Sg
7,7-11 ; Ps 89 ; Hb 4,12-13 ; Mc 10,17-30
[Homélie
donnée sans notes, retranscrite de mémoire]
Chères
sœurs,
L’Évangile
que nous avons entendu nous est familier, comme à tous ceux qui ont tout quitté
pour suivre le Christ. « Va, vends ce que tu as et donne-le aux
pauvres ; alors tu auras un trésor au ciel. Puis viens, suis-moi. » :
c’est la parole qu’a entendue saint Antoine, avant de partir au désert,
inaugurant ainsi toute la vie religieuse, la vie monastique, à sa suite.
Lorsque
nous lisons l’Évangile de Marc, nous devons toujours chercher à quel passage il
est fait référence dans l’Ancien Testament. Dans notre évangile d’aujourd’hui, la
référence est donnée dès le départ : « un homme accourut et,
tombant à ses genoux… » Qui est cet homme ? C’est Abraham, qui
court et se prosterne devant les trois anges, au chêne de Mambré. Ainsi, nous
devons comprendre notre Évangile à la lumière de l’histoire du chêne de Mambré
où le Seigneur annonce à Abraham que sa femme Sarah va engendrer un fils.
L’homme
demande la vie éternelle « en héritage ». L’héritage,
c’est la Terre Promise. Il faut avoir à l’esprit ici que Jésus a traversé le
Jourdain et se trouve maintenant en Judée, où il guérit et il enseigne. Il
accomplit la prophétie de Josué qui entre en Terre Sainte pour la conquérir,
pour conquérir Jérusalem. C’est ce que les gens attendent de Jésus et c’est ce
que sont venu lui demander les pharisiens dimanche dernier : « Un
homme peut-il répudier sa femme ? » ;
c’est-à-dire : « Est-ce que Dieu va être fidèle la fille de
Sion, à son alliance avec elle ? » ; « Est-ce que le
Messie de Dieu va bien sauver son peuple et le faire entrer en Terre Promise ? »
Car bien sûr, Jésus ne veut pas d’une conquête de la Terre Sainte au sens
territorial du terme, mais il est là pour la conquête de la Terre Sainte
véritable : la vie éternelle.
Or,
l’homme d’aujourd’hui est le parfait Israélite – comme Barthélémy – car non
seulement il obéit parfaitement à la Loi depuis sa jeunesse (c’est le rêve du
Bon Dieu – et le sommet pour les pharisien) mais il a parfaitement compris
pourquoi Jésus est là : pour la vie éternelle.
C’est
pourquoi Jésus « posa son regard sur lui et il l’aima ». Il
s’agit d’un regard qui descend dans le cœur, qui scrute le cœur, qui
l’illumine. L’homme est transfiguré par le regard du Christ, mais en même temps
il découvre son péché : ici sa richesse. Il lui faut quitter cela, que ce
soient des biens matériels ou même des relations – comme nous le voyons lorsque
Jésus détaille à ses disciples : « maison, frères, sœurs, mère,
père, enfant ou terre. »
À
ce moment l’homme devient « sombre » - il est en colère, et il
part, triste. Sa réaction est à l’opposé de celle de Sarah, qui elle, se met à
rire. En effet, Jésus explique « comme il sera difficile à ceux qui
possèdent des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu » ; le
mot important ici est « difficile », en hébreu, il s’agit des
« douleurs de l’enfantement ». Il s’agit en réalité d’un
engendrement, et c’est douloureux. On retrouve la discussion qu’a Jésus avec
Nicodème : « Peut-on naître à nouveau ? » Jésus insiste en
disant à ses disciples : « Mes enfants, comme il est difficile… »
Il les appelle « ses enfants » ; car il les a déjà
engendrés. Mais pour l’homme cela reste encore à faire. Les disciples sont dans
l’incompréhension totale, et Jésus conclue : « Pour les hommes,
c’est impossible, mais pas pour Dieu ; car tout est possible à Dieu. »
C’est exactement ce que l’Ange de Dieu avait dit à Sarah, qui riait :
« Rien n’est impossible à Dieu »
Saint
Pierre observe que les disciples ont déjà tout quitté pour suivre Jésus, comme
tous les baptisés et comme nous tous ici. Et effectivement Jésus
explique : « nul n’aura quitté, à cause de moi et de l’Évangile,
une maison, des frères, des sœurs, une mère, un père, des enfants ou une terre,
sans qu’il reçoive, en ce temps déjà le centuple ». Ici le mot
important est « en ce temps » : « Ce
coup-ci » ; c’est comme un clapet anti-retour. C’est fait ;
c’est donné, c’est acté. Déjà la vie éternelle leur est acquise. Bien sûr,
Jésus ajoute « avec des persécutions » car il s’agit d’un
chemin où il y a plusieurs choses à quitter, par étapes. Saint Grégoire de
Nysse disait qu’on va « de gloire en gloire » ; saint Augustin
dirait qu’on va de « croix en croix », mais il vaut mieux voire les
choses positivement : on avance de « gloire en gloire », jusqu’à
la vie éternelle qui déjà nous est promise.