Dt 6,2-6 ;
Ps 17 ; Hb 7,23-28 ; Mc 12,28b-34
Chers frères et sœurs,
Le dialogue entre Jésus et le scribe est rempli d’enseignements
pour nous. Voyons lesquels.
En premier lieu, le scribe s’approche de Jésus et lui fait réciter
son catéchisme. Il lui demande quel est le premier commandement. Ce
commandement est absolument fondamental pour un Juif. D’une part, parce qu’il a
été donné par Dieu à Moïse sur la montagne du Sinaï, et d’autre part, parce
qu’il est la charte de fondation du peuple d’Israël, du peuple de Dieu. Pour
faire court : « si vous vivez selon ce commandement, vous serez un
peuple béni, si vous y renoncez, vous disparaîtrez de la surface de la terre ».
Connaître ce commandement et y obéir, pour un juif, c’est absolument vital.
Mais c’est vrai pour nous aussi, comme nous allons le voir.
Jésus répond au scribe. Bien sûr, il est d’accord avec lui sur le
premier commandement : « Ecoute Israël, le Seigneur notre Dieu est
l’unique Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute
ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force ». Mais Jésus a
apporté une modification. Il a ajouté « de tout ton esprit ».
D’ailleurs, quand le scribe va reformuler la réponse de Jésus, il va lui-même
modifier la formulation initiale. Dans le commandement de départ on a :
« corps, âme, force » ; pour Jésus on a « corps, âme,
esprit, force » et pour le scribe à la fin on a « corps, intelligence
et force ». Il ne faut pas trop tirer sur le sens des mots, car leur
traduction est compliquée.
Retenons juste deux choses. La première : que Jésus qui est
Dieu n’hésite pas à modifier la constitution fondamentale du Peuple d’Israël
donné par Dieu au Sinaï. En soi, c’est déjà une révolution. La deuxième chose,
est que Jésus ajoute une dimension à la définition de l’homme. Celui-ci n’est
pas seulement corps, âme et force, il est aussi esprit. C’est aussi une
révolution. Jésus révèle au scribe – et à nous – que nous avons la capacité
d’être en communion avec Dieu par l’Esprit. C’est comme si tout à coup, nous n’étions
plus des étrangers, mais des fils d’un même Père. Nous ne sommes plus bannis du
ciel, mais le ciel est notre maison, dès maintenant, si nous écoutons la Loi du
Seigneur.
Le scribe est perturbé. Dans sa réponse, il reprend la conception
traditionnelle de l’homme en trois dimensions, mais il essaye de reformuler la
deuxième pour y faire entrer la nouvelle dimension dont lui parle Jésus. Il a
compris.
Ensuite, Jésus ajoute au premier commandement, un second qui lui
est semblable : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ».
Hé bien oui, c’est logique. Si par l’esprit nous sommes tous fils d’un même
père, alors tout homme devient par conséquent mon frère. La réconciliation avec
Dieu a pour conséquence, et critère de vérification, la réconciliation avec son
prochain. Il n’y a pas de communion avec Dieu s’il n’y a pas non plus en même
temps communion avec le prochain.
Pour nous qui sommes chrétiens, nous comprenons que la Loi nouvelle
donnée aujourd’hui par Jésus n’efface pas la Loi donnée à Moïse, mais elle la
dépasse en l’approfondissant. Cependant l’avertissement demeure le même. Le
commandement donné à Israël est devenu le commandement des nations chrétiennes,
avec les mêmes obligations et conséquences. Si les nations chrétiennes vivent
du commandement du Seigneur elles seront bénies, si elles s’en affranchissent,
elles disparaîtront.
Je termine par une dernière remarque. En faisant sa réponse le
scribe ajoute qu’obéir au commandement de l’amour de Dieu et du prochain
« vaut mieux que toute offrande d’holocauste et de sacrifices ».
En effet, le scribe a parfaitement compris que – si nous sommes entrés en
communion avec Dieu par l’Esprit, alors il n’est plus besoin des sacrifices du
Temple. Et l’Épître aux Hébreux nous a expliqué pourquoi : parce que Jésus
est devenu le seul grand prêtre qui intercède éternellement pour nous auprès du
Père : c’est par lui, avec lui et en lui, par son Esprit, que nous sommes
en communion avec le Père.
Alors, à qui servent l’évêque et les prêtres dans
l’Église ? A la demande de Jésus de faire mémoire de lui, en refaisant ses
gestes et en redisant ses paroles, l’évêque se donne tout entier – corps, âme,
esprit, force – pour qu’à travers lui, Jésus soit présent pour nous. L’évêque
n’est grand prêtre que parce qu’il représente Jésus pour nous aujourd’hui. Et
les prêtres ne sont que des clones de l’évêque, des délégués, pour que Jésus se
rende proche des fidèles dans les lieux éloignés.
Ainsi donc, tout se tient. La quatrième dimension humaine dévoilée
par Jésus est celle de la possible communion avec Dieu par l’Esprit, qui nous fait
tous frères et sœurs. Jésus lui-même rend cette communion possible par son
office de grand prêtre éternel. Il n’est donc plus besoin de prêtre du temple
pour intercéder à sa place mais seulement de prêtres qui font ce que fait Jésus
pour le rendre présent en tous lieux et à tout âge.