dimanche 26 janvier 2025

25-26 janvier 2025 - VAUCONCOURT - CUGNEY - 3ème dimanche TO - Année C

Ne 8, 2-4a.5-6.8-10 ; Ps 18 ; 1 Co 12, 12-30 ; Lc 1, 1-4 ; 4, 14-21
 
Chers frères et sœurs,
 
Tout se tient. Commençons par Esdras. En 538 avant Jésus-Christ, il y a 2.500 ans, les Hébreux exilés à Babylone ont reçu de Cyrus, roi de Perse, ordre de revenir à Jérusalem, d’y vivre selon leur Loi – la Loi donnée par Dieu à Moïse – et d’y reconstruire le Temple du Seigneur. Lorsque Esdras prend la parole, depuis sa tribune de bois, il proclame donc la Loi en Hébreu, qu’il lit dans les rouleaux de la Torah. Chapitre après chapitre, des lévites assurent la traduction en araméen et expliquent le texte aux gens, pour qu’ils comprennent. Le rôle des lévites est très intéressant : il ont un rôle de prophètes. Les prophètes ne sont pas tant des gens qui font des prédictions, que des gens qui traduisent la Parole de Dieu et en donnent l’explication. C’est Dieu lui-même qui, par sa Parole, dit quelque chose de l’avenir.
 
Maintenant retrouvons Jésus, à la synagogue de Nazareth. Il se trouve dans le rôle d’Esdras, puisqu’on lui tend un livre de l’Écriture, pour qu’il en fasse la lecture. Normalement Jésus a fait cette lecture en Hébreu – ce qui signifie, par conséquent, qu’il savait lire, et même lire l’hébreu. Mais comme au temps d’Esdras, la plupart des gens parlaient l’araméen. Il fallait donc traduire et expliquer le texte. À la synagogue, encore aujourd’hui, c’est le rôle du targeman, du traducteur. Pour faciliter son travail, il existe des Targums de chaque livre biblique, c’est-à-dire des traductions plus ou moins officielles. Ceci explique pourquoi la citation d’Isaïe lue par Jésus que nous donne saint Luc ne correspond pas exactement au même passage du livre d’Isaïe en Hébreu : c’est manifestement une traduction en araméen, tirée d’un Targum d’Isaïe. Donc, après que Jésus ait lu Isaïe en Hébreu, soit lui-même, soit le targeman de la synagogue, l’ont traduit en araméen. Et Jésus a donné l’explication : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture, que vous venez d’entendre »
 
Passons ensuite à saint Luc qui rédige son évangile pour l’« excellent Théophile ». « Excellent » est un titre honorifique : Théophile est quelqu’un de très important. Alors que saint Luc a l’intention de « recueillir avec précision des informations » sur Jésus, il est impensable que Théophile ne soit pas un personnage réel. Le seul Théophile connu, qui puisse être qualifié d’« excellent » et qui mérite d’être mentionné comme tel dans un évangile, a été Grand Prêtre de 37 à 41. C’est un des fils du Grand Prêtre Hanne, beau-père de Caïphe. D’après certains exégètes, Théophile est aussi le grand père de Jeanne, femme de Chouza, intendant d’Hérode. Il n’y a que saint Luc qui parle de Jeanne dans son évangile ; manifestement, il l’a fait exprès. Pourquoi tout cela est-il important ? Voilà comment il faut comprendre les choses :
Jésus est lui-même la Parole de Dieu, le Verbe de Dieu qui s’est fait chair parmi nous et s’est rendu visible à nous. Il est donc lui-même la source de la Loi qui a été donnée à Moïse. Ainsi, lorsque les Apôtres proclament l’Évangile, ils proclament la Parole de Dieu, c’est-à-dire Jésus, sa vie, ses enseignements et ses actes. Leur témoignage direct est celui des « témoins oculaires et serviteurs de la Parole » dont parle saint Luc. On appelle leur témoignage la « Tradition apostolique ». En fait, les Apôtres sont comme Esdras : ils proclament la « Loi nouvelle » en hébreu ; ou bien ils sont comme Jésus dans la synagogue : ils lisent « la Parole » directement dans le texte.
Mais pour que Théophile puisse saisir de quoi il est vraiment question, c’est-à-dire qui est vraiment Jésus, il faut lui raconter et lui expliquer dans un langage qu’il puisse comprendre. Saint Luc fonctionne donc comme les lévites d’Esdras, ou comme le targeman qui lit le Targum, la traduction d’Isaïe : il traduit la « Tradition apostolique », et il l’explique de telle sorte qu’un Grand Prêtre puisse comprendre.
Ceci est très important pour nous. Cela veut dire que l’évangile de Luc, comme celui de Marc, ou celui de Matthieu, sont des traductions et des explications du seul et véritable Évangile qu’est Jésus lui-même, sa vie, ses enseignements et ses actes – selon la Tradition apostolique. Et bien sûr, les évangiles sont des traductions et des explications à des publics différents. C’est pourquoi ils ne sont pas exactement les mêmes et ils n’insistent pas sur les mêmes choses. Les évangiles ne sont pas la Parole de Dieu, mais ils nous parlent et nous expliquent la seule vraie Parole de Dieu qui est Jésus lui-même.
 
Et terminons par nous aujourd’hui. Voici la tribune [= l’ambon] où Esdras proclame la Loi de Moïse et où Jésus lit le livre d’Isaïe. C’est là que se font les lectures des Écritures. Et bien sûr, c’est là que nous proclamons la Loi nouvelle, la Parole de Dieu, Jésus lui-même, à travers la lecture d’un évangile. Évidemment, même si nous les écoutons en français, les Écritures ont des milliers d’années, et les évangiles ont bientôt deux mille ans ! Qui peut comprendre leur langage du premier coup ? C’est pourquoi, après avoir lu les Écritures et proclamé l’Évangile, il me revient, comme les lévites d’Esdras, comme le targeman dans la synagogue, comme saint Luc pour Théophile, de vous traduire en français d’aujourd’hui ce qui a été lu et de l’expliquer, de sorte que tout le monde puisse comprendre. Je sais que ce n’est pas facile, mais c’est ainsi que se fait la transmission de la Parole de Dieu chez les Hébreux, les juifs et les chrétiens, dans les synagogues et dans les églises. Sur ce point, on est les mêmes, parce que notre Dieu est unique et il est toujours le même.

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