Is
52, 7-10 ; Ps 97 ; He 1, 1-6 ; Jn 1, 1-18
Chers
frères et sœurs,
Le
Prologue de saint Jean est comme un résumé très condensé de l’histoire du salut.
Il fonctionne exactement comme un Credo, qui est l’exposition de l’histoire du
Salut et – ce faisant – se présente comme maître-étalon de tout témoignage
chrétien authentique.
On
peut le résumer ainsi : Au commencement, avant que le monde soit créé, il
y a Dieu. Dieu est créateur, de l’univers et de l’homme, et il se fait
connaître à l’homme, il se révèle à lui : tout cela est consigné dans les
Écritures, l’Ancien Testament. Le sommet de cette révélation est l’Incarnation
de Dieu dans sa création, en Jésus fils de Dieu et fils d’homme. Cette
révélation ultime est authentifiée par les Écritures, et elle les accomplit.
Ainsi tous ceux qui ont foi en Jésus reçoivent de lui la grâce de Dieu qui les
fait entrer dans la connaissance du Père, c’est-à-dire qu’elle fait entrer les
croyants dans la vie de la Sainte Trinité, dans la vie du Dieu créateur.
Ainsi,
pour résumer, Dieu a créé l’homme de sorte que l’homme puisse demeurer en lui,
dans sa communion de vie et d’amour éternels. C’est la volonté de Dieu et la
vocation de l’homme.
Nous
retrouvons ce mouvement dans le Prologue de saint Jean. Le premier paragraphe
qui va de « au commencement était le Verbe » jusqu’à « la
lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée »
évoque ce Dieu éternel, dont la vie intérieure nous est voilée.
Derrière
le voile se trouvent Dieu le Père et sa Parole – le Verbe de Dieu –
c’est-à-dire son Fils Jésus ; et les deux ne sont qu’un seul
Dieu : « le Verbe était Dieu. » Or celui qui rend cette
unité divine possible, tout en distinguant les personnes différentes que sont
le Père et le Fils, c’est l’Esprit Saint. Les verbes sont à l’imparfait, mais
la conjugaison en araméen qui n’existe pas en français, veut dire qu’il en
était ainsi autrefois, depuis le commencement, mais aussi actuellement,
maintenant et toujours : Dieu est un Dieu vivant aujourd’hui.
Dieu
a voulu être créateur, et tout ce qu’il a créé et qu’il crée encore maintenant,
à chaque seconde, l’a été et l’est toujours par sa Parole. Dieu crée en
parlant. Et sa Parole unique est son Fils Jésus. C’est très important pour la
troisième étape. Il n’y a rien ; il n’existe rien en dehors de
Jésus : il est la vie et la lumière des hommes, que les ténèbres ne
peuvent pas arrêter. Car les ténèbres n’ont aucune consistance : c’est du néant.
Voilà donc le premier paragraphe : Dieu Trinité, et sa création à laquelle
il communique la vie et la lumière – l’intelligibilité.
On
peut se demander si, au deuxième paragraphe, « l’homme envoyé par Dieu »,
dont le nom est « Jean », n’est pas le rédacteur de l’évangile
lui-même. Il y a une ambiguïté : on pourrait comprendre qu’il s’agit déjà de
Jean Baptiste, mais celui-ci n’apparaît nommément qu’au quatrième paragraphe.
Dans l’ordre de l’histoire du salut, on doit considérer que derrière ce nom de
« Jean », se cachent en réalité les Patriarches et les
Prophètes dont le plus important d’entre eux est Moïse. Car tous ont été
envoyés par Dieu et ont été reconnus comme des témoins fidèles. L’affirmation
de l’évangéliste ici est que tous ces témoins rendaient témoignage à la
Lumière, c’est-à-dire déjà au Fils de Dieu, pour que tous croient par lui.
Aucun d’entre eux n’était la Lumière, ils n’étaient pas divins – aucun ne s’est
prétendu divin. Mais ils étaient là pour rendre témoignage à la Lumière. Et
pour cette raison, leur témoignage demeure éternellement valable. « Jean »
s’en proclame l’héritier.
La
chose la plus extraordinaire et en même temps la plus dramatique est que le
monde étant créé par la Parole de Dieu, porte en lui la trace de cette Parole ;
mais il n’a pas été capable de la reconnaître. Même ceux qui étaient dépositaires
du témoignage des Patriarches et des Prophètes n’ont pas été capables de
reconnaître la Lumière. Elle leur demeurait voilée. Seuls ceux qui, par grâce
particulière, ont reçu la Parole, la Lumière, sont vraiment enfants de Dieu.
Déjà ils sont re-nés de Dieu. Ainsi les Écritures ouvrent à la vraie
connaissance de Dieu. Mais encore faut-il avoir reçu la grâce de savoir les
lire.
Accomplissant
les Écritures, le « Verbe s’est fait chair », c’est-à-dire que
le Fils de Dieu s’est fait homme. Lui qui était à l’origine de tout et présent en
tout, quoique de manière invisible, s’est rendu visible et palpable, accessible
à nos sens. L’évangéliste dit qu’il a vu sa gloire, c’est-à-dire non pas
seulement sa lumière, mais surtout la communion divine que celle-ci exprime.
Dans
la lignée des Patriarches et des Prophètes, de ceux qui sont devenus enfants de
Dieu, et les récapitulant, se trouve Jean Baptiste, dans un rôle très
particulier, unique : celui de désigner ce Verbe de Dieu fait homme,
l’authentifier. Mais du coup, de devoir en même temps s’effacer devant
lui : car les images sont toujours moins parfaites que le modèle.
Arrive
enfin le dernier paragraphe : « Tous nous avons eu part à sa
plénitude. » C’est le don de l’Esprit Saint. Oui, la Loi, les
Écritures ont été données par Moïse, par les Prophètes – et en elles se trouve
déjà la lumière. Mais celle-ci était voilée. Elle est maintenant pleinement
dévoilée – en grâce et en vérité – par Jésus Christ, le Verbe fait chair. Et
tel est le message de Jean, de l’Évangile : si par grâce et par vérité,
par l’Esprit Saint, nous avons accès à la Lumière, à la Parole de Dieu, alors,
nous avons aussi accès à Dieu lui-même : à notre Père. Et non seulement le
voir, mais le connaître : entrer dans sa communion. C’est la Pentecôte,
l’accomplissement en Église, de notre vocation humaine et divine.