Jb
38, 1.8-11 ; Ps 106 ; 2Co 5, 14-17 ; Mc 4, 35-41
Chers
frères et sœurs,
Nous
sommes impressionnés par cet épisode de la tempête apaisée. Certainement que,
lorsque cet événement est arrivé, sur le lac de Tibériade, les disciples ont
vraiment eu peur, et ont été vraiment impressionnés. Mais, à l’époque, ils ne
pouvaient pas comprendre que c’était une prophétie de la mort et de la
résurrection de Jésus. En effet, si l’on comprend qu’il faut lire ces deux
événements en parallèle, ou plutôt en les superposant, alors tout s’éclaire
dans notre évangile de ce dimanche. Suivons le texte pas à pas.
« Ce
jour, là, le soir venu », c’est le jeudi saint, où Jésus annonce à ses
disciples que son Heure est venue : « Passons sur l’autre rive »
- dans le texte araméen, il est écrit précisément : « Passons vers
au-delà. »
Les
disciples emmènent Jésus « comme il était », dans la barque.
La mention « comme il était » est bien curieuse ; mais on
la retrouve au second livre des Rois : « Au crépuscule, les
Araméens s’étaient mis en route et avaient pris la fuite, abandonnant leurs
tentes, leurs chevaux et leurs ânes, en un mot, le camp tel qu’il était ; ils
s’étaient enfuis pour sauver leur vie. » Si saint Marc l’a bien fait
exprès, il dit entre les lignes, de manière voilée, que ce n’est pas tant les
disciples qui emmenèrent Jésus « tel qu’il était » mais plutôt
qu’eux-mêmes l’abandonnèrent « tel qu’il était », entre les
mains des soldats du Temple, pour sauver leur vie.
D’ailleurs,
survint une « violente tempête ». Et comment ! Il s’agit
du jugement, de la Passion et de la mort de Jésus sur la Croix. Et la barque
des disciples se remplissait d’eau : la mer, pour les Hébreux, c’est la
mort. La mort gagnait sur eux. Et nous savons combien ils avaient peur, terrorisés,
enfermés au Cénacle après la mort de Jésus. C’est bien ce que saint Marc nous
dit : « Jésus dormait » - il était mort ; reposant
« sur le coussin », ou plutôt la couche, sur la pierre du
tombeau.
Le
cœur des disciples crie : « Maître, nous sommes perdus ; cela
ne te fait rien ? » Souvenez-vous de cette interpellation, nous
l’avons entendue ailleurs ; on croirait entendre Marthe : « Seigneur,
cela ne te fait rien que ma sœur m’ait laissé faire seule le service ? Dis-lui
donc de m’aider. » Ces deux sœurs avaient interpellé Jésus avec la
même parole : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait
pas mort. » C’était à propos de la mort de Lazare. Jésus avait été
bouleversé aux entrailles et il avait ressuscité Lazare.
Justement,
dans la barque, Jésus est maintenant « réveillé » - en langage
chrétien : il est ressuscité. Il interpelle le vent et la mer. Au premier
il dit « silence ! » La traduction est ici la version la
plus soft qu’on puisse trouver. Un exégète a noté que l’expression employée par
Jésus est – je cite – « sans doute une locution énergique
populaire »… à la seconde, il dit « tais-toi ! »,
c’est-à-dire qu’il la muselle, comme il a muselé les démons à d’autres
occasions. Jésus est plus puissant que la mort et les enfers. C’est pourquoi
« il se fait un grand calme ». Ici, saint Marc fait référence
à la Genèse. En araméen, ce « calme » correspond au repos du
Seigneur, au septième jour de la Création, repos du Shabbat, et le même que
celui qui se fit à la fin du Déluge, quand l’arche de Noé se posa enfin sur le
Mont Ararat. À travers ce « calme » saint Marc fait allusion à
la présence nouvelle de Jésus ressuscité, premier-né d’entre les morts, nouvel
Adam, nouveau Noé, dont l’Église est l’Arche.
Et
ce sont bien les mêmes paroles que Jésus dit à ses disciples au moment de sa
première apparition : « Pourquoi êtes-vous
si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? » ;
« Pourquoi êtes-vous bouleversés ? Et pourquoi ces pensées qui
surgissent dans votre cœur ? Voyez mes mains et mes pieds : c’est bien moi
! »
Voilà
pourquoi, en présence de Jésus disant ces paroles les disciples – qui avaient
peur – maintenant sont « saisis d’une grande crainte ». Il
s’agit ici d’une terreur sacrée, que les hommes n’éprouvent qu’en présence de
Dieu, en présence de l’Ange du Seigneur – ici Jésus ressuscité.
Et
vient la question finale : « Qui est-il donc, celui-ci, pour que
même le vent et la mer lui obéissent ? » La réponse est dans le
psaume, que saint Marc a également utilisé en filigrane, et que nous avons
lu : « Dans leur angoisse, ils ont crié vers le Seigneur, et lui
les a tirés de la détresse, réduisant la tempête au silence, faisant taire les
vagues. » Celui qui réduit la tempête au silence et fait taire les
vagues, c’est le Seigneur et c’est Jésus : c’est le même. La réponse à la
question des disciples est : « Jésus est Dieu, qui était mort et est
ressuscité, et qui a pouvoir sur la mort et sur les démons. »
On
terminera en revenant sur la parole de Jésus : « Pourquoi êtes-vous si
craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? » Le contraire de la foi, ce
n’est pas le doute, ni le scepticisme, c’est la peur… Lorsque nous sommes
confrontés à l’adversité, à l’inconnu, nous sommes tentés par la peur. Mais
Jésus nous dit : « N’ayez pas peur, c’est bien moi » ;
« Je suis là. »