Is 61,1-3a ; Ps 88 ; Mt
25,31-40
Chers frères et sœurs, chers amis,
Le
village de Vellexon peut se réjouir d’avoir pour patron saint Martin. Tous ont
en mémoire le geste fameux, où, se trouvant devant un pauvre homme grelottant
de froid, le saint découpa son manteau militaire en deux pour lui en donner la
moitié. Ceux qui le connaissent mieux pour avoir lu sa vie, savent qu’évêque,
il avait refusé un trône comme siège épiscopal, pour lui préférer un modeste
tabouret. Il est clair que son rayonnement a été celui de la charité envers
tous, dans la plus grande humilité.
Pour
autant, il ne faut pas confondre les effets avec leur cause. Pourquoi une telle
vertu, une telle charité ? Au point que tous les peuples de la gaule
romaine, ainsi que les peuples barbares, burgondes, wisigoths et francs qui
l’avaient envahie, l’ont adopté d’un seul cœur comme saint Patron, Patron de
leur nouveau pays, unifié par Clovis, c’est-à-dire la France nouvellement
baptisée ? Pourquoi un tel rayonnement de saint Martin ?
« L’amour du Seigneur, sans fin je le chante »
dit le Psaume. La vie de saint Martin a été comme un éclatant chant de louange,
de remerciement à Dieu, pour la grâce immense que Dieu lui avait faite en le
faisant chrétien. Cet amour de Dieu reçu en son cœur, consacré par le baptême, a
été un talent que le jeune Martin jusqu’à ses vieux jours n’a cessé de faire
fructifier, nous faisant tous profiter de sa richesse, jusqu’à aujourd’hui.
Chers
frères et sœurs, quel était donc le secret de saint Martin, pour avoir à ce
point déployé ce don que Dieu lui avait fait dans sa jeunesse ? Tout
simplement, il était soldat ; soldat de l’armée romaine. Mon affirmation
ne devrait pas vous étonner, surtout ceux qui parmi nous sont, ou ont été, militaires.
En
effet, le devoir d’obéissance à son chef, jusqu’au don de sa vie, fait la
puissance d’une armée, en démultipliant sa capacité tactique, entraînant par là,
souvent, la différence au combat. Chez les romains, ce devoir d’obéissance était
une vertu, vertu qui faisait que le soldat confiait sa vie à son général et
qu’en retour le général assurait à ses hommes que son commandement les mènerait
tous à la victoire. Or cette vertu a un nom : on l’appelait en latin la
« fides ». En
français : la foi.
Jésus
ne s’y est pas trompé lorsqu’il a rencontré le centurion romain : après
que le militaire l’ait prié de donner un ordre pour guérir son esclave malade,
en étant assuré que les éléments lui obéiraient à l’image des soldats obéissant
à leur chef, Jésus lui répondit : « Je n’ai jamais vu une telle foi en Israël ».
Voilà
le secret de saint Martin : la foi en Jésus. Soldat du Christ, il
obéissait entièrement, jusqu’au don de tout lui-même, de toute sa vie, à son
général, le Seigneur son Dieu. Et de même qu’en 22 ans de carrière militaire
jamais il n’avait été pris en défaut d’un quelconque manquement, jamais depuis le
commencement de son humble vie d’ermite jusqu’à sa mort dans celle d’évêque, il
n’a été pris en défaut d’une quelconque désobéissance à la volonté de Dieu. Et
Dieu a fait, par lui, des merveilles, tout en le conduisant à la victoire des bienheureux.
Que
cela nous fasse réfléchir. L’unité de tout un royaume, composé de peuples
différents, s’est faite durant les siècles, à partir de la figure d’un homme
dont l’unique objet dans sa vie a été de vouloir obéir, toujours et partout, aux
commandements du Seigneur : « Tu
aimeras le Seigneur ton Dieu, de toute ton âme, de tout ton cœur et de tout ton
esprit, et ton prochain comme toi-même ». Voilà ce qui constitue donc le
cœur et la vitalité d’une des plus puissantes racines chrétienne de la France.
Elle fait de nous tous des frères et sœurs d’un même Père, égaux dans la
charité, et libres dans la paix. Amen.