Is
9,1-6 ; Ps 95 ; Tt 2,11-14 ; Lc 2,1-14.15-20
Chers frères et sœurs,
Le récit que nous
avons entendu est-il une histoire vraie ? Si je crois que ces événements
se sont réellement passés, alors d’où saint Luc tient-il ses
informations ? En effet, nous savons que Luc est un compagnon de voyage de
saint Paul et il est certain – à cause des petites erreurs qu’il fait sur certaines
caractéristiques du pays – qu’il n’était pas palestinien et qu’il n’a jamais
rencontré Jésus lors de son séjour sur la terre. Saint Luc a pu tenir ses
informations de quelques disciples de Jésus et des Apôtres, bien sûr. Il
connaissait certainement saint Pierre et saint Jean l’évangéliste. Mais pour
savoir ce qu’il s’est passé cette nuit-là particulièrement, à Bethléem, il n’y
a que deux solutions. Soit il a rencontré l’un des bergers (et encore…), soit directement
la Vierge Marie.
Saint Luc a écrit ceci : « Et tous ceux qui entendirent s’étonnaient de
ce que leur racontaient les bergers. Marie, cependant, retenait tous ces
événements et les méditait dans son cœur. Les bergers repartirent ; ils
glorifiaient et louaient Dieu ». Saint Luc a inséré une phrase sur
Marie alors qu’il parlait des bergers. Il l’a fait exprès pour attirer notre
attention et pour nous dévoiler discrètement la source de ses informations. Il
faut donc lire cet évangile comme si c’était Marie elle-même qui nous le
racontait. Et évidemment, elle était la première concernée.
Marie et Joseph sont tous les deux des
descendants de David, dont Jessé, le père, habitait Bethléem. Bethléem est le
village d’origine de leur famille, de leur clan. Mais, après l’exil à Babylone,
et au moment où il était possible de revenir au pays, le petit reste des descendants
s’est réparti en deux villages : un premier village situé à l’est de la
mer de Galilée appelé Khoshaba (« étoile »), qui a disparu, et un
second village que nous connaissons bien, appelé Nazareth (« petit surgeon »).
C’est là que vivaient Marie et Joseph, là que Joseph sera enterré.
Mais pour le recensement, ils devaient
revenir au village de leurs origines, c’est-à-dire Bethléem. On peut penser
qu’ils se sont déplacés à plusieurs de Nazareth pour aller à Bethléem et c’est
pourquoi il n’y avait pas beaucoup de place dans la salle commune. Or Marie
avait besoin d’accoucher au calme.
Rejoignons les bergers. En les voyant, nous
pouvons penser au jeune David, qui, avant d’être roi, gardait les brebis du
troupeau de son père, dans les collines de Bethléem. Lui aussi était berger.
Souvent il a dû regarder les étoiles, la nuit, comme les bergers de l’évangile
ses très lointains successeurs. Mais voilà que l’Ange du Seigneur leur apparait
et les voilà enveloppés dans la lumière.
La lumière… la même lumière que vit Moïse au
buisson ardent, la même lumière qui enveloppa Pierre, Jacques et Jean à la
Transfiguration, la même lumière que la résurrection. La religion chrétienne,
s’il fallait la qualifier ne serait certainement pas la religion du livre, mais
la religion de la lumière. Ce sont les musulmans qui disent de nous que nous
sommes des gens du livre, mais les chinois appelaient le christianisme la
religion de la lumière et ils avaient raison.
Alors voilà les bergers enveloppés dans la
lumière de l’Ange : « Aujourd’hui,
dans la ville de David, vous est né un sauveur qui est le Christ, le Seigneur.
Et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né
emmailloté et couché dans une mangeoire ». La version syriaque
dit : « enveloppé dans les
langes et posé dans une mangeoire ».
Chers frères et sœurs, ici il faut s’arrêter.
Saint Luc, avec cette histoire de langes, est en train d’attirer de nouveau notre
attention. La dernière fois que Jésus sera emmailloté et couché, ce sera lors
de sa mise au tombeau. Et là, les anges préviendront qu’il n’est plus là parce
qu’il est ressuscité. Les bergers vont venir voir Jésus à la grotte de Bethléem
comme les Apôtres sont venus chercher Jésus au tombeau de Jérusalem.
L’événement de la naissance de Jésus annonce déjà celui de sa résurrection. La
naissance de Dieu en petit homme sur la terre annonce déjà la nouvelle
naissance de tous les hommes, dans la lumière de Dieu, au ciel. Naissance
contre nouvelle naissance, en quelque sorte, c’est le même passage et c’est
pourquoi, aussi bien à la naissance de Jésus qu’à sa résurrection, il y a les langes
et les anges de Dieu.
Après avoir vu le Fils de la promesse, celui
qu’annonçait Isaïe et tous les prophètes, Jésus le Messie, le Sauveur, Emmanuel,
Dieu-avec-nous, les bergers s’en vont en glorifiant et en louant Dieu,
exactement comme les Apôtres, après la résurrection, s’en s’ont allés jusqu’au
bout du monde pour annoncer l’Evangile et glorifier Dieu. En quelque sorte, les
Apôtres, ce sont des bergers. Et d’ailleurs, leurs successeurs, les évêques
portent une étole sur les épaules comme un bon berger porte sa brebis fatiguée
et ils ont en main une crosse qui est un bâton de berger. Et nous, baptisés,
nous sommes… les brebis du troupeau !
Chers frères et sœurs, à chaque messe nous
entrons à notre tour dans cette histoire de Noël. Soyez attentifs et regardez
bien : sur l’autel je vais ouvrir un linge et dessus sera posée l’hostie,
le corps du Christ. L’autel, cette nuit comme à chaque messe, sera la crèche :
les bougies représentent les anges et la lumière de Dieu, et nous, nous sommes les
bergers ou les mages. Et nous venons adorer Jésus qui est toujours, toujours, à
chaque messe, Emmanuel, Dieu avec nous.