Ap
7,2-4.9-14 ; Ps 23 ; 1Jn 3,1-3 ; Mt 5,1-12a
Chers frères et sœurs,
Aujourd’hui Jésus a fait un don exceptionnel à ses disciples et à
nous-mêmes. Un don merveilleux. Saint Matthieu est très précis : il dit
que Jésus est monté sur la montagne, il s’est assis et s’est mis à enseigner.
Tous les détails comptent. Cela veut dire que Jésus est le Maître qui donne son
enseignement avec autorité. Plus encore, il est Dieu qui parle, comme il
parlait à Moïse au Mont Sinaï. Son enseignement est donc comme les tables de la
Loi nouvelle. Ici il ne s’agit pas d’interdits, de panneaux d’avertissement
pour ne pas s’égarer sur les sentiers du mal, mais de bénédictions. Pas
n’importe lesquelles. Nous pouvons les lire de trois manières.
La première est qu’à chaque béatitude, Jésus nous dévoile un trait
de sa personnalité, de la personnalité de Dieu. Il est le pauvre de cœur, il
est celui qui pleure, il est celui qui est doux, celui qui a faim et soif de
justice. Il est celui qui est miséricordieux, qui a un cœur pur, qui est
artisan de paix, qui sera persécuté, insulté et calomnié. Mais il est aussi
celui qui est déjà dans l’allégresse car sa récompense est grande dans les
cieux. Sa récompense, c’est la résurrection : la gloire de Dieu, l’amour
de Dieu, la vie de Dieu lui-même. Vous vous demandez comment était Jésus ?
Vous vous demandez qui est Dieu ? Relisez et méditez les Béatitudes :
c’est lui.
La seconde manière de lire les Béatitudes, c’est de les comprendre
dans leur vrai sens. Je ne peux pas les commenter toutes ici, mais seulement
les deux premières. Je vais essayer de vous y faire entrer.
« Heureux les pauvres de cœur ». Il faut lire le
mot « Heureux » dans son sens le plus fort :
« Bienheureux », c’est-à-dire « Saint », toujours avec
cette notion de joie, de profonde allégresse. Exactement comme l’ange a dit à Marie :
« Réjouis-toi, comblée de grâce ». Sont Bienheureux les pauvres
de cœur. C’est une expression presque incompréhensible en français. En
Araméen, le pauvre-de-cœur, c’est quelqu’un qui est inoffensif comme un agneau.
En lui, il n’y a pas une seule idée du mal, tellement il est bon. Il n’a pas de
méchanceté, ni d’irritation, ni de jalousie. Au contraire, il est humble, doux,
toujours positif. Le pauvre-de-cœur n’inspire pas du tout la pitié, mais
l’amour. C’est un saint sur la terre, un agneau, un ange du ciel. « Heureux-Bienheureux
les pauvres-de-cœur, car le Royaume des Cieux est à eux ».
Ensuite Jésus dit : « Heureux ceux qui pleurent, car
ils seront consolés ». Nous pouvons comprendre sa parole au sens
premier : nous pensons à ceux qui sont tristes, à ceux qui sont en deuil :
ils seront consolés. Mais nous devons aussi penser à Jésus qui pleure sur les
habitants de Jérusalem, parce qu’ils ne l’ont pas reconnu comme leur Sauveur.
« Heureux ceux qui pleurent » s’adresse à ceux qui s’affligent
de ce que Dieu n’est pas reconnu, ni aimé, et qui pleurent sur le mal qui est
commis dans le monde. Ceux qui pleurent sont les pauvres-de-cœur qui sont
tellement sensibles qu’ils pleurent sur la tristesse de ceux qui n’ont pas la
foi et sur les péchés de ceux qui font le mal. Alors ils prient, ils pleurent,
et donnent leur vie pour eux, comme Jésus a donné la sienne sur la croix pour
sauver le monde. Jésus annonce qu’ils seront consolés. Car la prière est
puissante et toute prière présentée dans les larmes atteint son but. Elle est
exaucée à l’heure de Dieu. « Heureux ceux qui pleurent, ils seront
consolés ».
Je m’arrête ici dans mon explication des Béatitudes, pour passer à
la troisième manière de les lire et conclure.
Nous avons compris que l’ensemble des Béatitudes décrivent la
personnalité de Jésus et nous disent qui est Dieu. Mais Jésus nous enseigne
aussi que si nous correspondons un peu à l’une de ces Béatitudes, nous
bénéficierons aussi de la promesse qui y est attachée. Cela veut dire que si je
suis, par exemple, quelqu’un qui pleure, et que je pleure avec Jésus et comme
Jésus, alors je participerai à sa consolation, à la joie divine qui est la
sienne. Je serai vraiment Bienheureux.
Mais en fait, je suis Bienheureux déjà depuis mon baptême. Lors de
mon baptême, en m’appelant par mon nom, Jésus m’a donné une part à ses
Béatitudes : c’est ma vocation. Tous les baptisés ont une vocation, qui
est une part des Béatitudes.
A partir de là, les choses sont très simples : plus nous
sommes nombreux à être baptisés, plus nous cumulons de parts de Béatitudes, et
plus notre rassemblement fait apparaitre le visage de Jésus. C’est de cela dont
parle saint Jean dans son Apocalypse : ceux qui sont marqués du sceau, qui
portent le vêtement blanc et qui se réunissent autour de l’Agneau de Dieu, du
véritable Pauvre-de-cœur, c’est-à-dire de Jésus, ce sont les baptisés.
C’est pour cela que nous nous réunissons chaque dimanche. Parce que
la messe est une participation à l’assemblée des saints, un avant-goût du Ciel,
où tous ceux qui aiment Dieu, tous les Bienheureux, sont réunis autour de l’Agneau
de Dieu, qui nous donne sa vie, sa joie, dans sa communion d’amour qui est
éternelle. Amen.