Ex 34,4b-6.8-9 ;
Dn 3 ; 2Co 13,11-13 ; Jn 3,16-18
Chers
frères et sœurs,
Il
est heureux qu’au moment où nous nous retrouvons, après une longue séparation,
la liturgie de l’Église nous invite à nous nourrir à la racine de notre foi. La
religion chrétienne est très différente de toutes les autres religions, la
religion juive exceptée, bien sûr.
En
effet, l’homme a toujours été sensible à la beauté de la nature et, parfois
très impressionné par elle : il lui confère très facilement un caractère
sacré. Par exemple en Franche-Comté, nous aimons beaucoup les forêts et les
sources. Et dans nos vieilles légendes se trouve la figure de la Vouivre, la
déesse de la source. C’est de là, d’ailleurs, que vient le nom de la Vaivre de
Seveux, par exemple. L’homme confère un caractère sacré, non pas seulement à la
nature, mais aussi au sexe – suscitant alors les multiples déesses de la
fécondité – et au pouvoir, quand le roi est considéré religieusement comme un
dieu. Toutes ces formes de sacré génèrent chez l’homme des comportements religieux païens, par lesquels il adore des idoles. Ce sont en effet des
phantasmes de sa part. Ces idoles n’ont aucune réalité.
Ceci
n’empêche pas que la beauté, la vitalité et la puissance de la création ne
puissent pas nous émerveiller et nous impressionner. Mais Dieu n’est pas la
création elle-même, il en est le créateur. Il ne faut pas confondre les deux et
éviter d’adorer l’objet d’art à la place de l’artiste qui l’a fait.
Très
différent des idoles est en effet le Dieu d’Israël. Il ne s’agit pas de nature,
de sexe ou de pouvoir. Le Dieu d’Israël est un Dieu personnel : il est Le
Seigneur – c’est son Nom – le Dieu de Moïse, le Dieu d’Isaac, le Dieu
d’Abraham. Le Seigneur se fait connaître par révélation, dans une rencontre
spirituelle et physique. On ne peut pas provoquer cette rencontre par
nous-même, mais c’est Le Seigneur qui vient se manifester à nous. Ainsi Moïse
monte sur la montagne, où il est pris dans la nuée, avant que Dieu manifeste sa
présence en proclamant son Nom. Aussitôt Moïse, qui est illuminé par Dieu, se
sent tout petit et se prosterne ; et il se sent en communion avec Dieu et
avec tout le peuple, pour lequel il intercède.
Pour
nous qui sommes chrétiens, notre Dieu est le même que celui d’Abraham, d’Isaac
et de Moïse. Spirituellement, nous sommes des juifs. Mais il y a quand même une
grande différence : c’est que, grâce à Jésus, nous savons que Dieu, Le
Seigneur, est un seul Dieu en trois personnes : Dieu le Père, Dieu le Fils
– Jésus – et Dieu le Saint-Esprit. Comment cela peut-il se faire ? Hé bien
c’est tout simple : c’est une question de position.
Quand
on rencontre Dieu pour la première fois : il nous fait l’effet d’être un
étranger. On le perçoit comme un personnage unique : il est Dieu, et on le
craint. Il faut qu’on s’acclimate un peu l’un à l’autre. Mais quand Dieu veut
se révéler davantage à nous, qu’il veut se faire « connaître » comme
dit Saint Jean, alors il nous fait entrer dans sa communion d’amour.
Comment ? Le Saint-Esprit fait de nous non plus des étrangers mais des
fils – comme Jésus, en communion avec lui – et avec lui nous percevons la
présence de son Père, de notre Père. Alors nous sommes illuminés, nous
comprenons que nous sommes en communion avec tous les saints du ciel, et nous
sommes remplis de paix. C’est quand on est dans la communion que le Dieu unique
se révèle être Père, Fils et Saint-Esprit.
Et
en même temps nous comprenons qui nous sommes vraiment et à quelle vocation
nous sommes appelés. Le Dieu Trinité révèle en profondeur qui est l’homme et
quel est le sens de sa vie. Sans Le Seigneur pour le tirer vers le haut,
l’homme retourne rapidement à ses phantasmes et au paganisme.
La
preuve que ce Dieu est le même que celui de Moïse, est que Moïse est d’abord
enveloppé par la nuée – c’est-à-dire l’Esprit Saint qui le prépare à la
rencontre ; qu’il entend ensuite la proclamation du Nom de Dieu – or cette
proclamation, cette Parole, c’est déjà Jésus, qui est la Parole de Dieu ;
afin de pouvoir percevoir la présence de Dieu le Père. Moïse ne le savait pas,
mais il était déjà chrétien, et c’est normal, car d’une part le Dieu d’Israël
et le Dieu de Jésus-Christ, c’est strictement le même, mais d’autre part Jésus
n’était pas encore venu sur Terre pour dévoiler ce mystère par sa vie. Moïse a
vécu la Trinité sans la comprendre vraiment. Et beaucoup aujourd’hui sont encore
dans ce cas.
Je
termine par un mot sur la communion. Car la Trinité se révèle à chaque messe.
Lorsque l’on communie, on porte Jésus en soi, mais comme justement on est en
communion avec lui, il nous porte aussi en lui. Si l’Esprit Saint illumine
suffisamment notre esprit pour comprendre cette communion vraiment et avec
cœur, alors nous sentons que c’est un grand mystère et que nous sommes tout
petits et en même temps grandis : alors c’est que nous avons été mis en
présence du Père.