Ez
17, 22-24 ; Ps 91 ; 2 Co 5, 6-10 ; Mc 4, 26-34
Chers
frères et sœurs,
Alors
que nous traversons des temps troublés, l’enseignement de Jésus est de nature à
nous rassurer, à nous apporter la paix dont nous avons besoin, et dont le monde
a besoin autour de nous. En effet, le règne dont parle Jésus est l’œuvre de
l’Esprit Saint, œuvre tout aussi invisible qu’efficace, puisque, au bout du
compte, l’Esprit arrive à ses fins : la semence devenue du blé est
moissonnée, signe d’abondance, ou bien elle a suffisamment grandi pour devenir
un abri pour les oiseaux du ciel. L’Esprit saint travaille donc avec certitude
à notre vie et à notre protection. Tout le monde peut comprendre cela.
Mais
nous voyons aussi qu’il existe un enseignement mystérieux, voilé, dont la
compréhension est réservée aux seuls disciples de Jésus. Nous aimerions bien en
savoir un peu plus, n’est-ce pas ? Pour nous justement, qui sommes des disciples,
nous pouvons entrer dans cette compréhension comme Jésus nous a appris à le
faire, c’est-à-dire à la lumière des Écritures – de l’Ancien Testament, et de
sa vie même – l’Évangile.
Mais
saint Marc qui rapporte les paroles de Jésus, sait bien que nous ne pouvons pas
comprendre les paraboles s’il ne nous donne pas aussi quelques indications. Celles-ci
sont semées dans le texte, comme des informations anodines, mais qui pourtant
nous en donnent la clé.
Par
exemple, le règne de Dieu, comme la semence, grandit « il ne sait
comment ». Immédiatement cette remarque doit nous rappeler cette
phrase de Jésus à Nicodème : « Le vent souffle où il veut : tu
entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va. Il en est ainsi
pour qui est né du souffle de l’Esprit. » C’est pourquoi j’ai dit précédemment
que le règne de Dieu était l’œuvre de l’Esprit Saint, qui donne vie, ordonne et
conduit toute chose à sa fin.
Autre
exemple, « D’elle-même » la terre produit d’abord l’herbe,
puis l’épi, etc… Or dans l’Écriture, quand la terre produit seule son fruit,
« d’elle-même », c’est qu’il s’agit d’une année sabbatique,
une année de grâce offerte par le Seigneur. Jésus nous indique ainsi que la
croissance du règne de Dieu est un effet de sa grâce, une œuvre de Dieu, qui
saisit tout la création et l’homme, presque malgré eux.
Il
n’aura pas échappé aux disciples de Jésus que la Loi de Moïse interdit aux
hommes de moissonner durant une année sabbatique, pourtant c’est bien ce que
fait l’homme de la parabole, avec sa faucille. C’est donc que cet homme est Dieu
lui-même.
Mais
la mention de la « faucille » renvoie directement à une prophétie du
Livre de Joël, qui sera reprise dans le Livre de l’Apocalypse : « Lance
ta faucille et moissonne : elle est venue, l’heure de la moisson ». Le
simple usage du mot « faucille » annonce donc que l’Heure du jugement
est venue, c’est-à-dire de la disparition du monde ancien et de la naissance du
monde nouveau : le règne caché jusqu’alors apparaît au grand jour, dans la
gloire.
Cependant
– et saint Irénée de Lyon l’interprète bien ainsi – si la faucille est synonyme
de mort, annonçant la Passion de Jésus et aussi la nôtre qui marchons à sa
suite, la moisson est faite en revanche pour l’offrande du pain eucharistique,
l’ascension de Jésus ressuscité au ciel, le sacrifice d’Action de grâce par
excellence. Ainsi, l’œuvre de l’Esprit qui donne vie au monde, fait fructifier
celui-ci en abondance, revient et présente blé et raisins, pain et vin, Jésus
ressuscité et toute l’Église qui lui est unie, au Père, pour sa joie.
En
définitive, par petites touches impressionnistes, Jésus nous enseigne le secret
de sa mission : étendre le règne de Dieu dans le monde comme un filet de
pêche est lancé dans la mer, pour en ramener une multitude de poissons.
La
seconde parabole commence par une allusion au Livre du prophète Isaïe, où
l’expression suivante revient de manière similaire à plusieurs reprises :
« À qui pourriez-vous comparer Dieu, quelle forme lui
donneriez-vous ? » Cette simple mention rappelle immédiatement
aux disciples cette autre parole de Dieu qui se lit aussi en Isaïe :
« Car mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos chemins ne sont pas
mes chemins ». Le règne de Dieu est pour nous totalement nouveau, et
au stade où nous sommes, parfaitement incompréhensible.
Alors
Jésus prend l’image de la graine de moutarde qui devient une plante si grande
que les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid à son ombre, rappel direct –
nous l’avons entendue en première lecture – de la prophétie d’Ézéchiel :
« elle deviendra un cèdre magnifique. En dessous d’elle habiteront tous
les passereaux et toutes sortes d’oiseaux, à l’ombre de ses branches ils
habiteront. » Elle, c’est-à-dire la tige prise au sommet du grand
cèdre, plantée sur la haute montagne d’Israël. Elle, c’est-à-dire Jésus, fils
de David roi d’Israël, planté en croix à Jérusalem, les bras étendus.
C’est
dans le prolongement de cette croix vivifiante que se développe l’Église de la
terre et du ciel, le Corps glorieux du Christ, à l’ombre duquel tant et tant de
pécheurs ont pu, peuvent et pourront toujours trouver le réconfort, la guérison
et l’abri, la vie éternelle, la lumière et la paix dont ils ont tant besoin. La
Demeure de Dieu.
En
définitive, puisque Jésus nous enseigne le règne de Dieu par deux paraboles
complémentaires, on comprendra que l’offrande eucharistique conduit à cette vie
éternelle, et que cette eucharistie en est déjà la réalité vivifiante offerte pour
nous aujourd’hui.