mercredi 25 décembre 2024

25 décembre 2024 - AUTREY-lès-GRAY - Nativité du Seigneur - Messe du jour

Is 52, 7-10 ; Ps 97 ; He 1, 1-6 ; Jn 1, 1-18
 
Chers frères et sœurs,
 
Le Prologue de saint Jean est comme un résumé très condensé de l’histoire du salut. Il fonctionne exactement comme un Credo, qui est l’exposition de l’histoire du Salut et – ce faisant – se présente comme maître-étalon de tout témoignage chrétien authentique.
On peut le résumer ainsi : Au commencement, avant que le monde soit créé, il y a Dieu. Dieu est créateur, de l’univers et de l’homme, et il se fait connaître à l’homme, il se révèle à lui : tout cela est consigné dans les Écritures, l’Ancien Testament. Le sommet de cette révélation est l’Incarnation de Dieu dans sa création, en Jésus fils de Dieu et fils d’homme. Cette révélation ultime est authentifiée par les Écritures, et elle les accomplit. Ainsi tous ceux qui ont foi en Jésus reçoivent de lui la grâce de Dieu qui les fait entrer dans la connaissance du Père, c’est-à-dire qu’elle fait entrer les croyants dans la vie de la Sainte Trinité, dans la vie du Dieu créateur.
Ainsi, pour résumer, Dieu a créé l’homme de sorte que l’homme puisse demeurer en lui, dans sa communion de vie et d’amour éternels. C’est la volonté de Dieu et la vocation de l’homme.
 
Nous retrouvons ce mouvement dans le Prologue de saint Jean. Le premier paragraphe qui va de « au commencement était le Verbe » jusqu’à « la lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée » évoque ce Dieu éternel, dont la vie intérieure nous est voilée.
Derrière le voile se trouvent Dieu le Père et sa Parole – le Verbe de Dieu – c’est-à-dire son Fils Jésus ; et les deux ne sont qu’un seul Dieu : « le Verbe était Dieu. » Or celui qui rend cette unité divine possible, tout en distinguant les personnes différentes que sont le Père et le Fils, c’est l’Esprit Saint. Les verbes sont à l’imparfait, mais la conjugaison en araméen qui n’existe pas en français, veut dire qu’il en était ainsi autrefois, depuis le commencement, mais aussi actuellement, maintenant et toujours : Dieu est un Dieu vivant aujourd’hui.
Dieu a voulu être créateur, et tout ce qu’il a créé et qu’il crée encore maintenant, à chaque seconde, l’a été et l’est toujours par sa Parole. Dieu crée en parlant. Et sa Parole unique est son Fils Jésus. C’est très important pour la troisième étape. Il n’y a rien ; il n’existe rien en dehors de Jésus : il est la vie et la lumière des hommes, que les ténèbres ne peuvent pas arrêter. Car les ténèbres n’ont aucune consistance : c’est du néant. Voilà donc le premier paragraphe : Dieu Trinité, et sa création à laquelle il communique la vie et la lumière – l’intelligibilité.
 
On peut se demander si, au deuxième paragraphe, « l’homme envoyé par Dieu », dont le nom est « Jean », n’est pas le rédacteur de l’évangile lui-même. Il y a une ambiguïté : on pourrait comprendre qu’il s’agit déjà de Jean Baptiste, mais celui-ci n’apparaît nommément qu’au quatrième paragraphe. Dans l’ordre de l’histoire du salut, on doit considérer que derrière ce nom de « Jean », se cachent en réalité les Patriarches et les Prophètes dont le plus important d’entre eux est Moïse. Car tous ont été envoyés par Dieu et ont été reconnus comme des témoins fidèles. L’affirmation de l’évangéliste ici est que tous ces témoins rendaient témoignage à la Lumière, c’est-à-dire déjà au Fils de Dieu, pour que tous croient par lui. Aucun d’entre eux n’était la Lumière, ils n’étaient pas divins – aucun ne s’est prétendu divin. Mais ils étaient là pour rendre témoignage à la Lumière. Et pour cette raison, leur témoignage demeure éternellement valable. « Jean » s’en proclame l’héritier.
 
La chose la plus extraordinaire et en même temps la plus dramatique est que le monde étant créé par la Parole de Dieu, porte en lui la trace de cette Parole ; mais il n’a pas été capable de la reconnaître. Même ceux qui étaient dépositaires du témoignage des Patriarches et des Prophètes n’ont pas été capables de reconnaître la Lumière. Elle leur demeurait voilée. Seuls ceux qui, par grâce particulière, ont reçu la Parole, la Lumière, sont vraiment enfants de Dieu. Déjà ils sont re-nés de Dieu. Ainsi les Écritures ouvrent à la vraie connaissance de Dieu. Mais encore faut-il avoir reçu la grâce de savoir les lire.
Accomplissant les Écritures, le « Verbe s’est fait chair », c’est-à-dire que le Fils de Dieu s’est fait homme. Lui qui était à l’origine de tout et présent en tout, quoique de manière invisible, s’est rendu visible et palpable, accessible à nos sens. L’évangéliste dit qu’il a vu sa gloire, c’est-à-dire non pas seulement sa lumière, mais surtout la communion divine que celle-ci exprime.
Dans la lignée des Patriarches et des Prophètes, de ceux qui sont devenus enfants de Dieu, et les récapitulant, se trouve Jean Baptiste, dans un rôle très particulier, unique : celui de désigner ce Verbe de Dieu fait homme, l’authentifier. Mais du coup, de devoir en même temps s’effacer devant lui : car les images sont toujours moins parfaites que le modèle.
 
Arrive enfin le dernier paragraphe : « Tous nous avons eu part à sa plénitude. » C’est le don de l’Esprit Saint. Oui, la Loi, les Écritures ont été données par Moïse, par les Prophètes – et en elles se trouve déjà la lumière. Mais celle-ci était voilée. Elle est maintenant pleinement dévoilée – en grâce et en vérité – par Jésus Christ, le Verbe fait chair. Et tel est le message de Jean, de l’Évangile : si par grâce et par vérité, par l’Esprit Saint, nous avons accès à la Lumière, à la Parole de Dieu, alors, nous avons aussi accès à Dieu lui-même : à notre Père. Et non seulement le voir, mais le connaître : entrer dans sa communion. C’est la Pentecôte, l’accomplissement en Église, de notre vocation humaine et divine.


mardi 24 décembre 2024

25 décembre 2024 - DAMPIERRE-SUR-SALON - Nativité du Seigneur - Messe de la nuit

 Is 9, 1-6 ; Ps 95 ; Tt 2, 11-14 ; Lc 2, 1-14
 
Chers frères et sœurs,
 
Dans notre tradition chrétienne, nous avons deux très grandes fêtes : Pâques, d’abord, et Noël, ensuite. Pâques est la fête de la résurrection de Jésus et Noël celle de sa naissance. Ces deux fêtes, vous l’aurez remarqué, sont célébrées de nuit. À Pâques, dans la nuit nous allumons un feu, puis le grand cierge pascal qui représente Jésus ressuscité et vivant, puis toutes nos petites lumières et enfin celles de l’église entière, au moment du « Gloire à Dieu ». La résurrection est contagieuse comme l’annonce de la joie de Noël ! À Noël, justement, nous sommes au plus profond de l’hiver, quand les nuits sont longues, et nous fêtons la naissance de Jésus, lumière d’espérance et de joie dans les ténèbres de vies humaines parfois très sombres ou très douloureuses. Elle annonce leur inconcevable renouveau : leur résurrection.
 
En effet, pour comprendre vraiment la nuit de Pâques, il faut penser à la nuit de Noël ; et pour comprendre la nuit de Noël, il faut penser à celle de Pâques.
Ainsi, à Pâques, il faut comprendre la résurrection de Jésus comme une nouvelle naissance. Jésus qui était Dieu s’est fait homme, et comme homme, il est mort sur la croix. Mais par sa résurrection, il a rendu possible que l’homme mortel puisse renaître comme Dieu, immortel. Et notre Dieu réalise cela par le don de l’Esprit Saint, l’Esprit de Pentecôte. Donc Pâques, c’est une naissance de l’homme de la terre, au ciel.
Et à Noël, c’est l’inverse : la naissance de Dieu sur la terre est une nouvelle étape de la création : la vie du ciel vient ensemencer la terre. Chose impensable pour le philosophe, mais réalité aussi extraordinaire que celle de la résurrection, par la même puissance créatrice de Dieu, par l’Esprit Saint qui a recouvert Marie de son ombre, comme il a recouvert les Apôtres de son feu, lors de la Pentecôte.
Noël et Pâques sont le côté pile et le côté face d’un même événement extraordinaire, qu’on appellera un miracle, mais qui est d’abord une nouvelle création. Pourquoi interdirait-on à Dieu de créer du neuf, s’il le veut ? Que Dieu se fasse homme pour que l’homme devienne Dieu : c’est ce qu’il a fait à Noël et à Pâques, par la puissance de son Esprit.
 
Maintenant, regardez bien comment saint Luc joue entre le mystère de Noël et le mystère de Pâques : dans les deux cas, la naissance ou la résurrection ont lieu dans une grotte, dans la nuit. Dans les deux cas, Jésus repose dans des langes ou dans des linges. Ici il vient de naître, et là, il ne reste plus que les linges, car il est ressuscité. Dans les deux cas, l’ange du Seigneur apparaît aux premiers témoins de la naissance ou de la résurrection. Ici, il dit : « Ne craignez pas, car voici que je vous annonce une bonne nouvelle ! », et là il dit : « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici, il est ressuscité. »
Dans, les deux cas, les bergers ou les femmes sont éblouis, saisis de crainte. Car la gloire de Dieu est éblouissante et ce que leurs yeux voient est en même temps très ordinaire et très extraordinaire, pour celui qui croit. Ici : un enfant dans une mangeoire, là des draps qui reposent à plat dans un tombeau vide – voilà pour l’ordinaire. Et ici Dieu qui s’est fait homme – Emmanuel – Dieu avec nous, et là l’homme-Dieu Jésus qui était mort et qui maintenant est ressuscité et vivant dans une vie nouvelle, éternelle – voilà pour l’extraordinaire.
À Bethléem, nous avons Marie et Joseph, la famille de Jésus, puis les bergers qui font paître les brebis ; à Jérusalem, nous avons Marie et les saintes femmes – qui sont de la famille de Jésus – puis les Apôtres, les bergers des brebis que nous sommes. Finalement, ce sont les mêmes. D’abord le petit cercle familial des intimes de Jésus – et notamment des femmes – puis le cercle des Apôtres et des disciples, et tout d’un coup « il y eut avec l’ange une troupe céleste innombrable, qui louait Dieu en disant : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime. » Voilà que le Ciel s’est approché de la terre et qu’il chante la bonne nouvelle de Noël pour tous les hommes de toute la terre et de tous les temps, les hommes que Dieu a créés par amour et qu’il est venu sauver par amour.
Mais il s’est passé la même chose en miroir, lors de la résurrection de Jésus, lorsque la terre s’est approchée du ciel, dans l’ascension de Jésus au-dessus des anges, et que les Apôtres redescendaient à Jérusalem en grande joie, dans l’attente de la Pentecôte, signal de l’annonce de la bonne nouvelle de la résurrection et de la vie nouvelle à tous les hommes de toute la terre et de tous les temps, ces hommes que Dieu a créé par amour, a sauvé par amour et veut retrouver dans sa communion d’amour, pour toujours.
 
Voilà chers frères et sœurs le mystère de Noël. C’est le mystère de l’amour de Dieu pour nous. Sommes-nous dans les ténèbres ? Voilà la lumière qui brille. Elle annonce que bientôt nous allons nous aussi devenir lumière. Sommes-nous malades, épuisés, fatigués ? Voilà Dieu qui se fait homme, prenant notre chair mortelle, pour que celle-ci ressuscite avec la sienne, et que nous soyons transfigurés, plus vivants et plus jeunes que jamais. Sommes-nous seuls ? Voilà un enfant qui naît, entre sa mère et son père adoptif, bientôt entouré par des bergers, puis des mages étrangers, puis par tout le peuple d’Israël. Il annonce que si nous demeurons avec lui, bientôt, nous serons en communion avec tous les anges et tous les saints du monde entier et de tous les temps, immense communion d’amour qui, pour notre plus grand bonheur, ne finira jamais. Joyeux Noël !

dimanche 22 décembre 2024

22 décembre 2024 - AUTREY-lès-GRAY - 4ème dimanche TO - Année C

 Mi 5, 1-4a ; Ps 79 ; He 10, 5-10 ; Lc 1, 39-45
 
Chers frères et sœurs,
 
Nous pourrions commenter l’évangile de la Visitation pendant des heures, mais je vais me limiter à deux observations.
 
La première ne concerne pas seulement les deux femmes et leurs enfants, mais nous aussi, à 2000 ans d’intervalle. Il y a en effet, dans l’évangile, un jeu entre « celui qui parle » et « celui qui écoute », où « celui qui parle » n’est pas tout à fait celui qu’on croit. Commençons par Marie. Comblée de grâce, l’Esprit Saint l’ayant couverte de son ombre, elle porte en elle le Fils de Dieu. Remplie de cette puissance divine, elle salue Élisabeth.
Élisabeth est une femme normale, même si elle porte un elle un germe de puissance de Dieu, mais qui jusqu’à présent est comme endormi. Justement ce germe, Jean-Baptiste, se met à tressaillir lorsqu’à travers la salutation de Marie, il identifie la présence en elle du Fils de Dieu, de la Parole de Dieu. C’est alors seulement qu’Élisabeth est remplie d’Esprit Saint, qu’elle devient elle-même remplie de la grâce de Dieu.
Si je m’arrête là une seconde, je peux déjà observer que toute personne qui porte en elle un germe de puissance de Dieu – les anciens appelaient cela la « semence du Verbe » – cette personne est en attente d’une parole évangélique qui porte en elle la Parole de Dieu, laquelle a le pouvoir de réveiller le germe, le faire réagir, et provoquer le don de l’Esprit sur cette personne. Tous, nous portons en nous un germe de Dieu, même si nous n’en avons pas conscience, et nous attendons qu’une parole évangélique vienne le réveiller.
En regard, celui ou celle qui peut prononcer cette parole évangélique, comme Marie pour Elisabeth, doit être remplis d’Esprit Saint, porteur de la Parole de Dieu qui seule a la capacité de réveiller le germe en attente. Pour nous, il s’agit de l’Église ou de chacun de ses membres, chaque baptisé. Comme la salutation de Marie, il faut évidemment que la Parole de Dieu soit annoncée de manière joyeuse, claire, droite et forte. On n’allume pas un feu avec des allumettes mouillées.
Mais une fois que le feu a pris, la personne qui était en attente devient à son tour celle qui annonce, comme si Élisabeth devenait Marie. Cela est d’autant plus vrai qu’une fois Élisabeth devenue à son tour remplie d’Esprit Saint, elle se met à parler. Mais ce n’est pas tant Elisabeth qui parle que l’Esprit Saint qui parle en elle, ce que saint Luc indique en disant qu’Elisabeth « s’écria d’une voix forte » : « le fruit de tes entrailles est béni » ; « d’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? » ; « heureuse celle qui a cru ». Comprenons bien ici qu’en réalité c’est Dieu lui-même qui par l’Esprit Saint parle par Élisabeth à Marie : Dieu confirme Marie dans sa maternité bienheureuse.
 
Évidemment, l’Esprit Saint a dit quelque chose de très important, et c’est ma seconde observation : « le fruit de tes entrailles est béni. » Tout le monde aura compris qu’il veut dire que Jésus est béni, qu’il est le Fils de Dieu. Mais, ce que nous ne voyons pas, c’est qu’il dit exactement en même temps qu’il est aussi Fils de l’homme. Marie n’est pas seulement une couveuse de vie divine, elle est vraiment la mère charnelle de Jésus. Comment cela ?
En fait, « le fruit de tes entrailles » est pratiquement un extrait du psaume 131, que je vais vous citer selon la traduction liturgique (qui est fausse, et c’est vraiment nul) : « Le Seigneur l'a juré à David, et jamais il ne reprendra sa parole : « C'est un homme issu de toi que je placerai sur ton trône. » » En réalité, aussi bien en hébreu qu’en grec, nous avons « Le Seigneur l'a juré à David, et jamais il ne reprendra sa parole : « C'est un fruit issu de tes entrailles que je placerai sur ton trône. » La mention des « entrailles », vous l’avez compris, est absolument déterminante. Nous apprenons ici trois choses, dont une est assez subtile, mais extrêmement importante.
La première est que la Vierge Marie est une descendante de David. De manière cohérente, le protévangile de Jacques dit que son papa, Joachim, est de la tribu de Juda, descendant de la lignée David. Sa maman Anne, elle, est de famille sacerdotale, de la tribu de Lévi.
Deuxième point, puisque Marie est légitimement fille de David, c’est par elle que Jésus aussi peut être dit « Fils de David », à condition… qu’il n’y ait pas intervention d’un géniteur humain appartenant à une autre lignée. Jésus peut être dit « fils de David » par Joseph aussi, par adoption, mais il l’est d’abord charnellement, par Marie seule.
Et le troisième point, plus subtil, confirme l’ensemble. Avez-vous remarqué ce que le Seigneur a dit à David ? Que c’est « un fruit issu de tes entrailles que je placerai sur ton trône ». Mais… ce n’est pas possible ! Car dans les Écritures, d’un homme peut venir une descendance de ses « reins », ou de sa « semence », mais pas de ses « entrailles ». Seule une femme peut donner une descendance issue de ses « entrailles ». Donc le Psaume dit que le roi attendu, qui sera descendant de David, ne viendra pas d’un homme de sa lignée, mais d’une femme de sa lignée. Or depuis quand, dans un monde où les lignées sont patriarcales, une femme peut-elle produire une descendance légitime par elle-même, seule ? Le Psaume indique donc que cette femme est très particulière, et c’est normal, puisque cela ne peut être que la Vierge Marie. Ce n’est pas moi qui ait inventé cet enseignement… il nous a été transmis par saint Irénée de Lyon.
 
Donc, quand saint Luc rapporte que, par la bouche d’Élisabeth, l’Esprit Saint a dit à Marie que « le fruit de tes entrailles est béni », il l’a confirmée comme la fille de David, celle qui doit donner au monde le « fils de David » annoncé par les prophètes, par le psaume 131, et que Jésus, qu’elle porte en elle, est bien ce Roi tant attendu, qui est en même temps vraiment Dieu, don de l’Esprit, et vraiment homme, fils de David, fils de Marie.
« Le fruit de tes entrailles est béni »… tout cela en sept mots. On peut s’en souvenir, quand nous récitons le « Je vous salue, Marie ».

dimanche 15 décembre 2024

15 décembre 2024 - GY - 3ème dimanche de l'Avent - Année C

So 3, 14-18a ; Is 12, 2-3, 4bcde, 5-6 ; Ph 4, 4-7 ; Lc 3, 10-18
 
[en présence des enfants du CM1, se préparant à la première communion]
 
Chers frères et sœurs,
 
Avant de communier, on prépare toujours son cœur à recevoir Jésus, en écoutant sa Parole : la Parole de Dieu.
C’est exactement ce que font les enfants ce matin. Ils se préparent à la première communion, en vivant un certain nombre d’étapes, et aujourd’hui c’est celle de la « Parole de Dieu », par laquelle ils apprennent à mieux connaître Jésus et à préparer leur vie pour pouvoir le rencontrer réellement dans l’eucharistie.
Au fond, c’est aussi exactement ce que font les juifs qui viennent trouver Jean le Baptiste. Ils viennent écouter son enseignement, ils veulent savoir ce qu’il faut faire pour changer leur vie en bien, et se faire baptiser par lui dans le Jourdain, dans l’eau, pour acter leur décision de se convertir. Car ils pressentent que Jean Baptiste est un prophète : à travers son enseignement, à travers ses actes, à travers lui s’exprime la Parole de Dieu.
Ainsi, à travers Jean Baptiste, cette Parole de Dieu les appelle à se convertir, à préparer leur cœur à la venue du Messie, du sauveur, du libérateur, de Jésus, celui qu’ils attendent depuis si longtemps afin de trouver ou retrouver la joie, la paix et la lumière, c’est-à-dire la communion. En effet, c’est bien de la communion dont Jean Baptiste parle quand il dit de Jésus : « Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. »
 
Ici, Jean-Baptiste parle déjà de la Pentecôte, quand l’Esprit Saint descend sous la forme d’un feu sur tous les Apôtres et les disciples de Jésus réunis.
Car celui qui fait l’unité au sein de Dieu, entre le Père et le Fils, et qui fait l’unité entre Dieu et les hommes, et aussi entre les hommes, entre eux, c’est l’Esprit Saint. L’Esprit Saint est celui qui réalise l’unité, mais pas une unité où tout le monde serait pareil, comme des playmobils : on appellerait cela une « fusion » ; mais il réalise une unité où chacun est relié par amour les uns avec les autres, tout en mettant en valeur la propre personnalité de chacun. Ainsi le Père n’est pas le Fils ; Jésus n’est pas Pierre, ni Jean, ni Marie, ni Jean-Baptiste : mais avec l’Esprit Saint, chacun est lui-même, complètement lui-même et véritablement lui-même, tout en étant réellement uni aux autres dans un unique amour : et on appelle cela la « communion ».
 
Mais pourquoi « le feu » ? Mes chers amis, nous devons comprendre que notre Dieu est un amour pur ; il n’y a en lui aucune division, aucune infidélité, aucun péché. Cela veut dire qu’il ne peut pas recevoir en lui, dans sa communion, tous ceux qui sont atteints par ces maladies de la vie humaine. Vous savez bien que nous les hommes, nous sommes tous, un peu ou beaucoup, malades des divisions, des infidélités et des péchés. Or l’Esprit Saint joue un rôle guérisseur, un rôle purificateur préalable à la communion : il est en même temps un désinfectant et une pommade. Le désinfectant, ça brûle et ça pique ; et la pommade, cela soulage et cela répare.
Ainsi donc, pour que nous soyons prêts pour la communion de Dieu, nous devons d’abord nous préparer à la recevoir en écoutant sa Parole, qui déjà purifie notre cœur, en la mettant en pratique par une vie honnête, une vie sainte. Et quand nous sommes prêts, nous pouvons entrer dans la communion de Dieu, où l’Esprit Saint en même temps nous purifie de la racine de tout mal qui est en nous, et nous donne la lumière, la paix et la joie des amis de Dieu, des enfants de Dieu, avec tous les saints. C’est le baptême « dans l’Esprit Saint et le feu », et c’est en même temps la communion.
 
Chers frères et sœurs, lorsque nous célébrons l’eucharistie, nous commençons par confesser nos péchés. Puis nous écoutons les lectures à travers lesquelles la Parole de Dieu prépare nos cœurs. Puis nous prononçons la prière eucharistique, qui nous fait vivre la mort et la résurrection de Jésus. Soyons bien conscients qu’à ce moment, nous sommes entrés dans le feu qui purifie. C’est pourquoi la prière eucharistique est dite dans l’Esprit Saint, où tout est consacré par Lui : le pain et le vin qui deviennent le Corps et le Sang de Jésus, mais aussi nous tous qui sommes sanctifiés pour pouvoir recevoir la communion. C’est dans l’Esprit Saint que nous pouvons dire le Notre-Père, la prière des fils de Dieu, la prière de Jésus. Et nous savons que cette prière est exaucée lorsque nous recevons la communion. Nous pouvons recevoir le Corps très saint et le Sang très saint de Jésus parce qu’à ce moment-là, nous aussi nous sommes devenus des saints, avec tous les saints du ciel, au-dessus des anges, dans la communion de Dieu. Voilà la Bonne Nouvelle !

dimanche 8 décembre 2024

08 décembre 2024 - CHAMPLITTE - 2ème dimanche de l'Avent - Année C

 Ba 5, 1-9 ; Ps 125 ; Ph 1, 4-6.8-11 ; Lc 3, 1-6

[en présence de l'Harmonie de Champlitte, venue fêter sainte Cécile] 

Chers frères et sœurs,
 
L’évangile que nous avons entendu s’ouvre comme un livre, où deux pages se trouvent face à face.
 
Sur la première, nous avons la terre. La terre, c’est-à-dire l’espace et le temps où vivent les hommes. L’espace, c’est l’Empire romain, la Judée, la Galilée, l’Iturée, la Traconitide, Abilène, et par défaut Jérusalem où se trouve le Temple de Dieu. Mais la Parole de Dieu est adressée à Jean, dans le désert.  Et le temps, c’est le calendrier déterminé par le règne de l’Empereur de Rome, le temps des hommes. Mais aujourd’hui est un jour nouveau puisque – arrêtant le cours du temps – aujourd’hui, la Parole de Dieu fut sur Jean.
Vous savez bien que sur la ligne du temps, il suffit d’une date pour identifier un événement. Vous savez aussi que sur un plan, il faut deux coordonnées : l’abscisse et l’ordonnée. Et dans l’espace, il en faut trois : trois dimensions. Mais aujourd’hui, dans le désert, pour préciser que la Parole de Dieu s’est fait entendre, saint Luc a donné sept coordonnées. La parole de Dieu est à sept dimensions – la perfection. Et pour cela il a donné sept noms : Tibère, Pilate, Hérode, Philippe, Lysanias, Hanne et Caïphe. Telle est la première page : la réalité spatiale et temporelle du monde des hommes dans laquelle – tout à coup – aujourd’hui, Dieu parle.
 
Sur la seconde page, qui fait face à la première, c’est le ciel. Ou plus exactement le ciel qui prend possession de la terre et la transfigure : l’Esprit de Dieu qui transforme tout en harmonie lumineuse, en communion d’amour. À écouter la prophétie d’Isaïe, on a l’impression qu’il s’agit surtout de travaux titanesques de tractopelles et de bulldozers : « toute montagne et toute colline seront abaissées […] les chemins rocailleux seront aplanis. » Mais, nos pères les Hébreux ne parlaient pas comme nous, avec des concepts, comme les philosophes grecs, mais ils utilisaient des images pour parler des réalités de Dieu. Il faut donc traduire leur langage, pour les comprendre.
Pour ce faire, je vais moi aussi utiliser une image. Prenez… la musique. La musique se donne à voir d’abord dans une partition, feuille couverte de notes et de signes, qui seuls ne donnent aucun son. C’est le désert : tout est en attente. On n’entend que le silence. Il faut « préparer le chemin du Seigneur » : il faut que la musique s’entende.
Pour cela on appelle des musiciens, avec leurs instruments. Les musiciens représentent tous les hommes, des plus pécheurs aux plus souffrants : les plaines, dans la Bible sont aussi bien le lieu de Babel et de Sodome et Gomorrhe que le lieu où Jésus prononça les Béatitudes. Les instruments sont comme les ravins, le lit des rivières qui, asséchés attendent qu’en eux coule une eau vive : les instruments attendent de servir, ils attendent le souffle, ils attendent le mouvement, la vie.
Mais si chaque musicien joue sa propre partition, sans direction, sans rythme, c’est la dissonance, la cacophonie. Ce sont les montagnes, les collines, qui doivent être abaissées, dirigées par la seule véritable montagne légitime, la montagne de Sion, où se tient la présence de Dieu : Jérusalem ; c’est-à-dire le chef d’orchestre, pour rythmer, pour diriger, pour donner l’harmonie à l’ensemble.
Mais cela ne suffit pas. Vous le savez bien : il ne suffit pas qu’un musicien soit bon, qu’il soit bien dirigé et dispose d’un bon instrument pour jouer de la musique. Je veux dire, pas des notes, mais de la musique, dans laquelle passe un esprit : quand le musicien lui-même, et tout l’auditoire avec lui, est emporté par la Musique dans la beauté qui élève l’âme et qui, parfois fait remonter du plus profond de soi des larmes. C’est quand les « passages tortueux deviennent droits » ; quand les rigidités, les froideurs, sont évincées par la souplesse et la chaleur de la Musique, quand ce n’est plus le corps qui dirige l’instrument, mais l’âme à travers le corps. Quand l’âme, le corps et l’instrument ne font plus qu’un.
Alors « tout être vivant verra le salut de Dieu ». C’est quand on est au sommet de la Musique ; quand grâce à Esprit qui l’anime, la communion s’est faite entre tous ; que les musiciens et les instruments lui obéissent, et les notes sur les partitions ne sont plus des commandements, mais des empreintes, des signes, faible témoignage d’un instant de beauté tout aussi éternel au ciel, que fugitif sur la terre.
 
Voilà chers frères et sœurs, les deux pages de l’évangile de ce jour : d’un côté, le monde des hommes, de tous les hommes, est en attente de la Musique qui vient de Dieu, la musique de l’âme habitée par l’Esprit, qui conduit à la communion, de l’autre. Et voilà qu’aujourd’hui, dans le désert, Jean le Baptiste, le fils de Zacharie, vient briser le grand silence et commence à battre la mesure, « en proclamant un baptême de conversion pour le pardon des péchés », en appelant les musiciens de toute la terre, de tous les temps, de tout l’univers, à préparer leur instrument, leur vie, et leur âme, à se laisser guider par l’Esprit, à entrer dans la Musique, la Musique de Dieu.
L’exercice de cette Musique, chers frères et sœurs, dans une Église qui en est comme l’instrument, c’est la liturgie. À nous de jouer maintenant, sous la conduite de l’Esprit Saint, pour qu’Il nous conduise au point d’orgue : la sainte communion.

dimanche 1 décembre 2024

30 novembre - 01 décembre 2024 - SOING - VAUCONCOURT - 1er dimanche de l'Avent - Année C

Jr 33, 14-16 ; Ps 24 ; 1 Th 3, 12-4, 2 ;  Lc 21, 25-28.34-36
 
Chers frères et sœurs,
 
Il y a deux semaines, nous avons déjà entendu dans l’évangile de Marc cet enseignement donné par Jésus à ses Apôtres. Aujourd’hui, nous sommes dans l’évangile de Luc, qui rapporte les mêmes propos de Jésus, mais en insistant sur des points différents. Saint Luc est le spécialiste des petits cailloux, des mots choisis et placés avec soin dans son texte, pour nous renvoyer à d’autres passages, que ce soit de son évangile ou bien aux Écritures, à l’Ancien Testament. C’est alors, quand on fait le lien avec les autres textes, qu’on peut vraiment comprendre ce qu’il a voulu nous dire. Il faut donc partir à la recherche des petits cailloux.
 
Dans la première partie de notre évangile, j’en ai trouvé au moins deux. Le premier est le mot « flots » : « les nations seront affolées et désemparées par le fracas de la mer et des flots. » Déjà, nous pouvons observer qu’il y a un redoublement de la même image : la mer et les flots. Pourquoi avoir ajouté les « flots » ? Dans l’évangile de Luc, nous retrouvons les « flots » au chapitre 8, lorsqu’il est question de la tempête apaisée. Souvenez-vous : « Les disciples s’approchèrent et le réveillèrent en disant : « Maître, maître ! Nous sommes perdus ! » Et lui, se réveillant, menaça le vent et les flots agités. Ils s’apaisèrent et le calme se fit. » Les deux évangiles de la tempête apaisée et de la fin du monde doivent donc se comprendre ensemble. La tempête apaisée est une annonce de la passion, de la mort et de la résurrection de Jésus ; la fin du monde ressemblera donc aussi à une passion, une mort et une résurrection.
Et cela est tellement vrai que saint Luc nous le précise avec le deuxième caillou : « Quand ces événements commenceront, redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche » Le mot-cailloux est « redressez-vous ». Celui-là est bien caché, il faut le dire ! Mais la traduction française n’est pas si mauvaise. Dans la vieille version syriaque, le verbe employé est très rare ; ce n’est pas « redressez-vous » mais « regardez ». Il n’est employé que dans le Cantique des Cantiques pour la rencontre amoureuse du bien-aimé et de la bien-aimée, et dans l’évangile de Luc, pour la résurrection de Jésus : «  mon bien-aimé, pareil à la gazelle, au faon de la biche. Le voici, c’est lui qui se tient derrière notre mur : il regarde aux fenêtres, guette par le treillage. Il parle, mon bien-aimé, il me dit : Lève-toi, mon amie, ma toute belle, et viens… » ; et dans l’évangile de Luc, au chapitre 24 : « Alors Pierre se leva et courut au tombeau ; mais en se penchant, il regarda les linges, et eux seuls. Il s’en retourna chez lui, tout étonné de ce qui était arrivé. » Ainsi, saint Luc veut nous dire que, si d’un côté tout s’écroule dans le vacarme des flots, par la foi nous sommes invités à porter un regard particulier, un regard amoureux même, sur Jésus ressuscité qui vient, comme le bien-aimé auprès de sa bien-aimée, car notre rédemption, notre libération, est proche. Saint Marc avait dit presque la même chose : il avait aussi fait allusion au Cantique des Cantiques ; il avait fait le lien avec le bien-aimé qui frappait à la porte.
Devant les épreuves, au milieu des épreuves, les chrétiens sont donc invités à poser un regard particulier sur la réalité, un regard marqué par la foi – une foi amoureuse. Comme on discerne les bourgeons sur le figuier pour se réjouir, déjà, de la venue prochaine du printemps.
 
Cependant, Jésus poursuit son enseignement car il sait très bien que l’attente, la veille, sera difficile : l’homme sera partagé entre le désespoir et l’abandon qui conduisent à l’indignité, d’un côté ; et la foi et l’espérance, de l’autre. Jésus met en garde ses disciples contre l’alourdissement du cœur. Celui qui a le « cœur lourd », c’est Pharaon. Il endurcit son cœur, s’enferme sur lui-même et devient aveugle à la réalité de Dieu. Pour les Hébreux, le cœur est le lieu de l’intelligence : celui qui a le « cœur lourd », est un aveugle : il a l’intelligence obscurcie – il ne « regarde » pas, il ne « voit » pas, il ne « comprend » pas. La conséquence de cet athéisme, de ce désespoir, conduit l’homme aux « beuveries » – on devrait plutôt traduire par « orgies », quand on se livre à toutes les passions charnelles ; à « l’ivresse » – les addictions multiples qui font oublier la réalité ; et, pas tant les « soucis de la vie » que les « séductions du monde » – la dispersion dans mille affaires au détriment de l’unique nécessaire. Abandon aux passions, déconnexion du réel, dispersion de soi ; voilà les risques encourus par celui qui perd le regard de la foi.
Inversement, celui qui reste éveillé et qui prie aura la force d’échapper au malheur et de se tenir debout devant le Fils de l’homme, c’est-à-dire devant Jésus ressuscité. Il y a ici deux points à souligner pour bien comprendre Jésus ou saint Luc :
Le premier n’est pas évident pour une question de traduction. Il y a dans l’évangile une opposition entre les habitants de la terre qui ont le « cœur lourd » – ceux-ci sont assis sur la terre – et ceux qui sont éveillés et qui prient : ceux-là pourront se tenir debout devant le Fils de l’homme. Ceux qui se tiennent debout sont les baptisés, les ressuscités. C’est pourquoi par exemple, on prie toujours le Notre-Père debout.
Le second point est aussi lié à une question de traduction : « Priez en tout temps, ainsi vous aurez la force » ; on peut aussi traduire : « priez afin d’être dignes ». Dans les deux cas, ce qui donne la force ou qui rend digne de se trouver debout devant le Fils de l’homme, c’est-à-dire devant Dieu, c’est l’Esprit Saint. L’objectif de la prière est l’acquisition de l’Esprit Saint, qui rend fort et digne de se présenter les mains pures, le cœur pur, le cœur léger, l’intelligence éclairée, debout, devant Dieu, pour recevoir de lui la vie éternelle.
 
Chers frères et sœurs, contre toutes les passions, addictions, ou dispersions mortelles, nous pouvons acquérir l’Esprit Saint qui rend fort et digne, en portant un regard amoureux, un regard de foi, sur Jésus ressuscité et en le priant de jour comme de nuit sans nous lasser. Alors, le jour venu, nous le verrons et nous serons tels que nous le verrons, dans la paix, la joie et la lumière.
 

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