Is
60, 1-6 ; Ps 71 ; Ep 3, 2-3a.5-6 ; Mt 2, 1-12
Chers
frères et sœurs,
Au
temps du roi Hérode, tout Israël est plongé dans les ténèbres. Acclamé comme
roi de Judée par le Sénat Romain, alors qu’il n’est pas juif d’origine mais
simplement converti, Hérode, qui s’est imposé partout par la force, n’a cessé
de craindre pour la légitimité de son pouvoir. Ainsi a-t-il fait assassiner entre-autres
sa femme, son beau-frère, sa belle-mère, et trois de ses fils... Pour s’acheter
les bonnes grâces du peuple d’Israël, il a fait construire magnifiquement le
second Temple de Jérusalem, mais ayant évincé la hiérarchie sacerdotale traditionnelle
qui pouvait elle aussi contester sa légitimité, il l’a fait remplacer par une
hiérarchie à sa main, provenant d’Égypte ou de Babylone. Bref, le pouvoir
d’Hérode est très fragile : chez lui tout sonne faux et il en est d’autant
plus dangereux.
Or,
voilà que devant cet homme sanguinaire se présentent trois mages orientaux qui
lui annoncent être venus à Jérusalem pour adorer le roi des Juifs – le vrai –
qui venait de naître. Il fallait qu’ils soient vraiment sûrs d’eux ou
complètement inconscients, car la provocation politique est énorme ! S’ils
n’avaient pas la qualité de prêtres et de savants, et ne bénéficiaient pas
d’une sorte d’immunité, Hérode aurait dû au minimum les faire découper en
petits cubes. Mais le diable est intelligent : il a besoin d’eux pour
trouver l’enfant, le seul qui soit pour lui vraiment à faire disparaître. Nous
savons que les mages déjoueront heureusement ce piège et retourneront
directement dans leur pays, laissant Hérode massacrer les saints Innocents pour
tenter de faire périr Jésus.
Jusque-là,
chers frères et sœurs, il n’y a rien dans ce que je vous ai dit qui ne soit
parfaitement historique. Certains, même des prêtres, ne croient pas à cette
histoire des mages. Et pourtant, l’année de la naissance de Jésus, par trois
fois dans la constellation des Poissons, Jupiter et Saturne se sont croisés, et
ont indiqué aux mages zoroastriens – savants astrologues – qu’un grand Roi
était né en Israël. Mais en bons scientifiques, les mages avaient besoin d’une
seconde preuve, une seconde indication, pour confirmer la naissance du vrai
roi. Ils sont venus la chercher à Jérusalem, dans les Écritures sacrées des
Juifs. Et c’est bien là, selon le livre des Nombres, et celui des Psaumes,
confirmés par les prophéties de Michée et d’Isaïe, que les mages
obtiennent la précieuse information de la naissance de Jésus à Bethléem,
chef-lieu des tribus de Juda, la ville du Roi David. Les deux témoignages des
astres et des Écritures se rejoignent, se complètent, et confirment l’identité
royale de Jésus : Jésus est le vrai roi d’Israël. Politiquement, c’est la
mort d’Hérode.
Mais
saint Mathieu va beaucoup plus loin que d’établir la royauté de Jésus. En
effet, voilà que les mages entrent dans la maison, et, à la vue de l’enfant
avec sa mère, ils se prosternent devant lui et lui offrent de l’or, de l’encens
et de la myrrhe. Il faut traduire. Les mages, qui sont des prêtres du Dieu
Mardouk, entrent dans la maison comme dans le Temple. Là, se trouve l’arche
d’Alliance sur laquelle repose la Présence de Dieu, comme sur les genoux de sa
Mère repose l’Enfant Jésus – Emmanuel – Dieu avec nous. Là, les prêtres
accomplissent leur devoir sacerdotal : ils font l’offrande de l’or, de
l’encens et de la myrrhe, au Dieu qu’ils sont venus adorer. C’est bien ce
qu’ils font pour Jésus qui est roi, offrande de l’or ; qui est Dieu,
offrande de l’encens ; et qui comme prêtre et victime va donner sa vie sur
la croix pour le salut du monde, ils font aussi l’offrande de la myrrhe – pour
embaumer son corps de chair, tel le corps d’un roi. Jésus est le vrai Roi,
vraiment Dieu et vraiment homme. Voilà ce que signifie l’adoration des mages.
Une fois leur service terminé, les mages retournent chez eux avec – non
seulement une grande joie au cœur – mais aussi et surtout une paix immense à
annoncer à toute la terre. Car le démon Hérode, même s’il peut encore se
débattre – et il va le faire jusqu’au bout – en réalité est perdu : la
lumière du vrai Dieu s’est levée sur le monde, et il est roi de Paix.
Chers
frères et sœurs, la fête de l’Épiphanie n’est pas d’abord une invitation pour tous
les peuples de la terre à rejoindre le Christ dans une même adoration, mais elle
est d’abord la manifestation de Dieu – et c’est cela que signifie Épiphanie
– la manifestation de la lumière dans les ténèbres, selon les promesses
inscrites dans la création et dans les Écritures. Les hommes ne sont pas dignes
de cette manifestation ; beaucoup n’y croient pas ; beaucoup ne
l’attendent même pas. Mais c’est Dieu qui nous a aimés le premier. Et il s’est
trouvé deux parents, quelques bergers, trois rois mages pour le voir et le
croire, prémices de peuples nombreux. Heureux sont-ils, et nous avec eux.