dimanche 27 octobre 2024

27 octobre 2024 - CHAMPLITTE - 30ème dimanche TO - Année B

Jr 31, 7-9 ; Ps 125 ; He 5,1-6 ; Mc 10, 46b-52
 
Chers frères et sœurs,
 
Il y a quelques dimanches, Jésus a franchi le Jourdain pour entrer dans le territoire de la Judée. De là, il a gagné Jéricho avant d’en repartir pour monter à Jérusalem – c’est l’évangile d’aujourd’hui. Ce parcours n’est pas du tout anodin, puisque c’est exactement le parcours réalisé par Josué et les Hébreux au moment de conquérir la Terre promise et Jérusalem, après les quarante années passées au désert. Et vous connaissez l’histoire fameuse des murailles de Jéricho qui se sont écroulées après que les Hébreux aient processionné autour au son des trompettes. À sa manière Jésus fait un pèlerinage sur les pas de Josué, ou plutôt il réalise la prophétie de Josué, puisque Jésus est le véritable Josué – c’est le même prénom.
 
Jéricho n’est donc pas une ville signalée par l’évangile par hasard : c’est la ville qui est en même temps la porte de la Terre sainte – il faut la prendre pour pouvoir ensuite monter à Jérusalem, et en même temps c’est la ville du mal et des ténèbres, qu’il faut détruire pour pouvoir monter saintement à Jérusalem. Ainsi Bartimée, habitant Jéricho, est-il un homme marqué par le mal et qui vit dans les ténèbres : c’est pourquoi il est aveugle. D’ailleurs, Bartimée, le Fils de Timée, signifie en hébreu : « le fils de l’impur ». Bartimée a besoin de devenir Zachée – qui signifie « le pur ». Souvenez-vous, dans l’évangile de Luc, Zachée était aussi un habitant de Jéricho – et ce n’est pas un hasard.
 
Donc cet homme, Bartimée, prisonnier du mal et des ténèbres, apprend que Jésus de Nazareth – celui dont tout le monde dit qu’il est le Messie Sauveur – est en train de passer par Jéricho : il l’appelle de toutes ses forces : « Fils de David, Jésus, prends pitié de moi ! » Comprenez que c’est le cri d’Adam au plus profond des enfers, le cri de tous les hommes désespérés qui espèrent un secours de la part de Dieu ; c’est un cri qui vient du plus profond du cœur de l’humanité.
Ce cri de Bartimée est repris de tout temps et aussi de nos jours au début de la messe, quand nous prions le Seigneur : « Seigneur prend pitié ; Ô Christ prend pitié ; Seigneur prend pitié » ; mais aussi dans la fameuse prière du cœur des moines et des pèlerins orientaux : « Seigneur Jésus Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi pécheur ! », que l’on répète sans cesse ; ou plus brièvement dans les offices orthodoxes : « gospodi pomiluj ! » ; « Seigneur, prends pitié ! » C’est le cri des pécheurs qui espèrent leur rédemption.
 
Justement, c’est pour eux que Jésus est venu. C’est pour Bartimée que Jésus est venu à Jéricho. Car il faut que Bartimée monte avec lui à Jérusalem ; il faut qu’Adam et tout homme pécheur montent avec lui auprès de notre Père, qui est aux cieux. « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » dit Jésus. Et l’homme pécheur répond : « Rabbouni, que je retrouve la vue ! »
Dans cette réponse, il y a deux choses remarquables. La première est l’appellation « Rabbouni ». Elle est encore plus évidente en Syriaque : « Rabbuli ». Il n’y a que Bartimée et Marie-Madeleine qui emploient ce terme, au moment où l’un va voir Jésus, et l’autre va revoir Jésus ressuscité. « Que je retrouve la vue » - c’est-à-dire : « Que je re-voie ; que je voie à nouveau, comme autrefois ». C’est cela : comme aux premiers temps, où Adam et Ève voyaient Dieu dans le jardin du Paradis, avant de se cacher puis d’en être exclus. Imaginez-vous de revoir enfin un paysage, ou mieux un visage, que vous espérez tant revoir, par-delà l’océan du temps ou de la mort. Voilà ce que veut Bartimée, ce qu’il espère. Et il croit – il a foi – que Jésus de Nazareth peut réaliser cela pour lui. Cela tombe bien, c’est aussi ce que Jésus veut pour lui.
 
Car il faut maintenant monter à Jérusalem. Monter à Jérusalem est un précepte de la Loi de Moïse : « Trois fois par an – à la fête des Pains sans levain, à la fête des Semaines et à la fête des Tentes –, tous les hommes paraîtront devant la face du Seigneur ton Dieu, au lieu qu’il aura choisi » (Dt 16,16) – c’est-à-dire au Mont Moriah, le Mont du temple, à Jérusalem. Tous les fils d’Israël ont vocation à monter à Jérusalem pour voir la face de Dieu ou être vus par Dieu, dans son temple. Vous comprenez bien que pour que cela soit réalisable il faut que les hommes en question ne soient pas boiteux – s’il faut monter à Jérusalem – et ne soient pas aveugles – s’il faut voir la face de Dieu. Et c’est pourquoi Jésus vient d’abord guérir les boiteux et les aveugles, pour qu’ils soient en capacité de monter à Jérusalem. Jésus vient pardonner les péchés qui handicapent, et libérer des ténèbres de la mort, les hommes nouveaux, les baptisés, qui ont vocation à entrer dans la communion sainte et lumineuse de Dieu.
Et c’est ainsi que Bartimée, guéri et devenu « Zachée », se met à suivre Jésus qui monte à Jérusalem, pour entrer avec lui dans sa gloire.

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