Gn 1,1-2,2 ; Ex 14,15-15,1a ; Ez 36,16-17a.18-28 ; Rm 6,3b-11 ; Mc 16,1-7
Chers frères et sœurs,
Jésus, que nous avons suivi pas à pas depuis une semaine lors de sa montée royale à Jérusalem, lors des Rameaux, et surtout depuis deux jours – avant-hier lors de la sainte Cène, où il a lavé les pieds de ses disciples faisant d’eux des prêtres, puis hier lors de sa passion où il a donné sa vie pour nous ; notre Jésus, qui était mort, enseveli dans un tombeau, est aujourd’hui vivant.
Les femmes qui viennent au tombeau de grand matin ne sont pas des inconnues. Il y a Marie Madeleine, que Jésus avait délivré de sept démons et qui est depuis toute dévouée à lui. Il y a Marie, Mère de Jacques. D’après d’autres passages des évangiles, cette Marie est la sœur de la Vierge Marie et la femme de Clopas, qui est lui-même frère de saint Joseph. Marie et Clopas ont eu quatre garçons : Jacques, José (ou Joseph), Simon et Jude, ceux-là qui sont appelés les « frères » de Jésus, et qui sont donc en réalité ses cousins. Jacques deviendra le premier évêque de Jérusalem. L’Église l’appelle « Jacques le juste ». Il fut lapidé en 61 ou 62 sur ordre du Grand Prêtre Hanne, le beau-frère de Caïphe. Son petit frère Simon lui succédera. Il sera lui-même crucifié en l’an 108. La dernière femme présente au tombeau s’appelle Salomé, ou plus exactement Marie Salomé. Elle est la femme de Zébédée, pécheur du lac de Galilée. Ils ont deux fils qui sont devenus apôtres : Jacques et Jean, ceux que Jésus appelle les « fils du Tonnerre ». Avec Pierre et André, Jacques et Jean faisaient partie des tous premiers disciples. Ils étaient présents à la Transfiguration de Jésus. Marie Salomé s’était prosternée devant Jésus pour lui demander que ses fils soient à sa droite et à sa gauche à l’avènement de son Royaume.
Donc, ce matin au tombeau, avec Marie-Madeleine, ce sont des mamans qui sont venues pour parfumer le corps de Jésus. Marie, Mère de Jacques, est tout simplement sa tante. On est en famille.
Saint Marc précise qu’on se trouve de grand matin, au premier jour de la semaine, au lever du soleil. Pourquoi insiste-t-il ? Parce qu’il fait référence aux sept jours de la Création. Dieu avait commencé à créer l’univers un dimanche. Il commence par séparer la lumière et les ténèbres (premier jour), puis les eaux au-dessus du ciel et les eaux qui sont en dessous (deuxième jour), puis dans les eaux qui sont en dessous, il sépare la mer et la terre, sur laquelle il sème des plantes (troisième jour). Le quatrième jour, il crée le soleil, la lune et toutes les étoiles du ciel. Le cinquième jour il crée tous les animaux, dans la mer, dans le ciel et sur la terre. Au sixième jour, donc le vendredi, il crée l’homme et la femme, Adam et Eve. Or, vendredi saint, c’est le jour où nous voyons Pilate désigner Jésus en disant : « Voici l’homme », et où Marie se trouve au pied de la croix. Ici le côté de Jésus endormi dans la mort est transpercé par une lance laissant s’échapper de l’eau et du sang annonçant le baptême et l’eucharistie sacrements constitutifs de l’Église, rappelant Eve – la vivante – qui avait été tirée de la côte d’Adam dans son sommeil. Au septième jour de la création, Dieu se repose : c’est le jour du sabbat. Justement, le Samedi Saint, Jésus, dans le silence, repose dans le tombeau.
Le matin de Pâques, nous voici donc de nouveau Dimanche, le huitième jour. Et c’est comme si la Création recommençait. Et d’abord par la lumière qui déchire les ténèbres. Voilà pourquoi saint Marc insiste sur le grand matin, le soleil levant, le premier jour de la semaine : la résurrection est une nouvelle création de Dieu. Jésus n’est pas ranimé, il n’est pas restauré : il est l’ultime perfection de la création de Dieu, son aboutissement, son couronnement. C’est pourquoi Jésus montre des facultés bizarres après sa résurrection : il peut apparaître et disparaître ; mais il n’est pas un fantôme : on peut toucher son corps, il peut manger du poisson. Jésus est entré – dirait-on – dans la « quatrième dimension ». Il est le premier homme ressuscité. Le premier-né d’entre les morts, entré dans la vie nouvelle créée par Dieu pour nous tous, par la puissance de l’Esprit Saint.
Voilà pourquoi le jour le plus important pour nous autres chrétiens est le dimanche : parce qu’il est le jour de la résurrection de Jésus, le jour où la création est arrivée à sa perfection, le huitième jour, qui annonce notre propre résurrection.
C’est ainsi que les baptistères des premiers siècles étaient en forme d’octogone : ce sont des bassins à huit côtés. À cause du huitième jour. Parce que l’homme qui est baptisé, passant par la mort et la résurrection de Jésus, est recréé comme lui en homme nouveau. Un baptisé, un chrétien, est un homme du huitième jour, un homme de la « quatrième dimension ». Grâce à Jésus et à son Esprit Saint, il a déjà un pied dans la nouvelle création.
Vous allez me dire : « mais comment savons-nous que nous sommes entrés dans la nouvelle création ? » Par le moyen d’un langage spécial que Jésus nous a laissé en héritage, incompréhensible à ceux qui n’ont pas la foi. Ce sont les sept sacrements : le baptême, la confirmation, l’eucharistie, la réconciliation, le mariage, l’Ordre, et le sacrement des malades. Avec les sacrements, nous appartenons à la nouvelle création et nous en vivons. C’est pourquoi l’Église elle-même n’est pas d’abord une institution humaine qui s’organise et se gouverne comme une institution humaine, car elle vient de Dieu : son organisation et sa vie interne – qui rassemble dans une même communion non seulement les baptisés sur la terre, mais aussi tous les saints du ciel – sont l’œuvre de l’Esprit Saint. L’Église elle-même est un sacrement.
Chers frères et sœurs, saint Marc a raconté ce qui s’est réellement passé, et c’est pourquoi il a indiqué quelle était l’identité exacte des premiers témoins. Ensuite, par le langage de l’Ancien testament, il a essayé de nous expliquer ce qui aujourd’hui encore nous paraît impossible : Jésus est vivant – et nous qui sommes baptisés, nous sommes en communion avec lui !