Ac
4, 8-12 ; Ps 117 ; 1Jn 3, 1-2 ; Jn 10, 11-18
Chers
frères et sœurs,
Nous
sommes au cœur de l’Évangile. Toute la vie de Jésus – j’entends ici la vie
intérieure, profonde, personnelle, de Jésus est dans ces quelques mots. Et par
conséquent, il s’agit aussi de la vie intérieure, profonde de l’Église, et de
chacun d’entre nous qui sommes baptisés. Il s’agit du cœur de notre vie
spirituelle et de notre vie tout court, de notre vocation chrétienne. Essayons
d’expliquer.
Il
y a une relation vitale entre Jésus et son Père, qui est une relation d’amour.
Pour en parler, Jésus utilise le verbe « connaître », comme des époux
se connaissent l’un l’autre dans l’amour. Il veut dire par là que la communion
entre lui et son Père est totale et que c’est une communion d’amour. Cette
communion est réelle en ce sens que la vie que Jésus reçoit de son Père, il lui
la donne en retour : il la lui offre, comme une offrande. Et le Père la
lui rend à nouveau comme une grâce. Et ainsi de suite, éternellement et
toujours plus intensément. Cette vie, c’est l’Esprit Saint.
Dieu
aurait pu être narcissique et se complaire dans cette communion éternelle entre
le Père, le Fils et l’Esprit Saint, comme dans un cercle fermé. Mais non, il
s’est ouvert pour l’homme, pour que l’homme puisse lui-aussi entrer dans cette
communion d’amour éternelle et vivifiante. C’est le dessein de Dieu et la
vocation de l’homme : vivre éternellement dans la communion d’amour de
Dieu.
Pourtant,
l’homme concret, la créature de Dieu – la brebis – n’avait pourtant pas
grand-chose pour plaire. Il était aveugle et nu, pécheur et possédé par des
esprits impurs. Il était malade de son absence de foi en Dieu, et meurtri de
ses nombreuses et mortelles blessures. Et divisé avec lui-même et ses
semblables, en guerre perpétuelle… Bref : la catastrophe.
Mais
Jésus se fait pour l’homme, pour les brebis, le bon berger. « Bon »,
il n’y a que Dieu qui soit réellement « bon ». Le Bon berger est
annoncé par tous les prophètes : c’est Abel, Abraham, Moïse, David… tous
ont été des bergers. Mais Jésus est le vrai berger : parce qu’il est celui
qui donne sa vie pour ses brebis, parce qu’elles comptent pour lui. Il les aime
d’un amour divin.
Nous
retrouvons ici le jeu du plus grand commandement, celui de l’amour de Dieu,
d’abord ; et celui qui lui est semblable : celui de l’amour du
prochain. Ainsi Jésus ne cesse pas de recevoir sa vie de son Père et de la lui
offrir en retour. C’est le premier commandement : « tu aimeras le
Seigneur ton Dieu ». C’est un mouvement éternel. Mais voilà qu’il
l’ouvre aussi à ses brebis, en imitant à notre égard, le geste que fait son
Père à son égard : voilà qu’il offre sa vie à ses brebis, pour ses brebis.
C’est le commandement qui est semblable au premier : « tu aimeras
ton prochain comme toi-même ».
Voilà
ce que ne fait pas le berger mercenaire, le faux berger. Il veut garder la vie
reçue de Dieu pour lui-même, sans s’ouvrir, sans l’étendre à ses brebis. Le
faux berger est fondamentalement égoïste et il a peur qu’en s’ouvrant il perde
ce qu’il a reçu comme un trésor. Mais ce faisant, il perd ce trésor, il tarit
l’eau qui coule en lui-même, il s’assèche et se voue à la mort éternelle. Car
qui refuse l’Esprit de Dieu est condamné éternellement. Mais Jésus, le bon
berger, s’est ouvert – son côté s’est ouvert – et il a offert sa vie à ses
brebis, pour ses brebis.
Là,
il y a deux genres de brebis, comme il y a deux genres de bergers. Il y a un
premier genre de brebis, celles qui écoutent la voix du bon berger et qui vont
se mettre à le suivre. Concrètement qui vont se mettre à vivre comme vit le bon
berger : aimer Dieu, aimer son prochain et elles aussi, se mettre à donner
leur vie pour d’autres brebis. Et il y a un second genre de brebis, qui
n’écouteront pas la voix du berger, et donc continueront à errer dans le monde,
dans une vie insensée et mortelle.
Il
est à noter deux choses. La première, que Jésus évoque les brebis qui sont de
« cet enclos » - il veut dire l’enclos du Temple, c’est-à-dire les
brebis d’Israël, les juifs qui observent la Loi de Moïse ; et les brebis
« qui ne sont pas de cet enclos », c’est-à-dire les brebis de
l’extérieur, c’est-à-dire des nations païennes. Toutes ont un seul et même
berger.
Et
la seconde, que Jésus appelle et donne sa vie non pas pour « sa »
brebis, mais « ses » brebis. Il est notre berger beaucoup plus
collectivement qu’individuellement. Jésus vient sauver le peuple d’Israël et
non pas tel ou tel juif en particulier ; il vient sauver les nations et
non pas tel ou tel barbare en particulier. Bien sûr, le salut est individuel,
car chacun d’entre nous est libre d’écouter la voix du bon berger, mais cela se
fait toujours solidairement avec les autres brebis. C’est l’Église.
Voilà
donc chers frères et sœurs ce que tentait d’expliquer Jésus aux pharisiens qui
l’écoutaient dans le Temple de Jérusalem. Aujourd’hui, il leur a livré le
secret de l’Évangile : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout
ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force », et « tu
aimeras ton prochain comme toi-même ». Et : « Il n’y a
pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis ».