Sg 9,13-18 ; Ps 89 ; Ph
9b-10.12-17 ; Lc 14,25-33
Chers
frères et sœurs,
Jésus se retourne et s’adresse aux gens qui
se pressent autour de lui. D’où viennent-ils ? Pourquoi sont-ils là ?
Ce sont les habitants de Galilée, qui ont entendu la Parole de Dieu dans la
bouche et les actes de Jésus : elle les fascine. Ils l’ont vu réconcilier
des pécheurs, chasser des esprits mauvais et guérir des malades. Ils l’ont vu
encore produire quantités de pains et de poissons. Bref, Jésus est comme une
corne d’abondance, et on comprend qu’ils ne veulent pas le lâcher.
Mais Jésus se rend à Jérusalem. Il marche
vers la Croix. C’est pourquoi il met en garde la foule : il faut quitter
sa famille, quitter ses biens et prendre sa croix pour le suivre jusqu’au bout.
Jésus ne parle pas ici seulement pour ceux qui deviendraient par la suite des
moines ou des religieux, mais il parle pour tous les chrétiens. Tous, nous
avons à quitter notre famille, nos biens et à prendre notre croix, et
d’ailleurs, n’est-ce pas ce que nous vivons très concrètement et très
simplement au grand âge ? Les religieux ne font qu’anticiper ce qui est le
chemin de tous, le chemin qui, par la croix avec Jésus, mène au Royaume des
cieux.
Les histoires de la tour et du roi sont curieuses.
Elles donnent l’impression, qu’il faut réfléchir avant de se lancer dans une
œuvre ou dans un combat, comme si Dieu n’existait pas…, comme si, la suite de
Jésus ne dépendait que d’une volonté personnelle raisonnable. En toute rigueur,
personne ne suivrait Jésus s’il se mettait à réfléchir humainement seulement.
Est-ce que saint Paul avait fait les plans de ses missions avant de s’y
lancer ? Est-ce que Mère Térésa avait fait les statuts de sa congrégation
lorsqu’elle est partie, seule avec sa valise, dans son premier
bidonville ? Non. Ils ne savaient pas de quoi demain était fait. Ils ne
savaient pas ce qu’ils deviendraient. Mais ils ne sont pas non plus partis sans
s’asseoir. Alors que veut dire « s’asseoir » ?
Suivre Jésus, être en capacité de marcher
avec lui jusqu’à Jérusalem, c’est d’abord être appelé par lui. Ce n’est pas
l’homme qui est à l’origine de sa vocation, mais c’est Dieu. Et si Jésus appelle,
alors il donne la grâce d’avoir la force pour marcher avec lui sur son chemin,
quel qu’il soit, où qu’il aille. Ainsi, ce qui a motivé saint Paul pour
évangéliser, c’est sa rencontre avec Jésus sur le chemin de Damas. Ce qui a
motivé l’engagement de Mère Térésa pour les pauvres, c’est cet appel, dans le
train pour Darjeeling, où elle avait entendu intérieurement le cri de Jésus en
Croix : « J’ai soif ».
Alors « s’asseoir », c’est prier,
c’est réfléchir avec l’Eglise, à l’appel que l’on a entendu de Jésus pour
pouvoir se lever et marcher avec lui jusqu’à Jérusalem. C’est ce qu’a fait saint
Paul : après qu’Ananie lui ait imposé les mains pour qu’il retrouve la vue,
il s’était retiré pendant trois ans dans le désert, puis il était allé voir les
Apôtres pour confirmer l’Evangile qu’il avait reçu. C’est ensuite, à l’appel de
Barnabé, qu’il avait commencé à évangéliser. Quant à Mère Térésa, la réflexion
a duré deux ans, avec ses supérieures et avec l’archevêque de Calcutta,
jusqu’au jour où elle s’est levée pour servir les pauvres qui avaient soif.
Suivre Jésus jusqu’à Jérusalem, ce n’est pas
seulement une question de mise en route. Il faut aussi marcher avec lui fidèlement
sur le chemin, tous les jours, sous le soleil et sous la pluie. Or la chair est
faible et les tentations de regarder en arrière sont fortes. Par la foi, on
maintient ses antennes spirituelles déployées pour capter la grâce que le
Seigneur donne chaque jour, on garde l’œil intérieur ouvert sur le visage de
Jésus et l’oreille sensible à sa parole. Sans cesse, on contemple en lui cette
lumière qui un jour nous a appelés. Alors, toujours tournés vers le Seigneur, nous
sommes réellement libres et disponibles : avec lui nous pouvons faire ce
qu’il attend de nous : bâtir une tour ou gagner une bataille.
Chers frères et sœurs, nous avons entendu
l’Evangile du Seigneur qui nous appelle. Nous nous sommes assis pour prier et réfléchir
à cet appel. Bientôt nous allons nous lever pour confesser notre foi et nous
allons répondre à notre vocation de baptisés en nous tournant vers le Seigneur,
et en lui permettant, à travers notre prière, de se rendre présent au milieu de
nous, aujourd’hui, dans ce monde, comme un rayon de soleil divin, pour que les
hommes aient la vie. Amen.