Ac 2,1-11 ; Ps
103 ; 1Co 12,3b-7.12-13 ; Jn 20,19-23
Chers
frères et sœurs,
Il
n’est pas possible de prêcher pour la Pentecôte comme si rien ne s’était passé
depuis deux mois. Et il est difficile de mettre des mots sur une situation pénible,
comme sur une blessure toujours douloureuse et, pour tout dire, humiliante. Et
qui sait vraiment voir la réalité et en parler de manière juste, comme savaient
le faire les prophètes du Seigneur, Jésus lui-même bien sûr, et ses Apôtres
animés par son Esprit ? Je veux donc être modeste aujourd’hui, et vous
partager ceci :
Il
n’est pas besoin d’être chrétien pour comprendre que l’expérience de
confinement que nous venons de vivre est en même temps un révélateur de la réalité
et un accélérateur de l’histoire.
Révélateur
de la réalité car, très rapidement, se sont manifestés les esprits de chacun,
des familles, associations et communautés que nous formons, et jusqu’à l’État
lui-même, à travers nos prises de paroles et nos actions concrètes. Repli sur
soi ou générosité, dissimulation et mensonge ou bien action et vérité…
Au
IIIème siècle les évêques Cyprien de Carthage et Denys d’Alexandrie avaient été
confrontés à la même difficulté que nous. Et pour eux, le partage des eaux
était le même : soit on avait peur de la mort et, dans ce cas, on était
porté à se comporter de manière inhumaine, soit on avait foi en la résurrection
de Jésus et, dans ce cas, la peur ayant disparu, il n’y avait pas de limite à
la générosité dans le service du prochain, quitte à mourir en martyr de la
charité, à l’image de Jésus.
Le
confinement que nous avons vécu est donc d’abord une épreuve de vérité pour
notre foi.
Ensuite,
cette expérience inédite, est un accélérateur de l’histoire. Certains ont été
tentés de voir dans ces jours des prémices de l’Apocalypse. En effet, nous
avons le sentiment que beaucoup de repères se sont écroulés – et parfois la
hiérarchie ecclésiastique elle-même. Nous sentons que l’avenir est incertain.
Et, pour ceux qui ont quelques connaissances de l’Ancien Testament, nous savons
que les épreuves ne vont jamais seules : après la maladie, viennent
souvent la famine et puis la guerre. Que le Seigneur nous en préserve !
Mais les évêques Cyprien et Denys ne pensaient pas que l’épidémie de leur temps
était la fin du monde, mais seulement une épreuve. Il en va de même pour nous,
car de la fin du monde, nous ne savons ni le jour ni l’heure. Cependant, nous
ne devons pas nous leurrer : car si ce n’est pas la fin du monde, c’est au
moins la fin d’un monde.
Cette
épidémie va accélérer l’histoire et aggraver les fractures. Pour ce qui nous
concerne, si la société s’éloignait de l’Église, elle s’en est éloignée encore
plus ; si l’Église était un petit troupeau : elle l’est devenue
encore plus. L’esprit du monde nous demandait déjà d’être forts dans le
témoignage chrétien : il exige de nous encore bien plus, dès maintenant.
L’épreuve
que nous avons vécue jusqu’à présent et dans laquelle nous sommes encore, a un
effet accélérateur et aggravant. Mais heureusement, pas seulement pour le mal,
mais aussi pour le bien ! Car c’est dans les grandes épreuves qu’on voit aussi
à l’œuvre les plus grands saints !
Justement,
jusqu’à présent il n’était pas besoin d’être chrétien pour faire toutes ces
observations. Or chrétiens nous sommes. On peut dire que les Apôtres, entre la
mort et la résurrection de Jésus, et la Pentecôte, ont vécu quelque chose de semblable :
ils avaient peur ; ils ne savaient pas où aller ; ils étaient
enfermés. Parfois Jésus venait les visiter, comme nous, nous avons sans doute
ouvert notre poste de télévision, pour l’accueillir, pour suivre la messe du
dimanche, sans mettre notre doigt à travers l’écran pour vérifier si c’était
bien du direct… Mais voilà qu’au jour de la Pentecôte, les Apôtres de Jésus
reçoivent l’Esprit Saint. Et là, tout change.
D’abord,
par le don de son Esprit, Jésus prouve qu’il est vivant et qu’il est vivant
éternellement. Aujourd’hui nous sommes de nouveau réunis pour l’eucharistie et
recevoir la communion : il en sera toujours ainsi, quoiqu’il arrive,
jusqu’au retour de Jésus, parce qu’il est toujours vivant.
Ensuite, l’Esprit
Saint qui est répandu sur les Apôtres les purifie et les rend plus fort. On
parle des sept dons de l’Esprit Saint : sagesse, intelligence, science,
force, conseil, piété et crainte du Seigneur. Cette vie de Dieu nous est aussi
donnée en ce temps d’épreuve, pour faire de nous des chrétiens solides, vivants
et joyeux.
Et enfin, chose étonnante, les Apôtres qui vivaient dans la peur se sont
mis à parler de Jésus au grand jour. Le don de l’Esprit Saint, c’est passer de
la peur à la foi. Et c’est vrai pour nous aussi.
Aujourd’hui,
chers frères et sœurs, par le fait même que vous soyez là, comme tous ces gens
venus en pèlerinage à Jérusalem, vous montrez que votre cœur cherche l’Esprit
du Seigneur, et même qu’il est prêt à le recevoir. Or c’est cet Esprit qui vous
sera donné dans la communion, car Jésus est vivant, il est toujours présent, et
il vous aime. Alléluia !