évangile de vérité dans le monde, c’est devenir un étranger pour
lui. Le danger pour nous est de perdre la foi, l’espérance et la charité en
succombant à la petite musique du Mauvais. Mais l’amour de Jésus qui est mort
et ressuscité pour nous, nous est acquis pour toujours, et nous n’avons pas
meilleure défense et protection que celle de sa prière, à toute heure.