Is
7,10-16 ; Ps 23 ; Rm 1,1-7 ; Mt 1,18-24
Chers
frères et sœurs,
A votre avis, dans quel état d’esprit était
Joseph au moment d’accueillir Marie chez lui ? Si vous pensez que, Joseph
le juste s’est sacrifié en obéissant à la parole de l’Ange, et donc qu’il a
accueilli sa femme dans un esprit d’abnégation, de soumission, vous vous
trompez lourdement. Tel n’était pas l’esprit de saint Joseph. Pour comprendre,
il faut relire attentivement ce que nous dit saint Matthieu.
D’abord considérons qui est saint Joseph.
Joseph appartient au clan des Nazoréens, c’est-à-dire des descendants du roi
David. Exilés à Babylone, une partie d’entre eux était revenue, il y avait déjà
une bonne centaine d’années, pour fonder le village de Nazareth.
Les Nazoréens étaient des paysans, des
artisans, sans grande fortune personnelle. Mais ils avaient conscience de leur
identité royale et des prophéties messianiques qui les concernaient. C’est
pourquoi juste avant le passage de l’Evangile que nous avons entendu, saint Matthieu
a déroulé toute la généalogie de Joseph : quatorze générations d’Abraham à
David, quatorze de David à l’exil à Babylone, et quatorze de l’exil à Babylone
jusqu’à Jésus.
C’est ainsi que – pour protéger absolument
cette filiation royale – Joseph le Nazoréen ne pouvait épouser qu’une femme descendante,
elle aussi, de David, ce qui était le cas de Marie.
Justement le mariage avait été bien arrangé
et Joseph attendait la venue de sa fiancée. Mais voilà qu’il apprend – dit
saint Matthieu – qu’elle est enceinte par l’action de l’Esprit Saint. Il faut
bien considérer cette affirmation : Joseph est mis au courant de ce qui
s’est passé à l’Annonciation ; il le comprend et il le croit.
C’est la raison pour laquelle, d’une part, il
s’interdit de prendre Marie pour épouse puisqu’elle est devenue sacrée en
quelque sorte – c’est pourquoi Matthieu précise qu’il était juste ; et,
d’autre part, Joseph ne veut pas répudier Marie publiquement, parce que ce
serait prendre le risque de faire porter sur elle des soupçons de violence ou
d’adultère, qui entraîneraient dans ce dernier cas, la mort de Marie par
lapidation. C’est ce qu’il fallait à tout prix éviter étant donnée la dignité
de l’enfant qu’elle portait déjà en elle.
Joseph est donc coincé entre deux
impossibilités : il ne peut pas prendre Marie chez lui, puisqu’elle est
devenue comme l’épouse du Saint Esprit ; et il ne peut pas non plus la
répudier publiquement puisque cela salirait son honneur et lui ferait prendre
un risque pour sa vie et pour celle de l’enfant. Joseph trouve alors une
solution humaine tout aussi raisonnable qu’alambiquée : répudier
Marie en secret, laissant ainsi la Mère de Dieu devant le mystère de sa
destinée, dans les seules mains de Dieu.
C’est alors que l’ange du Seigneur intervient
auprès de Joseph. Ce titre d’ « Ange du Seigneur » est une
manière de dire que c’est le Seigneur lui-même qui s’adresse à lui. La formule
est particulière : « il lui apparut en songe », pour montrer que
cette intervention n’est pas de l’ordre physique habituel ni non plus d’un
rêve. Le songe est une torpeur particulière, un effet de l’Esprit Saint, qui
permet à Dieu de se faire connaître et de parler directement à un homme.
Et voilà que d’emblée l’ange tranche dans le
dilemme de Joseph : « Ne craint
pas de prendre chez toi Marie, ton épouse ». La réponse est directe et
sans aucune ambiguïté. Pour Joseph, c’est une libération et une joie
immense : il n’osait pas, il s’interdisait, de recueillir chez lui la Mère
de Dieu, et voilà que Dieu lui-même lui en donnait l’ordre.
Comme un bonheur n’arrive jamais seul, l’Ange
lui dévoile le nom de l’enfant, et l’accomplissement de la prophétie
d’Isaïe : Marie est bien cette Vierge attendue depuis des siècles par les
Nazoréens et tout Israël, Vierge bienheureuse qui concevra et enfantera un fils
auquel on donnera le nom d’Emmanuel – en Hébreu – qui signifie :
« Dieu-avec-nous ».
C’est donc dans une immense joie et avec une
gravité profonde, en raison de la responsabilité que le Seigneur lui confie,
que Joseph va accueillir Marie dans sa maison.
Réjouissons-nous avec Marie et Joseph, chers
frères et sœurs, car la grâce de Dieu ce jour-là, a fait au moins deux heureux,
comme il le fait en tous temps pour ceux qui l’aiment et ont foi en lui. Amen.