Gn
18,20-32 ; Ps 137 ; Col 2,12-14 ; Lc 11,1-13
Chers
frères et sœurs,
Il n’est pas difficile de comparer la ville
de Sodome à notre monde. C’est une ville où il se passe des abominations, où
les hommes se font violence ; une violence telle qu’une grande clameur
monte vers Dieu. Mais c’est aussi une ville où il y a des justes, on ne sait
pas combien, sauf qu’ils peuvent être un très petit nombre.
Abraham est en dehors de la ville et Dieu
discute avec lui de l’avenir de Sodome. Abraham est comme la communion des
saints qui intercèdent pour nous et nous protègent, nous qui vivons dans la
ville. Dieu n’a pas besoin de la prière d’Abraham pour faire justice, mais il
en a besoin pour faire miséricorde, pour accorder son pardon aux pécheurs.
C’est une première leçon pour nous : la
prière a pour effet de protéger, en permettant à Dieu de faire
miséricorde ; de la même manière que le « oui » de Marie a
permis au Verbe de Dieu de se faire chair pour nous sauver. Dieu a besoin de la
prière et du « oui » de l’homme pour sauver l’homme.
La négociation entre Dieu et Abraham s’étend
de 50 justes à 10 justes. Mais s’il ne s’en était trouvé que 9 ? La
logique de Dieu est évidemment qu’il aurait fait miséricorde à Sodome pour 9
justes. Et en fait, quand on pousse la logique jusqu’au bout, il ne suffirait
que d’un seul juste pour sauver toute la ville, pour sauver tous ses habitants.
En réalité, c’est bien ce qu’il s’est passé
avec Jésus : il suffit d’un seul homme juste pour sauver toute l’humanité,
pour que Dieu fasse miséricorde à tous les hommes. Car soyons honnêtes, qui est
juste parmi nous sinon Jésus seul ? Il y a des saints, oui, mais ils
furent aussi des pécheurs, et parfois même de très grands pécheurs.
Saint Paul nous le dit, dans sa lettre aux
Galates : « Dieu vous a donné
la vie avec le Christ : il nous a pardonné toutes nos fautes. Il a effacé
le billet de la dette qui nous accablait en raison des prescriptions légales
pesant sur nous : il l’a annulé en le clouant à la croix ».
Nous autres, chrétiens, nous savons donc deux
choses : d’une part que, par notre prière, Dieu fait miséricorde aux
hommes, et d’autre part, que la vraie prière qui obtient à tous les hommes la
miséricorde, c’est la mort et la résurrection de Jésus. Aussi bien, plus nous
nous situons dans la vie de Jésus, dans son mystère de Pâques, plus notre
prière est intense et efficace.
Jésus nous a appris à prier : il nous a
donné le « Notre Père ».
Vous avez remarqué que cette prière ne commence pas par « Mon Père, qui est
aux cieux », mais bien par « Notre
Père ». Cette prière n’est pas une prière de « moi-je » mais
une prière de l’Eglise, de la communion des saints ; plus encore :
une prière dite avec Jésus. Avec lui, nous nous adressons à « Notre Père ». Toutes les prières de
l’Eglise sont dites avec Jésus, par Jésus et en lui. Nous ne sommes jamais
seuls quand nous prions, mais nous prions avec tous et pour tous, avec Jésus.
Jésus nous apprend à demander à notre Père
son pardon, car nous pardonnons à ceux qui nous ont fait du tort. Cela parait
impossible. Cela n’est possible que si nous comprenons que cette parole est
celle que Jésus a dite sur la Croix : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font ».
La prière qui sauve les hommes et qui leur obtient le pardon et la vie, est une
prière dite avec Jésus sur la croix.
Vous avez remarqué que, dans l’exemple que
Jésus prend pour expliquer ce qu’est la prière, l’histoire se passe la nuit.
Jésus nous explique là que la prière qui obtient le pain se fait toujours de
nuit. Les chrétiens sont, dans le monde, ceux qui prient la nuit. La tradition
des anciens était que l’on priait toute la nuit en chantant des psaumes, des
hymnes, en écoutant les Ecritures, et le matin, au soleil levant, on célébrait
l’Eucharistie, parce que le retour de la lumière signifiait la résurrection et
l’accomplissement de la prière. Aujourd’hui encore, heureusement, de nombreux
moines vivent comme cela et ils continuent de prier Dieu dans la nuit.
Chers frères et sœurs, les chrétiens sont
l’espérance du monde : ils prient jusqu’au cœur de la nuit, n’ayant pas
peur de déranger le Seigneur, en étant crucifié avec lui sur la croix, pour
obtenir avec lui la joyeuse lumière de la résurrection et la douce paix de la
miséricorde. C’est-à-dire la grâce, les dons de l’Esprit Saint, la vie même de
Dieu, pour tous les hommes. Amen.