Carême Cathédrale Besançon 2021 – 2 – 5ème
dimanche de Carême – 21 mars 2021
« FAITES CELA EN MÉMOIRE DE MOI » (Lc 22, 19 ;
1co 11, 25).
Pourquoi Jésus nous demande-t-il de célébrer
la messe ?
Chers
frères et sœurs,
« Pourquoi Jésus nous demande-t-il de
célébrer la messe ? » Il est difficile de donner une réponse claire
et juste à cette question. Il me semble qu’il est impossible de prétendre pouvoir
tout dire sur l’Eucharistie, et encore moins, pour moi, de pouvoir dire positivement
ce qu’elle est. Et c’est normal : car elle est vie et source de vie. Elle est comme le soleil et sa lumière, impossible
à fixer et à saisir.
Néanmoins, nous pouvons quand
même dire un certain nombre de choses. C’est comme pour une roue de Comté :
le fromager ne peut pas dire comment chaque partie de la roue est faite, mais
il peut au moins faire des sondages. C’est donc ce que nous allons faire.
Je vous propose quatre regards
sur l’Eucharistie, en tâchant toujours d’essayer de comprendre pourquoi le
Seigneur a dit à ses Apôtres : « Faites cela en mémoire de moi. »
Le premier s’intitule : La messe est un don de Dieu ; le
second : La messe est une catéchèse ; le troisième : La messe
est le mémorial du Grand Pardon ; et enfin le dernier : La messe est une
théophanie.
I – La messe est un don de
Dieu.
Spontanément, lorsque l’on
pense à la parole de Jésus « Faites cela en mémoire de moi »,
nous pensons que Jésus a fait le devoir à ses Apôtres de célébrer la
messe. De fait, c’est bien dans cet esprit que nous avons formulé la question
de nos conférences : « Pourquoi Jésus nous demande-t-il de
célébrer la messe ? » Et cela résonne parfaitement avec l’idée
qu’aller à la messe le dimanche constitue notre « devoir
dominical ».
Alors, oui, en effet, il y a
bien une forme d’obligation pour nous, baptisés, de nous assembler pour
célébrer l’eucharistie.
D’une part parce que c’est le
moyen que nous avons reçu du Seigneur pour le remercier pour la vie et le
pardon qu’il nous a offert en Jésus Christ. Célébrer l’eucharistie –
c’est-à-dire l’action de grâce – est en effet la manière la plus parfaite de
lui dire « merci ». Beaucoup de fidèles le savent très bien, qui
offrent des messes d’action de grâces, justement, pour de multiples dons reçus
de la part du Seigneur. Ainsi, s’assembler pour célébrer la messe, c’est
d’abord savoir faire preuve de reconnaissance, et partant, de politesse à
l’égard du Seigneur, tout simplement. C’est ce que l’on appelle en théologie la
« vertu de religion », et elle est fondamentale.
D’autre part, la célébration
de la messe est aussi un devoir, car notre vocation, en tant que baptisés, est d’offrir
au Seigneur des prières pour toute l’humanité, comme des prêtres, pour notre
famille, nos voisins, nos collègues, nos amis, notre village, notre pays… et
au-delà, pour ceux qui souffrent, ceux qui sont persécutés, etc. Si nous
chrétiens, nous ne venons pas à la messe pour présenter ces intentions au
Seigneur, pour qu’il s’en souvienne et les transfigure dans sa lumière, qui le
fera ?
Cependant, est-on bien sûr que
Jésus a réellement parlé dans un esprit d’obligation, quand il a dit à ses
Apôtres : « Faites cela en mémoire de moi ? ».
Est-ce donc que Jésus avait déjà anticipé sur la multitude des chrétiens qui
ont du mal à se lever le dimanche matin ? Est-ce que la messe est donc
vraiment si ennuyeuse que Jésus doive nous y obliger ? Je dénonçais, la
semaine dernière, quelques graves défauts de notre mentalité religieuse, mais
n’en sommes-nous pas victimes ici aussi ?
Et si, en célébrant la sainte
Cène, Jésus avait révélé quelque chose d’extraordinaire à ses Apôtres ? À
tel point qu’ils auraient pu avoir envie de faire eux-aussi comme lui, sans
oser le dire. Et si alors, parachevant son geste de générosité et répondant à
leur désir caché, Jésus leur avait enjoint de l’imiter, en disant justement :
« Faites cela en mémoire de moi » ? Ce n’est plus un devoir, dans ce cas,
évidemment, mais c’est une fête ! Vous comprenez que – si l’on
regarde la célébration eucharistique comme un don inestimable, et qu’on a reçu
du Seigneur la faculté de la reproduire librement, comme lui-même l’a célébrée
– alors il ne peut plus s’agir d’une obligation, mais d’un talent précieux, à
faire fructifier. Et quel honneur et quel bonheur pour tous les baptisés de
pouvoir en faire partie ! « Si tu savais le don de Dieu »,
mon cher ami, tu serais debout pour aller à l’église tous les dimanches matin,
sans même y réfléchir.
Alors, finalement, « Faites
cela en mémoire de moi. » : obligation ou bénédiction ? Nous
voyons bien ici à quel point, les idées préconçues que nous avons nous
empêchent de percevoir la réalité. Et c’est là la grande difficulté de l’homme
pécheur : il nous faut bien prendre conscience que notre compréhension actuelle
est partielle, sinon partiale, et que notre jugement est altéré.
C’est ainsi, chers frères et
sœurs, que ce n’est pas pour rien qu’en début de chaque messe, après avoir fait
le signe de croix qui nous introduit dans l’espace-temps de la liturgie, en
présence du Seigneur, immédiatement nous avons besoin de faire un acte de
pénitence. Car devant le Don de Dieu, nous sommes indignes et nous avons besoin
– pour le recevoir correctement – de son pardon.
II – La messe est une
catéchèse.
Pensez-vous un instant, chers
frères et sœurs, que le Seigneur va nous laisser dans l’incertitude, l’indignité,
l’altération du jugement, ou le péché ? Certainement pas, car c’est lui
qui nous a créés et façonnés par son Esprit-Saint et selon sa Parole, à son
image et à sa ressemblance. Notre Père a donc la ferme volonté de nous
illuminer et de nous réintégrer dans sa communion glorieuse – si nous le
voulons bien. Car il nous a créés libres. C’est pourquoi le Seigneur doit
procéder avec précaution, prenant tout le temps nécessaire, pour nous
accoutumer à la simplicité de sa présence, et lui, s’accoutumer à la complexité
de notre humanité. C’est comme pour une blessure : il faut la soigner avec
délicatesse et patience. Ainsi le Seigneur fait-il avec nous. Et c’est une
catéchèse.
L’un des plus beaux récits de
catéchèse est celui des disciples d’Emmaüs, que vous connaissez par cœur. Nous
voyons bien combien les deux disciples sont dans l’incompréhension après la
mort de Jésus et plus encore après l’annonce de sa résurrection. Par leur
propre réflexion humaine, leur idées, ils n’arrivent pas à expliquer ce qu’il
s’est passé, et ils s’échauffent.
Le Seigneur Jésus les rejoint
et fait le chemin avec eux, c’est-à-dire qu’il les accompagne autant de temps
que nécessaire. Alors – dit l’Évangile – « partant de Moïse et de
tous les Prophètes, il leur interpréta, dans toute l’Écriture, ce qui le
concernait ». Les disciples confesseront, à la fin : « Notre
cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et
nous ouvrait les Écritures ? » Précisons que lorsque saint Luc mentionne
ici l’Écriture ou les Écritures, il s’agit de la Loi de Moïse et des prophètes,
ce que nous appelons l’Ancien Testament.
Et ce n’est qu’après ce temps
de catéchèse que le Seigneur, ayant jugé que l’heure était venue, leurs yeux purent
s’ouvrir, le reconnaître ressuscité à la fraction du pain, le confesser comme
homme et Dieu, et comprendre enfin le sens prophétique des Écritures. Tout leur
a été donné en même temps, dans la même illumination.
Plusieurs observations doivent
être faites à partir de ce récit.
Premièrement nous voyons que par
nos seules idées humaines, nous ne pouvons pas accéder à la connaissance de
Jésus-Christ et du mystère de Dieu qu’il manifeste : nous avons besoin de
nous appuyer sur les Écritures, et nous avons besoin de Jésus lui-même, de son
Esprit-Saint. Il est la clé de la connaissance, et la seule. Or ce qui est vrai
pour la compréhension du Christ Jésus, l’est également pour la liturgie et particulièrement
pour la messe : sans l’enracinement dans les Écritures et sans l’Esprit
Saint, nous ne pouvons pas les comprendre.
Cependant, deuxièmement, la
messe elle-même nous offre cette ouverture aux Écritures. C’est la fonction du
temps des lectures de l’Ancien Testament, du Psaume, du Nouveau Testament, de
l’Évangile même, et de l’homélie. De fait, le prêtre qui prononce l’homélie
fait ce que faisait Jésus avec les disciples d’Emmaüs : il ouvre les
Écritures aux fidèles. On espère que leur cœur est tout brûlant en eux, quand
ils entendent le sermon ! Mais cela, c’est l’œuvre de l’Esprit Saint.
Troisièmement, lorsque Jésus
parcourt les Écritures, la Loi de Moïse et les Prophètes, avec ses disciples,
c’est comme s’il reparcourait avec eux toute l’histoire du Peuple d’Israël. Je
veux dire par là que toute l’histoire d’Israël est déjà une catéchèse en
action : elle est la catéchèse vivante, écrite par Dieu avec les hommes,
où Dieu soigne leur blessure originelle, avec précaution et patience. Ainsi
donc, l’Histoire du salut, les Écritures, et le temps des lectures à la messe,
c’est tout un et leur fréquentation constitue, avec l’Esprit Saint, la
condition préalable pour pouvoir ouvrir les yeux sur la réalité du mystère de
Dieu.
Par conséquent, quatrièmement,
la liturgie est elle-même sa propre catéchèse. Elle l’est du point de vue du
temps, comme nous l’avons vu : le temps des lectures est un temps de
catéchèse. Mais elle l’est aussi du point de vue de l’espace. Si le premier
temps, celui du don de Dieu et de notre incapacité à le comprendre et à le
recevoir, correspond au narthex de l’église ; le second temps plus long, celui
des lectures, correspond à la longueur de la nef, scandée par autant de
centaines d’années que de bancs. Dans une église, il y a une correspondance
entre l’espace et le temps : rien n’est laissé au hasard.
Nous arrivons donc à cette
conclusion que si nous voulons accueillir en nous le don de Dieu à sa juste
valeur, il faut vouloir en être. Lorsque Jésus dit « Faites cela en
mémoire de moi », on peut donc entendre non pas seulement une
obligation ou une bénédiction, mais aussi une nécessité vitale. C’est comme
s’il nous disait : « Vous, les chrétiens, célébrez la messe, afin que
les hommes pécheurs puissent entrer à leur tour dans mon mystère. » Et
justement, ce mystère, quel est-il ? Que Jésus a-t-il donc voulu dévoiler
aux disciples d’Emmaüs ?
III – La messe est le mémorial
du Grand Pardon
Lorsque Jésus a célébré la
sainte Cène, avant sa Passion, faisant du pain son Corps livré pour nous, et le
vin son Sang, Sang de l’Alliance nouvelle et éternelle, qui est versé pour nous
et pour la multitude en rémission des péchés, il a donné lui-même l’explication
de ce que la messe est, en son cœur : le pardon des péchés par la Passion
de Jésus, sa mort, sa résurrection et son ascension auprès du Père.
L’œuvre du Christ, après avoir
catéchisé et soigné les blessures, est de nous acquérir le grand pardon de Dieu
et par lui nous rétablir dans l’intelligence et la jouissance du don initial de
Dieu.
Comment Jésus s’y
prend-il ? En accomplissant par lui-même, en tant que prêtre et offrande,
le rituel du Grand Pardon, tel qu’il était célébré dans le Temple de Jérusalem,
selon la Loi reçue du Seigneur par Moïse au Mont Sinaï.
Il y a ici un écueil auquel
nous avons du mal à échapper. Nous pensons que Jésus a dû se conformer aux
rites reçus de Moïse, qui étaient des préfigurations. Et assez rapidement, nous
pensons que Jésus les as accomplis, pour les abolir en même temps. Et que l’on
peut tourner la page de l’Ancien Testament.
Mais ce n’est pas exact.
Lorsque Moïse a déterminé les règles liturgiques du Temple de Jérusalem, c’est
en fonction de ce qu’il avait vu dans sa vision au Mont Sinaï. Il a vu ce qui
est éternellement dans la gloire de Dieu : la liturgie céleste des saints
et des anges, la même liturgie qu’a vue et décrite saint Jean dans
l’Apocalypse, qui est la liturgie de l’unique Église du ciel et de la terre. Pour
le dire de manière plus grossière : Moïse a vu… la messe. Et la liturgie
du Temple en est donc une imitation.
Il y a, chers frères et sœurs,
une parenté génétique entre la liturgie du Temple et la liturgie de l’Église
qui est la même au ciel et sur la terre. C’est la raison pour laquelle les
églises ressemblent au Temple de Jérusalem.
Elles sont séparées en deux
espaces : par le voile dans le Temple, par les marches et le banc de
communion dans les églises latines, par l’iconostase dans les églises
orientales. D’un côté, nous avons le lieu où se tiennent les lévites qui
viennent offrir l’encens à Dieu, qui est le même lieu où se tiennent les baptisés
qui offrent à Dieu l’encens de leur prière. De l’autre côté, nous avons le
Saint des Saints, où est installée l’Arche d’Alliance sur laquelle repose la Présence
du Seigneur, lieu dans lequel le Grand Prêtre entre une fois par an pour la
liturgie du Grand Pardon. Dans l’Église, le Saint des Saints, c’est le chœur,
où est installé l’autel sur lequel reposent le Corps et le Sang de Jésus, sa
présence réelle, le lieu où l’évêque célèbre chaque dimanche l’eucharistie,
conformément à la demande de Jésus. Dans le Temple, nous avons le grand
chandelier à sept branches, que nous trouvons aussi dans les églises : six
cierges sur l’autel pour les solennités, et un septième quand l’évêque est
présent, parce qu’en lui se trouvent tous les dons du Saint-Esprit, parce qu’il
représente liturgiquement le Christ.
Tous ces espaces et objets liturgiques,
le sacerdoce des fidèles et celui des évêques et des prêtres, la prière
eucharistique, ont pour fonction de rendre visible la véritable liturgie
réalisée par Jésus. Car c’est lui le véritable Grand Prêtre qui, s’étant offert
lui-même comme agneau sans tache pour le pardon des péchés, franchit le véritable
voile du Temple, celui qui sépare la terre et le ciel, pour entrer dans le vrai
Saint des Saints, c’est-à-dire le ciel. Là, acclamé par les anges, Jésus va
tout remettre entre les mains de son Père, s’asseoir à sa droite sur son trône,
et obtenir de lui sa bénédiction pour nous tous. Cette bénédiction, ce sont les
flammes de feu de la Pentecôte répandues sur les disciples, et c’est aussi la
communion que les fidèles viennent recevoir gracieusement, aux portes du ciel.
Pardonnez-moi chers frères et
sœurs, je vais vite, mais vous avez compris que l’histoire de Dieu et de
l’homme, la liturgie du Temple, la mission de Jésus, la liturgie céleste et la
messe, sont comme des poupées russes qui s’emboîtent les unes dans les autres,
ce sont des rituels, des événements, des vocations et des réalités qui
s’expliquent les unes par les autres.
Ainsi donc, lorsque Jésus dit
à ses Apôtres : « Faites cela en mémoire de moi », il ne
leur demande pas simplement de rompre le pain et de bénir la coupe, il les fait
entrer comme lui, comme grands prêtres, dans le Saint des Saints, non seulement
d’un point de vue liturgique, mais aussi par leur vie entière, jusqu’au martyre.
Souvenez-vous : « Pouvez-vous boire la coupe que je vais
boire ? »
Nous voici arrivés en quelque
sorte à la croisée des chemins où tout converge et tout se noue. Dans l’Église,
c’est la croisée du Transept. L’homme, venu du fond de l’église en procession,
comme du fond des âges, après une longue marche, présente ses mains de pauvre
pécheur au prêtre qui lui présente le Corps du Christ, c’est-à-dire son pardon
obtenu par Jésus, et la communion retrouvée avec Dieu et tous les saints.
IV – La messe est une théophanie
Il me reste, chers frères et
sœurs, un dernier mot à vous dire. Vous pouvez penser que tout ce que je viens
de dire est bien beau, voire trop beau. Et vous dire : « Est-ce que
toute cette liturgie n’est pas entièrement symbolique ? En quoi la messe
est-elle réellement la liturgie du ciel, et – pour tout dire – le pain et le
vin réellement le Corps et le Sang de Jésus ? » Vous avez raison. Si
nous voulons passer du symbole à la réalité, il faut aller jusqu’à cette
question essentielle.
Vous souvenez-vous, chers
frères et sœurs, de la Transfiguration de Jésus ? Pierre, Jacques et Jean
montent avec lui sur la Montagne. Et là, il est transfiguré devant eux. Ses
vêtements deviennent éblouissants. Il est en conversation avec Moïse et Elie à
propos de sa Passion qui doit venir. Pierre essaye de balbutier quelque chose,
dit des bêtises, quand la voix du Seigneur se fait entendre : « Celui-ci
est mon Fils bien-aimé – écoutez-le ». Et soudain, il se retrouvent
avec Jésus, seul.
Que pensez-vous de ce
phénomène ? Jésus s’est-il allumé comme une ampoule ? C’est ce que nous
pensons spontanément, comme nous attendons spontanément que le pain et le vin
changent d’apparence lors de la consécration. Or, comme cela ne se fait pas,
nous pensons que la consécration est symbolique. Et de même pour la
transfiguration de Jésus : cela doit être un récit symbolique. Et de même
ses apparitions, après sa résurrection, elles sont également symboliques. Tout
se tient.
Mais ce n’est pas ainsi que
les choses se sont passées. Jésus ne s’est pas allumé comme une ampoule : il
n’a pas changé. Il est toujours le même depuis son incarnation ; il
est toujours homme et Dieu. Toujours. Et il est toujours en communion avec son
Père, par l’Esprit Saint. Ils ne sont jamais séparés. Jamais. D’ailleurs, les
démons, qui sont des anges déchus, quand ils sont confrontés à Jésus, le
reconnaissent immédiatement : « Que nous veux-tu, Jésus de
Nazareth ? Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais qui tu es : tu
es le Saint de Dieu. » Les anges et les démons voient parfaitement qui
est Jésus. Alors que s’est-il passé à la Transfiguration ?
C’est que, tout simplement, ce
sont les yeux des Apôtres qui, le temps d’un instant, ont vu comme voient les
anges Jésus tel qu’il est toujours : il est l’homme Jésus et il est le
Verbe de Dieu glorieux. Et ils l’ont vu en compagnie de Moïse et Elie.
C’est-à-dire qu’ils ont partagé la même vision de la gloire divine qu’a eu
Moïse au Mont Sinaï et Elie au Mont Horeb.
Alors, chers frères et sœurs,
pour ce qui concerne le pain et le vin consacrés, si le Seigneur décidait de
nous ouvrir les yeux un instant, nous les verrions donc aussi éblouissants que
Jésus lors de sa Transfiguration. Et nous serions immédiatement mis par l’Esprit
Saint en communion avec tous les saints, de l’Ancien et du Nouveau Testament,
tous les membres de l’Église, et les anges. C’est ce qui s’est passé pour les
disciples d’Emmaüs : un instant, au moment de la fraction du pain, leur
yeux ont reconnu Jésus ressuscité, glorieux. Comme à la Transfiguration.
Et là tout est dit : les
Écritures s’expliquent, la liturgie s’explique, la messe s’explique. Et non
seulement elle s’explique, mais elle devient réalité. Il faut juste les yeux
pour la percevoir, c’est-à-dire une grâce de l’Esprit Saint, ce qui est tout à
fait possible pour chacun d’entre nous, si le Seigneur le juge opportun.
Finalement, « faites
cela en mémoire de moi », ce n’est pas d’abord une obligation, mais
une bénédiction sacerdotale et un envoi : nous, ministres du Seigneur et
baptisés, nous avons reçu de Jésus la vocation de célébrer la messe et de la
vivre, pour que par elle et par toute notre vie, comme Jésus, les hommes
pécheurs puissent être illuminés et réintégrés à leur tour, avec tous les
saints, dans la gloire de Dieu.