Ex
24, 3-8 ; Ps 115 ; He 9, 11-15 ; Mc 14, 12-16.22-26
Chers
frères et sœurs,
Pour
entrer dans la compréhension des lectures et de l’Évangile que nous avons
entendus, la première chose à considérer est qu’il y a deux mondes : d’un
côté notre monde, le monde des hommes, la création, qui est limité, marqué par
le péché et par la mort, que l’on appellera « la terre » – et de
l’autre le monde de Dieu, que Jésus appelle le Royaume des Cieux, auquel nous
sommes appelés pour une vie éternelle, dans la paix, la joie et la lumière, que
l’on appellera « le ciel ». Il y donc la terre et le ciel. Or, il
n’est possible de passer de la terre au ciel qu’en faisant une offrande à Dieu,
le Roi du ciel. Et si le Roi accepte l’offrande qu’on lui présente, alors il
donne sa bénédiction et nous pouvons entrer dans le ciel pour être en communion
avec lui.
C’est
pour enseigner cela au peuple d’Israël – la séparation du ciel et de la terre,
et l’offrande pour avoir accès au ciel – que Dieu a donné ordre à Moïse
d’établir le Temple et le rituel du Temple.
Ainsi
le Temple était séparé entre l’esplanade et le Temple lui-même, et encore dans
le Temple, il y avait une séparation entre une première zone réservée aux lévites,
et derrière un rideau, le Saint-des-Saints où se trouvait la Présence de Dieu,
où seul le Grand Prêtre entrait une fois par an, pour la célébration du Grand
Pardon. Il y avait donc une séparation entre la terre (l’esplanade) et le ciel (le
Saint-des-Saints), avec une zone intermédiaire réservée à ceux qui étaient
consacrés à Dieu.
Et
le rituel du Temple était essentiellement un geste d’offrande. Nous voyons dans
le livre de l’Exode le sacrifice et l’offrande des taureaux, pour que
l’alliance des hommes avec Dieu soit agréée par Dieu. Pour indiquer que cette offrande
était effectivement agréée, on aspergeait d’un côté l’autel et de l’autre le
peuple lui-même. Cette aspersion était le signe de la bénédiction de Dieu, le
signe de la communion avec lui.
La
Lettre aux Hébreux nous explique que Jésus lui-même a accompli ce rite à notre
bénéfice, mais à une tout autre dimension. Avec Jésus, nous sommes dans la
réalité tout entière : pour que nous les hommes, et la création avec nous,
à laquelle nous appartenons – c’est-à-dire la terre – nous puissions accéder au
Ciel, au Règne de Dieu, à la nouvelle alliance, pour y être renouvelés, alors il
faut un sacrifice spécial et une offrande particulière. Ce sacrifice, c’est
celui de Jésus sur la croix, et l’offrande c’est celle qu’il fait de lui-même
dans sa chair ressuscitée à l’Ascension, justement, quand il passe de la terre
au Ciel. Le sang que Jésus présente à Dieu son Père, c’est son propre sang, et
c’est aussi l’Esprit Saint, son Esprit. Or le signe que le Père a agréé
l’offrande de Jésus, c’est qu’il répand le même sang, le même Esprit Saint, sur
les disciples, à la Pentecôte. Et c’est pourquoi la Pentecôte est une nouvelle
alliance, scellée dans le sang de Jésus. C’est la bénédiction de Dieu, la
communion avec lui dans le monde nouveau. L’Église est la manifestation de ce
monde nouveau.
On
pourrait donc dire que Jésus a accompli le rituel du Temple, en grand.
Mais ce n’est pas exactement ainsi qu’il faut voir les choses. Jésus n’a pas
été obligé de se conformer à une Loi préétablie, puisqu’il est lui-même celui
qui a énoncé cette Loi. Le rituel du Temple a été indiqué par Dieu à Moïse
parce que c’est par la Croix de Jésus et l’offrande de lui-même, que l’humanité
est sauvée. Le rituel du Temple est une anticipation, une préparation, au geste
réel, total, définitif et unique accompli par Jésus. C’est important d’avoir vu
cela pour comprendre maintenant ce que fait Jésus au Cénacle avec ses Apôtres,
et nous après eux, lors de chaque messe.
Dans
l’Évangile, Jésus commence par distinguer entre la terre et le Ciel. Il fait du
Cénacle, le Ciel. C’est pour cela que saint Marc dit que la salle – la salle
haute – doit être « aménagée » et « prête ». Aménagée,
c’est-à-dire qu’elle est équipée de tapis, et de coussins. Prête, c’est-à-dire
en araméen : être « rendue bonne », c’est-à-dire consacrée à
Dieu. Le Cénacle n’est donc pas une simple salle de restaurant, c’est un lieu
de culte, qui représente le Ciel. Cette préparation était nécessaire pour que
Jésus puisse y présenter le sacrifice et l’offrande qu’il devait faire à son
Père. Le sacrifice, c’est l’agneau pascal – et c’est son Corps, qui va être
sacrifié à Pâques – et l’offrande, c’est le vin qui est aussi son Sang, qui
sera remis à son Père, son Esprit, et qui sera bientôt répandu à la Pentecôte, vin
nouveau auquel les Apôtres peuvent déjà communier dans la joie, lors de la
sainte Cène.
Et
maintenant nous avons compris, puisque Jésus a demandé que l’on fasse cela en
mémoire de lui, qu’à chaque messe nous reproduisons le Temple et le rituel du
sacrifice et de l’offrande. L’Église, comme le Temple ou le Cénacle, est un
espace séparé qui représente le Ciel sur la terre, dans lequel il y a une
seconde séparation entre la nef et le sanctuaire. Comme dans le Temple de
Jérusalem, l’espace intermédiaire est bien celui des lévites de la nouvelle
alliance, là où se trouvent les baptisés consacrés à Dieu. Et dans le
sanctuaire, le ciel véritable, se trouve la Présence réelle du Seigneur, où
seul l’évêque comme Grand Prêtre, ou le prêtre ordonné par lui, représentant
Jésus, peut entrer pour faire l’offrande. À l’intérieur de ce Temple,
justement, on offre le pain et le vin, Corps et Sang de Jésus, en mémoire de sa
Pâque et de sa résurrection, pour communier à notre tour, aujourd’hui, par son
Esprit, à l’alliance nouvelle, au Règne de Dieu.
Sans jamais oublier ce qui
donne tout son sens à l’ensemble : que le sacrifice de Jésus, qui est
aussi le nôtre, n’est autre que celui du plus grand amour : donner sa vie
pour ses amis.