dimanche 30 mars 2025

29-30 mars 2025 - RENAUCOURT - SEVEUX - 4ème dimanche de carême - Année C

 Jos 5, 9a.10-12 ; Ps 33 ; 2 Co 5, 17-21 ; Lc 15, 1-3.11-32
 
Chers frères et sœurs,
 
Nous sommes toujours touchés par la compassion du père pour son fils perdu, et nous regrettons l’attitude du frère aîné qui demeure dans l’incompréhension. En effet, la justice du père – qui est l’amour parfait – dépasse la justice des deux frères. Celle du premier, qui revient repentant en se condamnant lui-même au dernier rang, au rang d’esclave de la maisonnée. Et celle du second, qui ne comprend pas les gestes de son père, alors que lui-même n’a pas pu en bénéficier jusqu’alors. Mais la sagesse du Père dépasse la sagesse des hommes. La sagesse du père est son amour inconditionnel pour ses fils – les deux, inséparablement.
 
Il faut dire que ces gestes ont de quoi surprendre le fils aîné. Et en effet, la parabole de Jésus est assez provocante pour qui veut bien comprendre à qui il parle et de quoi il parle réellement.
Voyons ce qui concerne la bague. Une simple recherche dans toute la Bible nous montre qu’il n’est jamais question de bague, sauf dans la parabole et la Lettre de Jacques, où celui-ci oppose un homme au vêtement rutilant, portant une bague en or, et un pauvre au vêtement sale. Ici, la bague est signe de richesse. Mais cela ne nous aide pas beaucoup à comprendre.
En réalité, dans les versions anciennes de l’Évangile de Luc, il ne s’agit pas d’une bague, mais d’un anneau. Le père passe donc un anneau au doigt de son fils cadet. D’anneau, il n’est jamais question dans le Nouveau Testament (sauf dans la parabole) mais seulement dans l’Ancien Testament, et c’est toujours pour désigner quelqu’un qui possède le pouvoir, le pouvoir royal. Citons donc ce passage de la Genèse : 
« Alors, Pharaon dit à Joseph : « Dès lors que Dieu t’a fait connaître tout cela, personne ne peut être aussi intelligent et aussi sage que toi. C’est toi qui auras autorité sur ma maison ; tout mon peuple se soumettra à tes ordres ; par le trône seulement, je serai plus grand que toi. » Pharaon dit à Joseph : « Vois ! Je t’établis sur tout le pays d’Égypte. » Il ôta l’anneau de son doigt et le passa au doigt de Joseph ; il le revêtit d’habits de lin fin et lui mit autour du cou le collier d’or. Il le fit monter sur son deuxième char et on criait devant lui : « À genoux ! » Et ainsi il l’établit sur tout le pays d’Égypte. »
Voilà qui est intéressant, car Joseph était justement objet de la jalousie de ses frères aînés. N’avait-il pas reçu une tunique de grand prix de la part de son père Jacob, ce qui faisait murmurer ses frères ? Ainsi, en arrière-fond de la parabole de Jésus, il y a vraisemblablement l’histoire de Joseph. Remarquez qu’au moment où il parle, Jésus s’adresse à des publicains et des pécheurs, tandis que les pharisiens et les scribes murmuraient contre lui en disant : « Cet homme fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux ! » On croirait entendre le fils aîné...
Alors que dit Jésus, en réalité ? Il dit aux publicains et aux pécheurs : « soyez comme le fils prodigue, rentrez en vous-mêmes et convertissez-vous, et revenez au Père. Alors le Père, qui vous attend, vous recevra comme Jacob aimait Joseph, en le revêtant de la plus belle tunique, et comme Pharaon a partagé son pouvoir avec lui, en lui passant l’anneau royal au doigt. Et il sacrifiera le veau gras pour un repas de fête. Vous serez donc fils de Dieu et vous partagerez sa royauté ; vous goûterez sa communion, dans la joie. » On comprend la stupeur des scribes et des pharisiens, qui réagissent comme des frères aînés. Dieu ne leur retire rien, mais ils ont l’impression d’être dépossédés, tellement les publicains et les pécheurs repentants, comme le fils cadet ou Joseph, sont comblés de bénédictions. Mais encore une fois, l’amour du père est le même pour ses deux fils, inséparablement.
 
J’attire votre attention pour finir, sur les rites du baptême. Un chrétien est baptisé dans l’eau, plongé dans la mort et avant d’être relevé dans la vie nouvelle, de la même manière que le fils cadet s’était perdu dans la soue à cochons, avant de remonter à la maison du père. Et là, à la maison, le baptisé a reçu un vêtement blanc, le saint chrême et la lumière provenant du Cierge pascal, pour veiller dans l’attente de la venue du Seigneur. Le vêtement blanc, voilà la tunique de grand prix, le plus beau vêtement. Le saint Chrême, c’est le signe de l’Esprit qui fait du baptisé un fils, le purifiant de la racine de tout péché, en établissant entre Dieu et lui une alliance nouvelle : c’est l’anneau, ou la bague. Le don de l’Esprit, c’est également le partage de la sagesse de Dieu, le véritable pouvoir du Royaume des cieux. Enfin, le baptisé n’a pas reçu des sandales, mais un cierge pour veiller. En réalité, les deux signes se rejoignent. Dans les Actes des Apôtres, nous lisons cet ordre donné par l’Ange du Seigneur à Pierre : « Mets ta ceinture et chausse tes sandales. » Ce que fit Pierre. L’ange ajouta : « Enveloppe-toi de ton manteau et suis-moi. » Si donc, le père donne des sandales à son fils, c’est pour qu’il marche, qu’il marche à sa suite. C’est ce que font les baptisés : en sandales, ils marchent à la suite du Christ, tout en attendant son retour, avec un cierge allumé à la main. Pensez à une procession : marcher avec un cierge à la main, c’est une attitude typiquement chrétienne.
Alors, chers frères et sœurs, si par le baptême nous avons reçu les mêmes dons que le patriarche Joseph ou le que fils prodigue, alors nous sommes devenus fils de Dieu, héritiers du Royaume et nous partageons la gloire de notre Père qui est aux Cieux. Alors, c’est que le temps du repas des noces de l’Agneau, et de la joie, est venu.
 

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