dimanche 9 février 2025

09 février 2025 - GRAY - 5ème dimanche TO - Année C

Is 6, 1-2a.3-8 ; Ps 137 ; 1Co 15, 1-11 ; Lc 5,1-11
 
Chers frères et sœurs,
 
Après avoir été baptisé au Jourdain, où l’Esprit de Dieu s’est manifesté sur lui, et après avoir vaincu le démon tentateur au désert par sa sainteté, peu après que Jean le Baptiste ait été martyrisé, Jésus s’est mis à annoncer et à manifester, par des exorcismes et des guérisons, la venue du Règne de Dieu. C’est ainsi que des foules nombreuses se sont attachées à lui. Un peu comme Moïse au désert – accablé par la tâche du gouvernement du peuple – s’est organisé et donné des adjoints pour juger des affaires mineures, Jésus a manifestement voulu se donner, non seulement des disciples privilégiés, mais surtout des prédicateurs du Règne de Dieu comme lui : « Désormais, ce sont des hommes que tu prendras » dit-il à Simon-Pierre. Tel est l’objectif.

Les événements qui suivent nous montrent qu’on ne devient pas prédicateur du Règne de Dieu, apôtre ou prophète, par simple déclaration administrative, par élection démocratique, ni même par reconnaissance d’une vocation autoproclamée. Ni Pierre, ni Jacques, ni Jean, les fils de Zébédée, n’ont jamais rien demandé : ils n’ont fait que suivre les indications de Jésus.
 
C’est ainsi que Jésus commence par demander, très simplement, un service. Pierre y répond docilement : prêter son bateau pour que Jésus puisse s’en servir de podium, ne prête pas à grande conséquence. Au début donc, entre Jésus et Pierre, le service, la disponibilité, toute simple.
Puis Jésus propose à Pierre comme un défi, qui lui paraît presque absurde : avancer en eau profonde, pour y aller pêcher… alors qu’ils ont pêché toute la nuit sans rien prendre. La docilité de Pierre prend ici la forme supérieure de l’acte de foi : « Maître, sur ta parole, je vais jeter les filets. » Ce que Pierre, Jacques et Jean ne savent pas, c’est qu’en réalité, ce sont eux les poissons !
En effet, la quantité de poissons prise dans les filets est telle qu’ils se déchirent. La traduction est inexacte. Il est dit : « leurs filets allaient se déchirer », mais en grec ou en syriaque, c’est très clair : les filets « se déchiraient », ils « craquaient ». Car rien dans la création ne peut contenir la grâce qui vient de Dieu. C’est comme les six jarres de vin à Cana : elles n’étaient pas pleines, elles débordaient. La grâce de Dieu est si abondante qu’elle déborde ; sa gloire n’est pas lumineuse, elle est éblouissante. On rejoint ici la vision d’Isaïe dans le Temple, que nous avons entendu en première lecture. Pierre, Jacques et Jean sont tellement bouleversés que même les bateaux eux-mêmes commencent à couler… C’est la panique !
Pierre fait la même expérience qu’Isaïe en présence de Dieu : devant la manifestation de la gloire de Dieu, l’homme ébloui, émerveillé, se reconnaît en même temps immanquablement profondément pécheur : il n’est pas à la hauteur, il n’est pas en adéquation avec la sainteté de Dieu. Il se sent indigne : « Éloigne-toi de moi, Seigneur… car je suis un homme pécheur. » C’est l’heure de vérité, mais c’est aussi l’heure de la sainteté.
Dieu appelle les pécheurs pour en faire des saints, comme il le fait pour Isaïe : « Ceci a touché tes lèvres, et maintenant ta faute est enlevée, ton péché est pardonné. » ; et pour Pierre : « Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras. »
 
Nous avons ici le secret de la vocation d’un prédicateur du Règne de Dieu, d’un prophète du Seigneur, d’un Apôtre. En fait, il n’a rien fait pour le devenir : il est simplement le bénéficiaire docile d’une grâce inouïe, où il a expérimenté de tout son cœur, de toute son âme et de tout son esprit l’amour du Seigneur, dont il devient témoin et débiteur. Témoin pour les autres : il devient prophète, ou apôtre. Mais aussi débiteur à l’égard du Seigneur : sa vie ne devient qu’Action de grâce.

Nous retrouvons ici les deux actes essentiels de l’Église pendant la messe : d’abord les lectures, où nous proclamons le témoignage ; puis l’eucharistie, où nous rendons grâce au Seigneur.
En fait, à la messe, nous faisons même plus, nous renouvelons le don de la grâce du Seigneur. En effet, les lectures sont comme l’enseignement donné par Jésus à la foule, au bord du lac. Puis, dans la prière eucharistique, nous partons en eau profonde – seuls les élus, les baptisés, y sont conviés. Et là, jetant le filet de l’offrande du pain et du vin, nous le remontons avec le Corps et le Sang de Jésus, par lesquels, à la communion, l’Esprit Saint nous est donné, débordant ce que nos sens ou nos intelligences peuvent en comprendre, dans ce grand mystère qu’est l’Eucharistie. Chaque messe est Cana, chaque messe est la pêche miraculeuse, dont nous sommes les témoins et les indignes débiteurs, appelés à la louange du Seigneur.

Je voudrais dire, pour terminer, qu’il y a désormais dans l’esprit de Pierre, Jacques et Jean, une certitude absolue – qui devient la pierre angulaire de leur foi : c’est que pour le Seigneur, avec le Seigneur, tout est possible. En son temps, de sa manière à lui, dans sa grande miséricorde pour les pécheurs, pour le Seigneur, avec le Seigneur, tout est possible. Que le Nom du Seigneur soit béni.

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