Sg
1, 13-15 ; 2, 23-24 ; Ps 29 ; 2Co 8, 7.9.13-15 ; Mc 5, 21-43
Chers
frères et sœurs,
Aujourd’hui
Jésus guérit une femme adulte et une jeune fille. La première est malade depuis
douze ans, et la seconde, qui est en train de mourir, est âgée de douze ans.
Évidemment ce n’est pas un hasard.
Que
se passe-t-il pour la première ? Elle a un écoulement de sang :
depuis douze ans sa vie se disperse et elle s’épuise. La femme dilapide sa
fortune en essayant tous les médecins et tous les médicaments possibles, sans
arriver à rien et même en abîmant encore plus sa santé. Et aux yeux de tous, sa
maladie la rend impure : elle est considérée comme une pestiférée. Selon
la Loi de Moïse, nul n’a le droit de l’approcher, et encore moins de la
toucher.
Mais
sa maladie n’est pas seulement physique, elle est surtout l’effet d’une maladie
cachée, qui est en fait sa vraie maladie. Jésus nous la révèle quand il lui
dit : « sois guérie de ton mal. » Ici, il emploie un mot
qui se trouve au Livre de l’Exode où il est question des fléaux de Dieu contre
les serviteurs de Pharaon, parce qu’ils ne reconnaissent pas Dieu comme le seul
vrai Dieu. En réalité, le vrai mal de cette femme est que, depuis douze ans,
elle est infidèle à Dieu, elle n’a plus foi en Dieu. Du coup, pour compenser, elle
se disperse, elle se distraie, se crée des tas d’idoles, et se perd
davantage : de plus en plus elle perd sa force spirituelle, sa vie
spirituelle qui est l’amour de Dieu, et elle s’enfonce dans la mort. Et c’est
bien pourquoi son geste, en même temps très délicat et très osé – toucher du
bout du doigt le vêtement de Jésus – est le signe qu’elle n’en pouvait vraiment
plus et qu’elle lui demandait, sans oser le lui dire ouvertement, de la sauver.
Or cela, c’est la foi, peut-être sa dernière étincelle de foi, mais Jésus l’a bien
perçue : « Ma fille, ta foi t’a sauvée. Va en paix et sois guérie
de ton mal. »
Il
est remarquable que Jésus ait perçu le cri silencieux de cette femme à travers
son propre corps. En effet, dès qu’elle a touché son vêtement, Jésus s’est
rendu compte – en grec a « reconnu » – qu’une force était sortie de
lui. Et la femme de même, a « ressenti » – en grec a
« connu » – dans son propre corps qu’elle était guérie. Or le verbe « connaître »,
chez saint Jean notamment, renvoie directement à la rencontre charnelle d’un
homme et d’une femme quand ils s’aiment. Il faut comprendre ici que la
puissance de vie et d’amour de Dieu est telle que, quand il guérit, il donne en
même temps la vie : il crée une vie nouvelle, qui est en même temps une
communion d’amour avec lui. C’est la puissance de l’Esprit Saint. C’est très
intime et très fort en même temps. C’est déjà la puissance de la résurrection.
Et c’est ce qui est arrivé entre la femme et Jésus.
Il
est évident que celui qui prie Jésus avec l’intensité de cette femme, avec la
foi du désespoir en quelque sorte, mais avec la volonté de vivre : « Si
je parviens à toucher seulement son vêtement, je serai sauvée »
dit-elle, sa prière sera entendue… « au bout de douze ans »,
c’est-à-dire exactement quand l’heure de Dieu sera venue.
Maintenant
que se passe-t-il pour la jeune fille ? Ce n’est pas elle qui prie cette
fois-ci, c’est son papa. Il est le chef de la synagogue – et il tombe aux pieds
de Jésus. C’est très impressionnant de voir cet homme très en vue dans le
village, c’est un notable, être aussi ému et angoissé pour sa fille. Il
n’hésite pas, devant tout le monde, à prier Jésus pour elle.
Pour
Jésus la situation est devenue un calvaire. En effet, saint Marc fait plusieurs
fois allusion à sa Passion : la foule l’écrase – comme on broie du blé
pour en faire de la farine, comme on presse du raisin pour en faire du vin. On
se moque de lui quand il dit que l’enfant dort, comme on s’est moqué aussi de
lui quand il a été mis en croix : « toi qui en as sauvé
d’autres, sauve-toi toi-même ! » En fait, en allant chercher la
petite fille, Jésus est très angoissé car il est entré en communion avec
elle : avec elle et pour elle, il va dans les ténèbres de la mort, mais pour
la ramener des ténèbres à la lumière de la vie.
Il
dit à son père : « Ne crains pas » or il n’y a que Dieu
ou l’Ange de Dieu qui peut dire cela à un homme. Il prend la main de la jeune
fille – or la main de Dieu, c’est l’Esprit Saint. Et il dit à la jeune
fille : « Talitha koum » : « lève-toi »,
c’est-à-dire : « ressuscite ! ». Il faut bien comprendre
ici que c’est Dieu qui parle, avec la puissance de l’Esprit Saint, plus forte
que la mort. Et c’est pourquoi tous les assistants à cette scène sont frappés
d’une « grande stupeur » – c’est-à-dire qu’ils sont tellement
impressionnés qu’ils ont même un peu peur. Car Dieu seul peut faire ce qu’a
fait Jésus.
La
jeune fille se met à marcher – saint Marc précise alors qu’elle a douze ans –
et Jésus demande à ses parents de lui donner à manger. Pour les juifs comme pour
les premiers chrétiens, le sens est évident : la jeune fille se met à
marcher à la suite de Jésus, en suivant les commandements de Dieu, de l’amour
de Dieu et du prochain. Elle a douze ans, c’est-à-dire qu’elle est devenue
majeure – adulte dans sa foi. Elle n’a plus besoin qu’on lui dise d’aller au
caté ou à la messe, comme une gamine, elle a décidé qu’elle était suffisamment
grande pour y aller d’elle-même. Parce qu’elle sait que Jésus est la source de
sa vie. Et c’est pourquoi elle a faim : faim de la Parole de Dieu, de la
vie de Jésus, de son Esprit : elle a besoin de communier pour vivre. Elle
avait douze ans, parce que comme la femme de tout à l’heure, l’heure de Dieu
était aussi arrivée pour elle.
Douze
ans, cela arrive qu’on ait 7 ou 77 ans. L’essentiel est de savoir qu’en dehors
de Jésus et de la puissance de son Esprit Saint, il n’y a pas de vie véritable.
Mais quand on aime Dieu, alors on est en communion avec lui, dans son amour,
pour la vie éternelle.